Estelle Gressier Agronome et animatrice au sein de l’association AVEM (Association Vétérinaires Eleveurs du Millavois).

Lors des années 2012-2014, l'AVEM a participé au projet Pro-ABiodiv consacré à la formation et l'accompagnement d'agriculteurs vers une organisation collective permettant l'échange de graines paysannes adaptées aux conditions pédoclimatiques locales : la Maison de la semence. Collaborant avec des éleveurs du Millavois, le travail d'Estelle est majoritairement orienté sur les cultures fourragères ; elle nous livre son expérience à ce sujet.


Atouts pour le développement du tri à la ferme

Un des avantages principal est l'aspect financier. Même si le taux de germination des semences fermières est plus faible, l'agriculteur n'a pas à les acheter. « Les seuls frais à prévoir sont les coûts de la moisson et du tri, économiquement, c'est très rentable ».

Mais, selon Estelle Gressier, l'aspect le plus important reste l'envie de l'agriculteur. « Ceux qui ont fait ce choix sont vraiment satisfaits de retrouver ce savoir-faire. Ils souhaitent se réapproprier la capacité d'être autonome et de faire de A à Z leur métier de paysan. »

Freins à ce développement

Il y a un vrai savoir-faire à retrouver « pour passer de l'herbe à la graine ». C'est un temps supplémentaire à l'activité classique. Cela nécessite des équipements (trieur) et des aménagements particuliers (zone de séchage, zone de stockage, etc.).

Les étapes annexes du tri

D'un point de vue technique, plusieurs étapes sont préliminaires au tri :

  • nettoyer la récolte :
    Cette étape peut être très longue mais en général, le polyculteur-éleveur ne moissonne qu'une petite parcelle donc le volume de récolte à trier n'est pas très important. Moissonner et nettoyer peut se faire sur un ou deux jours.
  • sécher la récolte :
    Cette étape est primordiale ! 2 solutions : un équipement spécifique ou la répartition de la récolte sur le sol de la bergerie en été ou dans un grenier. Le séchage se fait au râteau, deux fois par jour pendant deux semaines.
  • stocker la récolte
    en prenant soin de la mettre à l'abri des rongeurs et de l'humidité en attendant une période plus creuse, pour faire le tri.

Futur de cette pratique et champ à explorer

Pour Estelle Gressier, le matériel existant est adapté mais il faudrait améliorer le débit car les agriculteurs manquent de temps. « L'amélioration de l'efficacité peut également passer par une organisation collective plus efficace. Par exemple, mettre en place plusieurs centres de tri, avec, soit des trieurs fixes dans un lieu facile d'accès, soit des trieurs mobiles qui circuleraient entre les fermes. Une personne d'expérience (agriculteur référent ou technicien) serait présente sur ces centres afin d'accompagner les agriculteurs dans cette démarche… mais ce n'est envisageable que si on résout le problème de la cuscute. »

Accompagnement et formation

L'accompagnement des agriculteurs dans cette démarche doit inclure des temps collectifs et individuels. En effet, « il y a cette dimension de savoir faire et de connaissances pratiques individuelles qui ne se délèguent pas. ».

Le mot de la fin

« C'est possible individuellement de faire du tri à la ferme » (…) mais s'orienter vers un choix collectif permet de partager du matériel, des semences et aussi des connaissances sur les techniques de réglage. « Tout est une question de confiance autour du tri et de « propreté » des échanges. »

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