Méthanisation

LA DÉMARCHE

Qu’est-ce que la méthanisation ?

La méthanisation est un procédé de production de biogaz à partir de biomasse, par fermentation bactérienne en condition aérobie. Cette réaction a lieu dans une cuve appelée digesteur et produit également un résidu organique, le digestat, pouvant être utilisé comme fertilisant. Le biogaz produit sur les unités de méthanisation peut être épuré et directement injecté dans le réseau de gaz national (installations en injection), ou bien brûlé pour produire de l’électricité (installations en cogénération). Il existe différents modèles d’unités de méthanisation, dont la typologie dépend de la taille, du mode de gouvernance et des intrants valorisés par l’installation. On distingue notamment les unités dites «agricoles », qui valorisent des intrants d’origine agricoles tels que les effluents d’élevage, les résidus de culture ou encore les couverts végétaux à vocation énergétique (CIVE). Si le méthaniseur est détenu et géré par un exploitant agricole seul, on parle d’unité « agricole individuelle ». Si au contraire la gouvernance de l’installation est assurée par collectif d’agriculteurs, parfois associés à des collectivités territoriales ou à des acteurs privés, on parle alors d’unités « agricoles collectives ». La méthanisation agricole est fortement développée en France : en 2022 47% des sites de méthanisation sont détenus par des agriculteurs et 90% du gisement de biomasse méthanisable est d'origine agricole (Chambre d’Agriculture France, Les données de la méthanisation en France, 2022).

 

Le système de Sylvain :

Historique :

Sylvain a commencé à s’intéresser à la méthanisation en 2011-2012 (visites de sites, formations). Le modèle dominant était alors la cogénération, mais Sylvain n’était pas convaincu par la rentabilité de ce type de projets et n’a donc pas sauté le pas pour monter une unité. Mais à la suite d’échanges avec des exploitants méthaniseurs lors du sommet de l’élevage en 2017 et encouragé par l’émergence de l’injection, Sylvain s’est finalement lancé en 2018, fort de l’expérience acquise à travers sa prospection dans le domaine de la méthanisation depuis 2011.

Ayant d’abord étudié un projet de 250 kWe en cogénération, Sylvain s’est rendu compte qu’il pouvait espérer monter une unité de 500 kWe, voir même une unité en injection. Le principal obstacle à cette dernière solution, qui lui apparaissait comme étant la plus rentable, était le coût d’investissement supplémentaire associé au poste d’épuration du biogaz. Ne disposant pas des fonds propre nécessaires, Sylvain a négocié un financement de son projet à hauteur de 10% par l’ADEME, le reste du budget étant constitué d’un prêt avantageux auprès du Crédit Agricole. Ayant réuni tous les éléments nécessaires à la réussite du projet, Sylvain a ainsi monté son unité de méthanisation individuelle en injection en 2018. Il a également pu bénéficier de partages et d’échanges précieux avec des agriculteurs ayant porté des projets de méthanisation agricole avant lui.

LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES

Fonctionnement :

Depuis 2019, Sylvain Pimont exploite une unité de méthanisation agricole individuelle sur sa ferme. Privilégiant la recherche d’autonomie et la cohérence globale de son système, la quasi-totalité des matières méthanisées proviennent de la ferme (à l’exception de refus de pailles provenant d’élevages voisins). Le digestat produit sur l’unité constitue l’unique source de fertilisant pour les productions végétales de l’exploitation, conduites intégralement en AB. Les phases liquides et solides du digestat sont séparées en sortie du digesteur, ce qui permet de bénéficier des caractéristiques distinctes de chaque phase dans la stratégie de fertilisation des productions végétales : le digestat solide joue le rôle d’un amendement organique alors que le digestat liquide agit comme un engrais, plus rapidement assimilable par les végétaux.

