Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Quels sont les aléas climatiques rencontrés ?

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)

Les températures annuelles :

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici une maturité des fruits plus précoce et des dégâts sur les fruitiers (voir plus bas). Cependant, les jours chauds (> 25°C) et très chauds (> 30°C) ne sont pas en hausse, les premiers étant même en diminution. De plus, les jours de gel et de grand froid (- de 5°C) sont en baisse. L'extrême haut des températures ne semble donc pas être le plus problématique. On remarque cependant une hausse des jours chauds et très chauds dans les dernières années (depuis 2018).

La sécheresse :

Voici deux graphiques pour illustrer la sécheresse déclarée par Patrice Giard en juillet-août. Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. C'est un bon indicateur pour caractériser la sécheresse. Ici, sur les deux graphiques, on observe que la tendance sur les 40 dernières années n'est pas un assèchement, au contraire. Les précipitations ont augmenté et le déficit hydrique a diminué. Ainsi, le changement climatique ne semble pas se traduire par une sécheresse estivale, mais par plus de pluies, peut-être d'orages estivaux. Cependant, comme Patrice Giard le mentionnait, il semble y avoir un déficit en eau depuis 2018. D'après les projections (voir plus bas), la tendance de ces trois années se poursuivra les années à venir.

Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?

Pour l'aléa de sécheresse, les prairies de l'exploitation ont une pousse de l'herbe plus limitée durant les périodes sèches, en juillet août. Cela baisse donc le rendement foin. Les animaux souffrent de la chaleur, et ont donc une production de lait plus faible, jusqu'à 10 à 15% en moins par jour sec et chaud.
Forte températures : Les fortes températures en juillet/août viennent accentuer les impacts de la sécheresse sur le rendement et l'état global des prairies. De plus, elles ont également un effet sur le bien-être animal. En effet, lors de fortes chaleurs, le troupeau mange et rumine moins, passe plus de temps à l'ombre. Ensuite, la chaleur impacte les vergers. La chaleur pendant la floraison, au printemps, détruit les fleurs, impactant fortement le rendement (110 t en 2020, contre 300 t en moyenne). La chaleur décale le cycle des pommiers, qui arrivent tous à maturité en même temps (variétés précoces et tardives confondues). Ainsi, il y a une charge de travail plus concentrée. Enfin, la chaleur cause des dommages sur l'arbre : les jeunes branchent cassent, c'est une perte de rendement potentiel, et les écorces fendent verticalement, ce qui favorise l'installation du chancre du pommier.
Grêle : La grêle de printemps détruit les fleurs, causant de grosses pertes de rendement, jusqu'à 2/3 en 2014.                                                   

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système d'élevage bovin lait et arboriculture.

Quatre indicateurs sont présentés en lien avec le système de Patrice Giard :
  • Les températures et précipitations annuelles :

Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et les précipitations annuelles. On remarque une franche augmentation de la température, et une légère baisse des précipitations. Ainsi, les aléas de chaleur et de sécheresse semblent globalement avancer dans les 30 années à venir.

 

  • Le déficit hydrique de printemps et été :

Le déficit hydrique présenté ici s'étale sur la période avril-septembre, correspondant à la période majoritaire de besoin en eau des plantes, pour la croissance végétative ou pour le cycle reproductif. Pour les vergers de l'exploitation, cette période comprend les stades de floraison et de fructification, et de maturation du fruit, et la période de pousse majoritaire pour les prairies. Là où les observations des 40 dernières années tendaient vers une diminution du déficit hydrique (donc plus d'eau disponible aux plantes), les projections indiquent une légère augmentation de ce déficit. Les impacts devraient donc être modérés.

  • La chaleur de plus de 25°C :

Cet indicateur présente le nombre de jours par an où la température maximale journalière est supérieure ou égale à 25°C. C'est un indicateur général qui nous sert ici à englober tous les dommages causés par la chaleur aux vergers. On remarque donc que le nombre de jours de plus de 25°C a tendance à augmenter à l'horizon 2050, il y aura donc sûrement plus d'impacts sur les vergers. Il serait peut-être intéressant pour Patrice Giard de replanter des nouveaux vergers aux variétés (porte greffe et greffon) plus tolérantes à la chaleur.

  • Le stress thermique des animaux (Indice Température Humidité) :

L'Indice Température Humidité (ITH) évalue le couple température et hygrométrie pour déterminer le niveau de stress thermique des animaux. Sur ce graphique figurent le nombre de jours de stress thermique par an. Ainsi, d'après ces projections, l'évolution du climat local va faire presque doubler le nombre de jours de stress thermique des animaux. D'autant plus de jours où les animaux seront moins productifs en lait et leur croissance ralentie. Il faudra réfléchir à des pratiques d'adaptation, comme introduire une race plus rustique par exemple.

 

Quelles sont les pistes d'adaptation au sein du Domaine du Manoir ?

Contre la sécheresse, le Domaine du Manoir récolte désormais son foin au printemps et fait pâturer les prairies l'été, pour éviter d'avoir un foin sec. De plus, de la fertilisation azotée est utilisée pour contrer le faible développement de l'herbe dû à la sécheresse.
Contre les fortes températures, qui touchent les animaux, Patrice Giard possède des pré-vergers, où les vaches peuvent pâturer à l'ombre et con réduire leur stress thermique. Les arbres fournissent également de l'ombre aux prairies. De plus, pour les dommages provoqués par la chaleur sur les arbres, Patrice Giard traite contre les infections au chancre.
Contre la grêle, Patrice Giard cultive des variétés de pommes précoces et tardives, qui permettent un étalement de la récolte pour limiter les dégâts et répartir le risque.

De plus, il pourrait être intéressant de replanter des vergers aux variétés plus adaptées à la chaleur et à la sécheresse.

 

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

  • Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/

Vidéo

Contact

Patrice et Michèle GIARD

Domaine du Manoir
Grandouet
14340 Montreuil-en-Auge
Me contacter