Vulnérabilité des exploitations au changement climatique
Quels sont les aleas climatiques rencontrés ?
Description du climat local
Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)
- Les températures annuelles :
La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici un redémarrage de la pousse de l'herbe plus précoce (voir plus bas). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C).
- La sécheresse :
Le premier graphique présente le cumul des précipitations entre 1979 et 2020 sur la période déclarée de sécheresse par Laurent Reversat : janvier à octobre. Le second graphique est centré sur la période habituellement déficitaire en eau : juillet – août. Ici, sur les deux graphiques, on observe que la tendance sur les 40 dernières années n'est pas un assèchement, au contraire : les précipitations ont augmenté. Ainsi, la sécheresse évoquée par Laurent Reversat est difficile à percevoir avec ces graphiques. D'après les dires de l'éleveur, la répartition de l'eau est de plus en plus irrégulière : il peut y avoir des semaines sans pluie, et de gros épisodes cévenols (orages estivaux) à 300 mm. Les courbes en dents de scie semblent confirmer cette hypothèse, en nous indiquant une forte variabilité interannuelle. Enfin, les années 2017 et 2020 qui ont été relevées par Laurent Reversat ressortent effectivement sur les deux graphiques (surtout le second) : le cumul des précipitations est plus faible que les années précédentes.
Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?
- Pour l'aléa de sécheresse, les prairies de l'exploitation ont une pousse de l'herbe plus limitée durant les périodes sèches, qui peuvent durer plusieurs semaines. Cette sécheresse baisse le rendement des prairies, et oblige les éleveurs à acheter du foin pour compenser le manque. La combinaison de la sécheresse et de la chaleur baisse le rendement des céréales de 25%, à cause d'un manque d'eau sur la période printanière (durant les stades montaison/remplissage), et un stress thermique au printemps et en été, à l'épiaison et à la floraison, provoquant un échaudage des grains. Ainsi, Laurent Reversat s'interroge sur la poursuite de la culture des céréales sur l'exploitation.
- Fortes températures : Les fortes températures en juillet/août viennent accentuer les impacts de la sécheresse sur le rendement et l'état global des prairies. De plus, elle a un effet sur le bien-être animal, et la production. En effet, les éleveurs remarquent plus de brebis taries sur les dernières années (chaudes), une production de lait en baisse et parfois des pneumonies sur les agneaux, dues à l'amplitude thermique trop forte entre le jour et la nuit (cela représente 10% de mortalité).
Quelles évolutions climatiques à venir localement ?
L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système d'élevage ovin lait.
Cinq indicateurs sont présentés en lien avec le système de Laurent Reversat :
- Les températures et déficit hydrique annuel :
Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et le déficit hydrique annuel. Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. C'est un bon indicateur pour caractériser la sécheresse. On remarque une augmentation des deux paramètres, plus franche pour la température et plus variable pour le déficit hydrique. Ainsi, les aléas de chaleur et de sécheresse semblent globalement avancer dans les 30 années à venir.
- Les précipitations de printemps :
Cet indicateur présente les précipitations locales de la période printanière. Les situations déjà observées de sécheresse notamment en 2017 et 2020 vont se poursuivre au cours des prochaines décennies, avec une forte baisse des précipitations à l'horizon 2050. Ce manque de précipitations conduisant à un été sec pourra renforcer les impacts déjà observés actuellement : pertes de foin plus importantes, baisse du rendement céréales…
- La date de redémarrage de pousse de l'herbe :
Même si la date de redémarrage de la pousse de l'herbe est assez variable d'année en année, elle semble devenir plus précoce dans un futur proche, tournant autour de mi février. Cela est induit par la hausse des températures. Pour ne pas perdre de valeur nutritive, il sera intéressant de guider le pâturage tournant dynamique selon le stade végétatif des prairies.
- L'indice de stress thermique du 15 mai au 15 juillet :
Cet indice est un dénombrement des jours avec des températures maximales strictement supérieures à 25°C de mi-mai à mi-juillet. Cette période englobe l'épiaison et la floraison des cultures céréalières, pendant lesquelles elles sont particulièrement sensibles au phénomène d'échaudage thermique, accident de croissance des grains. On remarque donc une nette augmentation de ce nombre de jours à l'horizon 2050, ce qui pourrait causer des pertes de rendement supplémentaires sur le seigle, l'avoine et l'orge de l'exploitation par échaudage.
- Le stress thermique des animaux (Indice Température Humidité) :
L'Indice Température Humidité (ITH) évalue le couple température et hygrométrie pour déterminer le niveau de stress thermique des animaux. Sur ce graphique figurent le nombre de jours de stress thermique par an. Ainsi, d'après ces projections, l'évolution du climat local va faire presque tripler le nombre de jours de stress thermique des animaux. D'autant plus de jours où les animaux seront moins productifs en lait, et peut-être plus de brebis taries comme cela est déjà observé actuellement.
Quelles sont les pistes d'adaptation au sein du GAEC d'Egalières ?
- Contre la sécheresse, Laurent Reversat se voit contraint à acheter du foin pour compenser les pertes de rendement des prairies. Il utilise des légumineuses sur les prairies, qui semblent être plus résilientes à la sécheresse que d'autres espèces. Enfin, la réduction du troupeau permet une meilleure gestion des pâturages et du stock total d'aliments.
- Contre les fortes températures, la bergerie a été complètement isolée, pour éviter les pneumonies sur les agneaux. De plus, pour profiter des températures douces en automne et hiver, la sortie des brebis se fait plus tôt : en octobre en 2017, au lieu de mi novembre habituellement.
Pour aller plus loin :
Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.
A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.
- Plateforme AWA :