L’épandage du digestat liquide est réalisé via le réseau de canalisation d’irrigation/fertilisation, installé sur la ferme en 2020 : le digestat liquide est injecté depuis l’unité de méthanisation dans les canalisations par une pompe, et épandu dans les parcelles avec un Quadra ferti (tracteur équipé des tuyaux reliés au réseau de ferti-irrigation). Ce dernier étant plus léger qu’une benne à lisier classique, il permet de limiter l’impact négatif associé au passage d’engins lourds lors des épandages, qui peuvent engendrer un tassement des sols.

Sylvain estime que la méthanisation est parfaitement intégrée dans le système de sa ferme, et qu’elle constitue un outil pertinent dans sa recherche de cohérence à l’échelle de son exploitation.

 

Infos technique métha :

Type d’installation : agricole individuelle
Mode de valorisation de l’énergie : injection
Capacité de production : 108 Nm3/h à 115 en moyenne par an, mais augmentation prévue (150 Nm3/h) en octobre grâce à l’autorisation d’un rebours accordant une augmentation du débit injecté sur le réseau de 90 Nm3/h (avant il y avait une saturation du réseau en mai, juin, juillet, août). Cette augmentation de la capacité de l’unité ne nécessitera pas de réinvestissements, elle se fera avec les installations présentes en l’état sur l’exploitation.

La production de biogaz actuelle correspond à l’alimentation en gaz d’environ 885 à 943 foyers français et l’augmentation prévue permettra d’atteindre 1230 foyers.

+ Les consommations énergétiques du système d'exploitation/unité de méthanisation représentent 8% de la production d’énergie de l’unité de méthanisation

 

  • Mise en service : août 2019
  • Technologie : Mésophile (40°c) infiniment mélangé + incorporation directe (sauf pailles, broyées avant incorporation dans le digesteur) + séparation de phase par une presse à vis 15% solide et 85% liquide + épuration membranaire
  • Temps de séjour du digestat dans le digesteur : 160 j
  • Volume du digesteur : 2804 m3
  • Volume du post-digesteur : 3291 m3

INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Les exploitants ont pu s’affranchir de la fluctuation des prix des fertilisants et leur autonomie en fertilisants leur permet de faire des économies sur les intrants

  • Amélioration et sécurisation économiques sur les résultats de l’exploitation, levier permettant d’assurer des embauches de salariés.

  • Forts taux d’endettement car investissements importants sur un projet de méthanisation

  • Bonnes capacités de gestion nécessaires pour mener à bien un projet de méthanisation car flux économiques et financiers conséquents à gérer

  • D’après Sylvain, l’unité de méthanisation est parfaitement intégrée sur l’exploitation, elle fait partie intégrante du système et est « source de solutions pour le présent et l’avenir ».

  • Sécurisation de l’apport azoté pour la culture de blé meunier, qui a besoin d’apports N suffisant pour assurer sa qualité meunière.

  • Risque de tassement des sols à considérer, associé aux importants chantiers de récoltes et d’ensilages générant un trafic d’engins agricoles lourds plus important dans les parcelles.

  • La méthanisation a renforcé l’autonomie de l’exploitation, notamment au niveau de la fertilisation (ils ne s’approvisionnent plus en fertilisants auprès d’élevages de volailles intensifs). Elle a ainsi permis aux exploitants d’aller plus loin dans la cohérence agronomique de leur système.

  • Quantités de matière organique importantes restituées au sol grâce aux épandages de digestat => bénéfique pour la santé des sols

  • Contexte local de faible pression foncière favorable pour le projet de méthanisation de Sylvain : suffisamment de surfaces disponibles pour épandre le digestat (pas de risque de surcharge azotée sur le territoire)

Social

Charge de travail associée à la méthanisation :

  • Astreintes et travail quotidien sur l’unité (contrôle sur l'unité, chargement des matières) : 2h par jours tout au long de l'année. Les week-ends d’astreinte sont répartis entre les 3 personnes de l’exploitation plus spécialisées sur la partie méthanisation.
  • Pics de travail sur certaines périodes très chargées lors des récoltes et ensilage des CIVE (222h en mai) suivis de l'implantation de la culture suivante de suite après (mai, juin : récolte et ensilage des CIVE d'hiver puis implantation de la culture suivante, septembre : implantation des CIVE d'hiver). Chantiers importants mais bonne efficacité grâce à la main d'œuvre présente sur l'exploitation, une bonne organisation des chantiers, du matériel performant et un nombre suffisant d'engins/outils.

