La restauration écologique Cas de l'exploitation Indigènes à Bois-Blanc
LA DÉMARCHE
L’île de La Réunion ne compte plus que 30% des habitats naturels originels (Parc national de La Réunion, 2023). En effet, la biodiversité insulaire a subi d’importantes transformations au cours du temps. La destruction et la fragmentation de ces habitats par l’action humaine, l’introduction d’espèces exotiques envahissantes (EEE) plus communément « les pestes végétales », les diverses pollutions (chimiques, plastiques, …) ont eu et ont des impacts majeurs tant sur les divers écosystèmes, la flore vasculaire que sur la faune vertébrée ou encore les écosystèmes marins.
Face à ces constats, et l’urgence d’enrayer l’érosion de cette biodiversité unique et exceptionnelle, des actions de protection, de restauration et de sensibilisation sont d’une importance capitale pour l’île mais aussi pour le reste du monde.
Un des enjeux majeurs d’aujourd’hui est donc la gestion des plantes invasives introduites ou plantes exotiques envahissantes (EEE).
Pour la flore vasculaire de La Réunion, elle comprend 2000 espèces dont la moitié sont exotiques (introduite sur l’île, par l’Homme, le vent, les courants, etc.) en 2015. On en compterait 3000 aujourd’hui (Parc national de La Réunion, ARMEFHLOR, 2023)
Des opérations de restauration écologique ont vu le jour dès 1980 pour répondre à cette problématique dont les effets sont très marqués sur l’île comme dans tous les autres systèmes insulaires (Julien Triolot, 2005).
Le rôle des gestionnaires en collaboration avec les agriculteurs pour définir et appliquer les bonnes pratiques sur le terrain est donc essentiel pour préserver les écosystèmes remarquables de La Réunion.
Forêt de Bois Blanc – Concession Des Donnay
Définitions :
L’idée générale de la restauration écologique est qu’il est possible de remettre dans un état antérieur ce qui a été dégradé ou détruit par des causes naturelles et / ou humaines (Donadieu, 2002).
Mais peut-on recréer à l’identique des habitats originels ?
Les avis divergent au sein de la communauté scientifique, institutionnelle et plusieurs définitions ont été proposées :
- Restauration écologique : pour l’union mondiale de la Nature (UICN) et la Society for Ecology Restauration (SER), « la restauration écologique est un procédé qui permet d’assister le rétablissement d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit ». Elle désigne selon le National Research Council US (1992) « la remise dans un état initial défini, considéré comme naturel, d’un système perturbé par l’activité humaine ».
- Réhabilitation : pour le WWF 2004, il s’agit de la création d’un écosystème alternatif écologiquement viable, éventuellement différent en termes de structure, composition et fonctionnement de l’écosystème avant dégradation et présentant une certaine valeur d’usage et pour la biodiversité. Le passage par un état intermédiaire réhabilité est parfois nécessaire pour la restauration elle-même, compte tenu de l’échelle temporelle de reconstitution d’un écosystème très dégradé.
- Réallocation (ou réaffectation) : pour le WWF (2004), il s’agit d’un terme général décrivant les actions conduisant à assigner à un écosystème dégradé, une biodiversité, un fonctionnement et un usage nouveaux sans rapport écologique avec l’écosystème avant dégradation. Ces usages nouveaux englobent la transformation pour l’agriculture et la foresterie industrielle comprenant un objectif unique de production de bois. Il s’agit par exemple d’une zone humide dans une gravière abandonnée.
L’objectif de la restauration écologique résulte généralement d’un choix collectif, pris par les décideurs, les gestionnaires, les scientifiques, afin d’enrayer un processus irréversible pouvant conduire à une perte de biodiversité importante (Julien Triolot, 2005).
À La Réunion, l’enjeu est donc la lutte contre les plantes invasives afin de sauvegarder la biodiversité unique (espèces endémiques) et conserver son statut de « hotspot » de la Biodiversité Mondiale. Les espèces introduites sur le territoire sont nombreuses et montrent une propension à s’adapter aux contextes pédoclimatiques des différentes zones géographiques de l’île. Ces espèces suivent un processus d’invasion permettant ou non leur adaptation au milieu naturel comme l’illustre le schéma de Richardson et al. (2000).
