Vulnérabilité des exploitations au changement climatique
IDENTIFICATION
Il s'agit de caractériser la vulnérabilité de la ferme aux aléas climatiques et ses moyens d'adaptation.
Dans cette approche, nous regarderons les différents aléas qui touchent la ferme et ses ressources au regard du climat local sur la période 1979 - 2019. Les évolutions climatiques permettront de définir les indicateurs agroclimatiques qui ont ou auront un impact significatif sur le système de production. Mis en regard au travers des pratiques d'adaptation.
Quels sont les aléas climatiques rencontrés ?
LA DÉMARCHE
Description du climat local
Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)
- Les températures annuelles :
La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici un redémarrage de la pousse de l'herbe plus précoce (voir plus bas). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C).
- La sécheresse :
Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. C'est un bon indicateur pour caractériser la sécheresse. Ici, on observe une dégradation tendancielle de cet indicateur avec des valeurs qui semblent devenir de plus en plus régulières, à l'inverse des années 80 où les années étaient plus hétérogènes. La période juin octobre correspond à la période de sécheresse signalée par l'agriculteur.
Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?
- Pour l'aléa de sécheresse, les prairies de l'exploitation ont une pousse de l'herbe plus limitée durant les périodes sèches, qui peuvent durer plusieurs semaines. 20 à 30% de pertes de rendement foin sont observées, de juin à octobre. Ces prairies sèches l'été poussent André Delpech à sur-semer, ce qui a des répercussions sur le pâturage hivernal : il sera limité car les parcelles sur-semées ne seront pas encore assez développées. Un impact indirect est l'obligation d'achat de céréales pour les animaux durant ces périodes sèches, ce qui représente un coût élevé (revenu pouvant diminuer de 50%). Cela a un impact sur le moral des exploitants.
- Forte températures : Les fortes températures en juillet/août viennent accentuer les impacts de la sécheresse sur le rendement et l'état global des prairies. De plus, elle a un effet sur le bien-être animal. En effet, lors de fortes chaleurs, le troupeau mange et rumine moins, passe plus de temps à l'ombre.
Quelles évolutions climatiques à venir localement ?
L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système d'élevage ovin viande herbager.
Trois indicateurs sont présentés en lien avec le système d'André Delpech :
- Les températures et déficit hydrique annuel :
Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et le déficit hydrique annuel. On remarque une franche augmentation des deux paramètres. Ainsi, les aléas de chaleur et de sécheresse semblent globalement avancer dans les 30 années à venir.
- La date de redémarrage de pousse de l'herbe :
Même si la date de redémarrage de la pousse de l'herbe est assez variable d'année en année, elle semble devenir plus précoce dans un futur proche, tournant autour de fin janvier. Cela correspond aux observations actuelles des exploitants et est induit par la hausse des températures. Pour ne pas perdre de valeur nutritive, il sera judicieux de sortir les brebis plus tôt.
- Les précipitations de printemps :
Cet indicateur présente les précipitations locales de la période printanière. Les situations déjà observées de sécheresse plus fréquentes vont se poursuivre au cours des prochaines décennies, avec une forte baisse des précipitations à l'horizon 2050. Ce manque de précipitations conduisant à un été sec pourra renforcer les impacts déjà observés actuellement : pertes de foin plus importantes, possible stress des animaux…
- Le stress thermique des animaux (Indice Température Humidité) :
L'Indice Température Humidité (ITH) évalue le couple température et hygrométrie pour déterminer le niveau de stress thermique des animaux. Sur ce graphique figurent le nombre de jours de stress thermique par an. Ainsi, d'après ces projections, l'évolution du climat local va faire doubler le nombre de jours de stress thermique des animaux. D'autant plus de jours où les animaux seront moins productifs en lait et leur croissance ralentie.
Quelles sont les pistes d'adaptation au sein du GAEC des Fargues ?
- Contre la sécheresse, le GAEC des Fargues adapte sa stratégie de pâturage. Désormais, le pâturage ras n'est plus réalisé durant les étés secs, donc la rotation entre les bandes de pâturage tournant dynamique se fait plus vite. De plus, André Delpech utilise depuis peu deux lieux de pâturage supplémentaires, extérieurs à l'exploitation : un éco-musée et un terrain municipal proche, pour pallier au manque de production des prairies. En outre, les prairies sèches sont sur-semées en fin d'été pour les faire repartir.
- Contre les fortes températures, l'exploitation a la chance de comprendre de grands espaces de parcours boisés, qui fournissent de l'ombre aux brebis durant l'été. De plus, la hausse des températures se caractérise par des automnes plus tardifs et des printemps plus précoces, donc les dates de pâturage et d'agnelage sont adaptées : les brebis restent plus longtemps à l'extérieur (pour valoriser l'herbe précoce au printemps, et tardive à l'automne) et les agnelages sont plus rapprochés.
Pour aller plus loin :
Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.
A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.
- Plateforme AWA :