Laurent Bedoussac Maître de conférences à l’ENSFEA-INRA UMR AGIR

Il réalise actuellement ses recherches au sein de l'UMR AGIR et de l'équipe VASCO de l'INRA sur les cultures associées et nous parle d'un verrou technique : le tri des graines. Son maître-mot à ce sujet : « On est capable de séparer n'importe quoi, tout dépend du coût ! »


Atouts pour le développement de cette pratique

Selon Laurent Bedoussac, « c'est une question de rapport entre le coût du produit et celui du tri ».

Le tri à la ferme peut présenter des avantages pour l'agriculteur en termes d'autonomie, de création de valeur ajoutée ou pour la production de semences. Toutefois cela nécessite une certaine technicité et des investissements qui pourront être supportés si la plus-value du produit est améliorée.

La qualité du tri dépend du matériel et des réglages des outils. En effet, on peut l'améliorer en prenant du temps, en choisissant mieux les grilles et les vitesses, mais ceci n'est pas aisé pour une coopérative (qui doit traiter de grands volumes en un court laps de temps) qui, par conséquent, aura tendance à choisir des réglages standards. A contrario, on peut penser qu'un agriculteur pourra ajuster finement les réglages pour ses différents lots et ainsi améliorer l'efficacité du tri.

« Si on prend la peine de trouver les bons réglages, je pense qu'on peut améliorer fortement la qualité du lot en sortie. »

Freins au développement

Il faut bien comprendre que « le tri à la ferme n'est pas un solution miracle ». Le tri et le stockage sont des aspects très techniques qui nécessitent des connaissances spécifiques. « C'est un métier en tant que tel ».

La technique de tri

En premier lieu, il faut « trouver comment sortir un lot du champ qui soit triable ». Pour cela, on joue d'abord sur les réglages de la machine et le choix de variétés adaptées afin de faciliter le tri. Ensuite, il faut savoir qu'après le tri, il y aura toujours une fraction dans laquelle il sera difficile de séparer les graines. Cette fraction « non séparable » peut être soit vendue en alimentation animale, soit re-triée. Cependant, cette dernière option est plus onéreuse et sa rentabilité doit être évaluée.

A l'issu du tri d'un lot, il peut rester différentes impuretés qui font que le lot ne peut pas être commercialisé en alimentation humaine. Dans ce cas, on peut envisager de la diluer dans un autre lot pour mélanger les impuretés, ce qui peut être d'autant plus intéressant si le lot initial présente de bonnes teneurs en protéines.

Le rôle de la recherche

« Il faut que chacun apporte ses connaissances. J'apporte des éléments de critique, de compréhension et ensemble (avec les agriculteurs et autres acteurs du milieu) on co-construit des réponses à des problèmes communs. »

Le futur de cette pratique et les champs à explorer

Un nouveau regard doit être porté sur la question du tri :

  • Sur le couplage entre récolte et tri : ne vaut-il pas mieux laisser quelques grains dans les champs mais avoir un tri efficace derrière ? La rentabilité de ce choix reste néanmoins à étudier, elle renvoie à l'étude de la performance économique du système et non pas de chaque étape indépendamment.
  • Sur la valorisation de grains non triés dans des procédés à visée d'alimentation humaine : « on part du postulat qu'il faut trier au départ mais on n'est peut-être pas obligé de trier si on utilise le mélange comme un produit».

 

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