Le Conservatoire Botanique National de Mascarin (CBNM) classe les espèces exotiques en fonction de leur potentiel envahissant sur une échelle de 0 à 5. LE CBNM compte 118 EEE en 2015 classées 4 et 5 pouvant fortement dégradées les milieux naturels.
Bilan des opérations de lutte contre les plantes exotiques envahissantes menées par l’Office national des Forêts entre 2004 et 2013. Service Forêt et Milieux naturels – Direction Régionale de l’ONF de La Réunion. 2016
Dans ce cadre, la priorité, pour lutter contre ces EEE en appliquant des protocoles de restauration écologique, est souvent donnée à des milieux raréfiés ou à des habitats abritant une ou plusieurs espèces ayant une forte valeur patrimoniale (Mungroo et al., 1997 ; Hunter, 2002). Le choix peut porter également sur le rétablissement ou le maintien des fonctions sociales et économiques comme le mettent en avant de nombreux projets de restauration écologique (Chapuis et al., 2002). La restauration écologique doit être déterminée pour une zone géographique. Une fois cette zone cartographiée, le plus délicat est de définir l’écosystème de référence vers lequel la restauration doit tendre (Julien Triolo, 2005).
D’après Aronson (2002), cet « état de référence » doit être identifié afin de :
- Caractériser la cible par sa composition, sa structure, et son fonctionnement, par rapport à l’existant
- Déterminer les facteurs de la dégradation ou transformation
- Définir ce qui doit être fait pour restaurer, réhabiliter ou rajeunir l’écosystème
- Choisir les critères ou indicateurs à mesurer pour évaluer le succès des traitements ou protocoles expérimentaux
Néanmoins, il est difficile, par manque de données historiques, de connaître l’état dans lequel était l’habitat avant les modifications directes ou indirectes par l’Homme. L’atteinte de cet état « idéal » est presque impossible dès lors que l’écosystème ait subi des dommages irréversibles. Il est tout de même possible de définir un état grâce à la proximité d’écosystèmes similaires peu ou pas modifiés.
Représentation schématique des états de référence en restauration écologique
TRIOLO J., 2005. Guide pour la restauration écologique de la végétation indigène – rapport technique, ONF
La définition de l’état de référence va permettre d’orienter les travaux et les pratiques mais aussi de déterminer les indicateurs qui serviront à évaluer les résultats de la trajectoire adoptée (Aronson et al., 2002).
La richesse spécifique est l’indice de diversité le plus souvent utilisé.
Il ne sera pas suffisant pour analyser le fonctionnement d’un écosystème dans son ensemble, malgré l’hypothèse formulée par Mac Arthur (1955) : « une augmentation de la richesse spécifique conduit à une plus grande stabilité de l’écosystème ».
Les indicateurs utilisés (Chauvin et al., 2002) :
- La richesse et la diversité spécifique
- L’abondance des espèces
- Degré de rareté
- Superficie de l’habitat
- Degré de représentativité des espèces ou communautés
- Usages
Une fois la restauration lancée en suivant les indicateurs et les protocoles de lutte contre les EEE et de préservation de la biodiversité, il est possible d’établir 3 constats permettant d’identifier le succès ou non de la restauration et de la poursuivre dans le temps. Après confirmation du diagnostic et l’analyse des actions, accompagnée des modalités de mise en œuvre, les gestionnaires de la restauration peuvent décider soit l’arrêt par manque d’efficacité, soit le recadrage ou la réorientation des actions à mettre en place.