Main d’œuvre associée à l’unité de méthanisation :

1 personne 2h par jour sur le travail quotidien + équipe pour les chantiers importants (7 personnes au total sur toute la ferme). Ils sont passés de 3 à 7 personnes dans l'équipe sur l'exploitation depuis l’intégration de la méthanisation.

Atouts territoriaux :

  • Possible complémentarité du système d'exploitation et de l'unité de méthanisation avec des exploitations de tailles différentes sur le territoire (possibilité d’échanges de matière, etc…)
  • Contributions directes et indirectes à l’activité des territoires. Directes : embauches sur l’unité de méthanisation permettant le maintien d’actifs sur un territoire à faible densité économique (ENR = plus-value sur ces territoires), indirectes : génère des emplois à l’échelle de la filière méthanisation.
  • Pas d’IFER (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, au profit des collectivités territoriales et de leurs établissements publics) sur les unités de méthanisation

Acceptabilité sociale de l’unité de méthanisation :

  • Pas d’opposition des riverains lors du montage du projet car Sylvain a eu une démarche de communication efficace.
  • Réduction du risque de nuisances sonores liées aux transports de matière grâce au système de ferti-irrigation : le digestat liquide passe dans les canalisations du réseau ce qui évite les déplacements de tonnes à lisiers pouvant être responsables de nuisances pour le voisinage.

Difficultés rencontrées :

Le fait de monter le projet de méthanisation individuellement a offert à Sylvain une plus grande liberté décisionnelle et une meilleure efficacité dans la prise de décisions. Mais l’inconvénient majeur associé à ce mode de gouvernance est la forte mobilisation personnelle du porteur de projet. En effet, le montage de projet d’une unité de méthanisation est très chronophage et représente une charge de travail considérable pour le porteur de projet, qui doit alors l’assumer seul. Il faut aussi prendre en considération le fait que Sylvain peut compter sur une solide équipe de salariés, ce qui permet de répartir la charge de travail.

Les intrants et les produits de la méthanisation

Intrants :

  • CIVE : 4900 T/an. Les espèces cultivées comme CIVE d’hiver sont le seigle et le triticale, en pur ou en mélanges, ainsi que des méteils. Les CIVE d’été sont essentiellement du maïs ou du sorgho. Les CIVE proviennent des terres de l’exploitation ainsi que des terres cultivées à façon par Sylvain sur des exploitations voisines de l’exploitation (350ha).
  • Fauches de prairies permanentes : 846 T/an. Cette herbe provient uniquement des prairies de l’exploitation.
  • Fumiers de l’exploitation : 3200 T/an. Ils proviennent uniquement du troupeau de l’exploitation, mélangés aux pailles issues du méteil produits sur l'exploitation (fumier sur aire paillée). L’apport de fumier à la méthanisation se fait seulement en période hivernale, lorsque les animaux sont en bâtiment (de décembre à mars).
  • Issues de céréales et pailles : 364 T/an. Sylvain achète environ 200 à 300 T/an d’issues de pailles auprès d’éleveurs proches de l’exploitation (bottes de paille pourries, dessus de meules).

Capacité de stockage du digestat : 18 mois (14 à 15 000 tonnes)

Volume d’intrants consommés : environ 24 T/jour (avant l’augmentation de la production prévue prochainement), 10 350 T/an.

Les CIVE
La Démarche

Très peu présents sur l’exploitation avant l’intégration de l’unité de méthanisation, les couverts végétaux ont été introduits en tant que CIVE (Culture Intermédiaire à Vocation Énergétique).