La restauration écologique suit de grandes étapes pour sa mise en œuvre :
- Étape 1 : désignation au sein d’un massif forestier de zone d’intérêts écologiques particulières
- Étape 2 : diagnostic de la zone à restaurer et planification du chantier et des modalités de lutte
- Étape 3 : recherche de financement
- Étape 4 : réalisation du chantier
- Étape 5 : suivi et évaluation du chantier
- Étape 6 : Communication et sensibilisation
L’ensemble des acteurs de la restauration écologique sont nombreux et impliqués à La Réunion : l’ONF, la Conservatoire du Littoral, les institutions publiques et privées, la recherche, les opérateurs forestiers et agricoles dont le Parc national de La Réunion, les associations et bien sur la population.
Cette lutte contre les EEE au travers de la restauration écologique est donc un objectif prioritaire et se traduit dans plusieurs documents stratégiques organisant la protection de la Nature. La stratégie Réunionnaise pour la Biodiversité (SRB) en fait partie et prévoit un axe majeur et à part entière à la lutte contre les EEE notamment avec un document spécifique « Stratégies de lutte contre les espèces invasives » reprenant les grands axes de la restauration écologique (détection / prévention, lutte active, sensibilisation et gouvernance).
Pour activer la mise en place des axes stratégiques de lutte contre les EEE, la DEAL a mis en place un vaste programme depuis 2010, le POLI (Programme Opérationnel de Lutte contre les Invasives).
Pour réaliser cette lutte par restauration écologique, l’Office National des Forêts (ONF), gestionnaire majoritaire des massifs forestiers de La Réunion, propose plusieurs méthodologies fonction du caractère invasif des espèces et du milieu dans lesquelles elles se trouvent. Le tableau ci-dessous permet d’identifier les 3 grands axes de restauration écologique dans le but de favoriser le rétablissement de la végétation indigène.
Objectifs de restauration écologique mis en œuvre par l’ONF et itinéraires techniques associés – Bilan des opérations de lutte contre les EEE menées par l’ONF entre 2004 et 2013, février 2016
Pour la lutte contre les EEE dans un milieu naturel d’origine, 3 modes de lutte se distinguent et permettent de comprendre la forme de restauration appliquée au milieu naturel.
Les modalités d’actions peuvent être manuelles, outillées, mécaniques, et/ou chimiques en combinées ou non et montrent des degrés d’efficacité selon les EEE ciblées, les espèces indigènes à protéger ou favoriser.
Schéma de lutte dans les milieux naturels – Bilan des opérations de lutte contre les EEE menées par l’ONF entre 2004 et 2013, février 2016
L’ONF propose d’autres itinéraires techniques pour reconstituer des milieux détruits, transformer des boisements d’espèces exotiques plantées ; ou de sauvegarder des espèces menacées avec des protections ciblées et des renforcements par la plantation d’espèces menacées.
Ce schéma appliqué au domaine forestier est important dans la mesure où il représente bien la contrainte des travaux à mener dans les concessions délivrées aux agriculteurs afin de concilier ces enjeux et avoir une production agricole diversifiée rentable. De manière générale, les agriculteurs intégrés dans la restauration écologique appliquent ces méthodologies afin de préserver le milieu et trouver un équilibre entre la forêt indigène et la production agricole. Néanmoins, le succès de la production agricole en milieu forestier dépendra fortement des modes de productions et de la prise en compte ou non de la biodiversité environnante.
A titre d'exemple, le projet GAIAR (gestion agroécologique et innovante des friches par l’agroforesterie réunionnaise), débuté en mars 2021, fruit d’un partenariat entre l’ARMEFHLOR et le Parc national de La Réunion, afin de répondre à ces grands enjeux de restauration écologique et de lutte contre les EEE.
L’objectif de ce projet est d’expérimenter avec des agriculteurs et agricultrices la mise en place de systèmes agroforestiers sur des espaces de lisière à l’interface des zones agricoles et naturelles. L’agroforesterie présente un potentiel de valorisation économique et de gestion écologique via des systèmes de production diversifiés et résilients.
LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES
Contexte de la forêt des bois de Couleurs des Bas - Forêt humide de basse et moyenne altitude
La Réunion abrite encore, dans ses hauteurs, des milieux indigènes peu perturbées couvrant de larges étendues. Ceux sont les milieux de basse altitude qui ont été les plus touchées par la colonisation de l’île par l’Homme en 1665. La découverte du Café indigène en forêt (Coffea mauritiana) 50 ans plus tard marque le début du défrichement massif de la forêt naturelle pour les besoins de l’agriculture. Rapidement, le Café indigène s’étend sur les terres en dessous de 400 m d’altitude. Les cultures vivrières font leur apparition et dès la moitié du 19e siècle, l’ère de la canne à sucre fait son introduction et participe à la disparition de la majorité des forêts humides de basse et moyenne altitude. Quelques années après, le géranium plante à parfum envahit rapidement presque tous les Hauts de l’île faisant reculer encore plus la forêt indigène.
TRIOLO J., 2005. Guide pour la restauration écologique de la végétation indigène – rapport technique, ONF
Ce n’est que vers la fin du 19e que de véritables mesures sont prises afin de stopper cette destruction massive des milieux naturels. Dès lors, un domaine forestier de 100 000 ha fut instauré en 1867 et un service forestier en 1874 qui assura la protection contre les défrichements des milieux naturels. Il faudra attendre 1970 pour voir la mise en place d’un programme de mise en réserve (naturelle et biologique) des zones encore préservées.
Depuis 2007, ces écosystèmes primaires bénéficient d’une protection renforcée grâce à la création du Parc national de La Réunion.
Ce domaine forestier est aujourd’hui géré par de multiples acteurs de façon concerté et il est régit par un régime forestier par statut et des plans de gestion sont appliqués à plusieurs forêts.
HTTPS://WWW.ONF.FR/ONF/%2B/76::ONF-LA-REUNION-MAYOTTE.HTML
Forêt de Bois Blanc - La concession des Donnay : Indigènes
Le Conservatoire du littoral acquiert et aménage des espaces naturels du littoral et des rivages lacustres dans le but de mettre en valeur les paysages et de protéger leur richesse écologique et patrimoniale tout en les rendant accessibles au public.
Un plan de gestion définit un projet de site à travers des orientations de gestion partagées entre l’ensemble des acteurs de territoire comme certaines institutions, l’ONF, la Parc national de La Réunion, ou encore l’ARMEFHLOR.
Sur la commune de Ste Rose (lieu de vie des Donnay), le Conservatoire du littoral protège le site de bois Blanc (1e site détenu par le Conservatoire du littoral), d’une superficie de 360 ha au sein d’un massif forestier qui avoisine les 1500 ha.
Aujourd’hui dans la forêt de Bois Blanc, on dénombre :
- 36 concessionnaires qui font vivre l’économie du site
- 80 % de la forêt classée en ZNIEFF
- Une trentaine d’espèces d’arbres indigènes et endémiques recensées
Carte de la forêt de Bois Blanc géré par le Conservatoire du littoral – Conservatoire du littoral
La forêt de Bois Blanc présente donc des forts enjeux écologiques et paysagers en raison des espèces rares qu’elle abrite. Au-dessus de 300 m une forêt indigène bien conservée abrite le Bois Blanc (Hernandia mascarenensis) en danger critique d’extinction.
La présence d’espèces à la fois rares et caractéristiques du patrimoine naturel valorise la valeur patrimoniale du site.
La forêt de bois de couleur des bas est, quant à elle, dominée par des espèces exotiques dont certaines sont envahissantes : le jamrosade (syzygium jambos) ou le goyavier (Psidium cattleyanum) et bien d’autres encore.
Pour freiner la progression des EEE du bas vers le haut, le Conservatoire du littoral autorise grâce à des conventions d’occupation temporaire, la production de vanille et la création de vergers créoles se mélangeant avec des forêts d’espèces indigènes et endémiques. L’objectif est de freiner via l’action des concessionnaires la progression des EEE et de contribuer parallèlement au maintien d’une agriculture vivrière et patrimoniale.
C’est le défi que s’est lancé la famille Donnay avec une concession d’un peu moins de 5 ha sur un bail de 9 ans, renouvelable. Un des objectifs premiers de la famille Donnay est de restaurer la forêt en friche. Et puis de lutter contre les espèces exotiques envahissantes tout en produisant de la vanille et des fruits lontan et en favorisant la Biodiversité indigène et endémique. Un travail ardu et remarquable, reconnu par un grand nombre d’acteurs du territoire.
Avant de se lancer dans la restauration écologique de la concession, Quentin indique l’importance des sols en formation, et leur compréhension ainsi que le gain de surface unique à la Réunion après certaines coulées de lave du Piton de la Fournaise toujours en activité (27 ha de plus sur l’océan, avec la coulée de 2007). Pour comprendre l’île et ses dynamiques notamment en matière de Biodiversité, Quentin souligne « qu’il faut partir du volcan » :
La forêt de Bois Blanc est située à proximité du rempart de Bois Blanc créé par les nombreuses éruptions du Piton de la Fournaise.
Le volcan
Le volcan est constitué d’un large dôme situé au milieu d’un grande zone d’affaissement appelée Enclos Fouqué. Cet enclos forme un grand U ouvert à l’Est sur l’océan Indien. Il est entièrement ceinturé de falaises, appelées remparts qui le surplombent d’une hauteur comprise entre 100 et 400m.
3 zones distinguent le volcan, la partie haute, une zone médiane, et la partie basse dénommée « Le grand Brûlé » qui s’étale vers l’Océan.
Il est important de rappeler que la partie active du volcan peut s’étendre au-delà des limites de l’enclos et provoquer des éruptions dites « hors-enclos », ce qui est le cas de la commune de Piton Ste Rose et de la forêt de Bois Blanc. La présence d’un volcan actif conditionne fortement la vie des habitants mais aussi celle de la forêt, des sols en formation et de l’agriculture.
La formation de sols
La pédogénèse s’effectue dans des conditions assez uniformes, où règnent des températures élevées et des précipitations abondantes tout au long de l’année (Cadet, 1980). L’activité volcanique intense a eu et a toujours pour conséquence la création d’une très grande diversité de laves.
La roche mère basaltique reste assez constante d’un point de vue chimique, la formation du sol va dépendre de deux facteurs :
- Le caractère physique de la roche mère avec des coulées épaisse ou peu épaisses qui auront des conséquences sur le drainage et donc l’altération des sols
- De l’âge du substrat entraînant une altération plus ou moins avancée
Ce substrat géologique basique comme les basaltes, contient naturellement du calcium et des bases en quantité importantes. L’action du climat a donc fait évoluer la pédogénèse vers 6 grands types de sols répartis de manière concentrique autour des deux Pitons. La carte ci-dessous adaptée par le CIRAD illustre ces 6 types de sols :
Bien que le sol de la forêt de Bois Blanc présente une grande hétérogénéité, la carte indique des andosols perhydratés pour cette zone. Sol assez jeune formé sur des cendres volcaniques récentes. Leur capacité d’échange cationique et anionique est très élevée.
En termes de caractéristiques, lorsque des zones de sol se sont formés, la texture est fine. Elle est de type argilo-limoneuse à argileuse. Peu épais (moins de 1 m) car jeunes et subissant l’érosion et le décapage. Les sols en pente ont beaucoup d’éléments grossiers d’origine diverses (pierres, galets).
Des sols qui sont perméables : forte porosité (50 à 60%). La densité apparente est faible (inférieur ou égal à 1). La réserve en eau utile est importante de 80 à 130 mm sur 60 cm à 1 m d’épaisseur et présente une bonne capacité de stockage de l’eau.
La fertilité chimique est faible pour N et K, de faible à moyenne pour P.
Bien que les recherches sur les sols de la Réunion méritent d’être approfondies et actualisées, les zones de forêts climaciques présentent une litière très abondante pour une écosystème tropical insulaire et jeune. La productivité de cette litière semble « contrôlée » par quelques espèces, qui ont un rôle déterminant dans la formation des sols et tous présents sur la concession des Donnay, comme :
- Nuxia verticilla (Bois maigre)
- Labourdonnaisia calophylloides (Petit natte)
- Sideroxylon borbonicum (Bois de fer bâtard)
- Syzygium sp. (Bois de pomme)
- Antirhea borbonica (Bois d’osto)
Quentin est également convaincu que ces processus de transformation s’opèrent au sein de la concession et souhaite aujourd’hui mesurer son stock de carbone ainsi que sa variabilité dans le temps.
Le CIRAD travaille à l’évaluation des stocks de carbone de sols agricoles réunionnais notamment par spectroscopie infra-rouge. Ces initiatives permettraient à Quentin comme à d’autres agriculteurs et agricultrices de bénéficier à termes des reconnaissances attribuées à la neutralité carbone. Dans la forêt de Bois Blanc, il semble que ces stocks moyens avoisinent les 129 à 176 kg de C /ha.
La restauration écologique de la concession des Donnay :
Concession des Donnay
Sur une surface de 4,93 ha, il y a 10 ans, les Donnay ont commencé par délimiter des zones dans la forêt de 5000 m2 chacune, afin de répartir le travail et de défricher au fur et mesure et de ne pas faire de trouées trop importantes propice à la relance d’autres EEE.
Comme expliqué précédemment, la forêt de Bois Blanc est riche d’une biodiversité remarquable composée d’arbres indigènes et endémiques.
La concession était infestée de jamrosade, de goyavier, de vigne maronne ou encore de tabac bœuf.
Ce travail de restauration permet également de favoriser et diversifier les espèces mellifères qui attirent les abeilles, essentielles à la pollinisation comme celle du letchi. L’idée est de pouvoir nourrir ces abeilles toute l’année. C’est pourquoi les Donnay privilégient les espèces indigènes et endémiques offrant une grande diversité de fleurs tout au long de l’année. Les Donnay comptent plusieurs essaims sauvages au sein de la concession.
Le travail a été effectué uniquement à l’aide de tronçonneuses, de débroussailleuses et manuellement. Selon les itinéraires techniques de l’ONF présentés précédemment, les Donnay ont appliqué une cicatrisation de l’espace considéré. Le travail a consisté à éliminer les zones d’espèces exotiques envahissantes au sein de la forêt, dans les trouées ou dans le sous-bois.
Jamrosade
La surface actuelle ayant bénéficier d’un défrichement et d’une restauration qualifiée de « maitrisée » concerne un peu moins de la moitié de la surface autour des 2 ha.
2 ha sont en cours de restauration. Le reste de la surface étant une forêt primaire à laquelle les Donnay n’appliquent aucune intervention.
Après un travail de sélection, la grande majorité des espèces exotiques ont été coupées ou désherbées.
Comme le jamrosade (photo à gauche) dont la coupe est systématique mais aucun arbre n’est dessouché pour éviter l’érosion.
Dans le même temps, grâce aux nurseries confectionnées in-situ, les Donnay ont :
- Plantés une grande quantité de palmistes rouges indigènes (1500 en 10 ans), et de bois de chandelle, tuteurs privilégiés pour la vanille mais aussi pour les parties comestibles du palmiste rouge : son chou. Son feuillage est également un bon couvre sol pour limiter les espèces herbacées. Tout en conservant les espèces indigènes présentes et qui servent elles aussi de tuteur naturel à la vanille
- Replanter des espèces indigènes et endémiques. C’est le cas par exemple du bois de gaulette, du bois d’osto, du takamaka où parfois il est possible de trouver des juvéniles dans la concession en très grand nombre ou encore des plants de petit et grand natte.
La présence d’une relique sur les hauteurs de la concession permet aux Donnay d’observer les processus naturels d’un grand nombre d’espèces indigènes et reproduisent ces constats dans les parcelles cultivées.
Ce travail a demandé beaucoup d’énergie, un apprentissage constant des différentes espèces, de leurs comportements et des techniques à employer pour défricher, restaurer, accroitre ; mais aussi une grande organisation et patience pour concilier production agricole et biodiversité.
Au sein de la concession, 4 parcelles aujourd’hui sont en production de vanille, palmistes rouges, letchis, jacquier mais bien d’autres fruits lontan composent ce verger créole.
Tout en conciliant la préservation de la forêt de Bois Blanc et sa biodiversité remarquable.
Les inventaires réalisés par le Parc National mais aussi les opérateurs forestiers et conservateurs permettent de référencer un grand nombre d’espèces indigènes et endémiques au sein de la concession comme l’illustre le tableau ci-dessous :
Travail inspiré du Conservatoire Botanique National de Mascarin dans le cadre de la DAUPI – Démarche d’aménagement Urbain et plantes indigènes – Découpage en grande zone climatique
Certaines espèces sont inféodés à un type de milieu. D’autres a large répartition spatiale sont présentes dans des milieux aux conditions différentes mais peuvent acquérir de nouvelles caractéristiques et s’adapter aux conditions environnementales dans lesquels elles évoluent.
Précaution : respecter la distribution altitudinale et favoriser la proximité géographique entre origine des semences et la zone de plantation.
R : statut d’endémisme la Réunion
M : Mascareignes
I : Statut d’indigènes
CR : en danger critique
EN : en danger
VU : vulnérable
Source : plantes indigènes pour l’aménagement agricole à la Réunion – Palette végétale selon les grandes zones bioclimatiques - PN La Réunion – ARMEFLHOR
Réalisation Parc National de la Réunion - 2023
D’autres espèces présentes au sein de la concession ne font pas partie de l’inventaire mais n’en sont pas moins importantes comme : le Bois de bombarde, le Bois de source ou encore le Bois de fer bâtard, pilier de la forêt humide de basse altitude de La Réunion.
Sans compter les nombreux lichens, fougères, orchidées, mousses et autres lianes qui composent ce bout de forêt restauré et protégé.
Le travail toujours en cours par les Donnay a été à plusieurs reprises reconnu pour son exemplarité et deux prix leurs ont été octroyés notamment le trophée de l’agroécologie en 2023 au niveau régional et national.
En effet, ils ont défriché une parcelle totalement inexploitable, lutté contre et maitrisé les EEE permettant de concilier production agricole, et préservation de la biodiversité, le retour d’espèces indigènes et endémiques favorisant les associations agroforestières naturelles, et leur protection, de conserver et perpétuer des savoir-faire pour certains ancestraux de l’histoire créole réunionnaise, de produire une vanille et des letchis de qualité tout en s’adaptant aux aléas climatiques, de sensibiliser et communiquer autour de la restauration écologique et de son importance pour les générations futurs et le devenir de l’agriculture réunionnaise.
INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR
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Quentin rappelle que : la forêt de Bois de couleur des Bas a disparu a plus de 93% de son aire d’origine. Sa motivation profonde est d’offrir au territoire (Ste Rose) et aux générations réunionnaises futures un échantillonnage le plus complet possible des différents habitats naturels de l’île. Il ressent une grande fierté du fait de la restauration écologique, d’agir pour lutter contre l’érosion de la biodiversité ! « On pense global et on agit local ».
Une des plus grande difficulté rencontrée a été de se familiariser avec la nature du terrain qui est très accidenté, extrêmement rocheux et envahit d’EEE. Le travail de restauration a permis de diminuer et maitriser les EEE mais le matériel est régulièrement mis à mal par la nature du terrain et les interventions régulières tout comme les Donnay en raison des interventions manuelles.
Un des points clés qui fut difficile mais essentiel est d’identifier et répertorier la Biodiversité notamment en étant contraint de reconnaître les stades juvéniles et adultes de chaque espèces.
Les travaux d’élagage en hauteur nécessite un savoir-faire, des compétences et l’acquisition de matériel onéreux.
« La nature n’aime pas le vide » : Quentin précise également que la restauration écologique et la lutte contre les EEE sont essentielles mais ne sont pas suffisantes car il est impératif dans le même temps de replanter très vite pour combler les trouées, favorables à la repousse des EEE.