Espèces implantées en tant que CIVE :

  • Seigle (CIVE d’hiver) : culture plutôt précoce, rustique, faisant de bons rendements en tMS/ha. Elle permet ainsi de sécuriser la production et offre une garantie de réussite plus forte que les CIVE d’été. De plus, le seigle possède un bon pouvoir étouffant ce qui permet de réduire la pression des adventices.

  • Triticales (CIVE d’hiver) : moins précoce que le seigle, elle peut être semée en mélange avec du seigle ou du pois par exemple. Le triticale pur ou en mélange peut également être valorisé comme fourrage en cas de besoin (récolté en enrubanné) ou bien récolté en grain et vendu comme une culture de céréale. Cette culture peut ainsi servir de « variable d’ajustement » pour gérer les stocks de matière sur l’exploitation.
  • Maïs (ou sorgho) (CIVE d’été) : plus gourmande en intrants (eau et en interventions culturales), le maïs revient plus cher que les CIVE d’hiver en euro/MWh. C’est pourquoi Sylvain choisi parfois de ne pas implanter la CIVE d’été dans la rotation, si les stocks d’intrants pour la méthanisation sont suffisants.

Sylvain recommande de bien veiller à respecter les dates de semis et de récoltes (récolte au stade de chute des étamines sur seigle ou triticale) pour avoir 30 à 33% de MS sur les ensilages de CIVE et atteindre l'optimum de rendement et de pouvoir méthanogène.

Période d'intervention
  • CIVE hiver : semis avant le 15/09 et récolte fin avril/début mai
  • Les seigles sont implantés sur des terres plus « saines » d’un point de vue structure du sol, afin de pouvoir rentrer plus tôt dans les parcelles pour récolter. Un maïs est en général implanté à la suite de cette CIVE d’hiver.
  • Les triticales, moins précoces, sont plutôt implantés sur des parcelles dont la structure ne permet pas une intervention aussi tôt dans l’année. Le triticale étant moins efficace pour limiter la pression des adventices, Sylvain choisi en général de placer un sarrazin à sa suite, cette culture étant plus rustique et dotée de propriétés allélopathiques.
  • CIVE été : semis après le 1er juin et récolte début à mi-octobre
Intérêts du point de vue de l’agriculteur

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

 
  • Couverture permanente des sols : nombreux intérêts agronomiques (limite l’érosion des sols, réduis la pression des adventices…).
    Mais il est important de restituer suffisamment de matière organique aux sols pour ne pas les « épuiser ».
  • Impacte un peu les rendements de la culture suivante, en partie à cause de la disponibilité en eau. Il est donc essentiel de faire un bon apport de digestat pour limite la contrainte.
  • Nombreux intérêts associés à la couverture permanente des sols : réduction des risques d’érosion, captation d’azote limitant les pollutions, réduction du salissement…

Gestion de l’azote sur l’exploitation
La Démarche

Selon Sylvain, deux points sont particulièrement importants dans la gestion de la ressource azotée sur l’exploitation :

  1. Apporter de l’azote dans le système, par la mise en place de légumineuses dans la rotation (prairies riches en légumineuses, méteil)
  2. Éviter les pertes azotées, conserver l’azote dans le système. Cela passe par plusieurs pratiques sur différents postes du système : sur la partie méthanisation, la couverture des stocks de digestat est un point clé. Sur la partie épandage, un aspect essentiel est l’apport de fertilisant au plus près des besoins des cultures, dans les bonnes quantités, mais également aux stades propices du cycle cultural. Le système d’épandage du Quadra ferti associé au réseau de ferti-irrigation, grâce à son poids inférieur aux engins d’épandages classiques, permet d’intervenir dans les parcelles à des périodes moins propices en termes de portance du sol, mais correspondant aux besoins des cultures. En complément de cette technique d’épandage, Sylvain utilise également une tonne à lisier équipée d’un enfouisseur à disques pour épandre le digestat sur les parcelles situées en dehors de la surface couverte par le réseau de ferti-irrigation. Ces parcelles souvent moins facilement mécanisables, sont en général des prairies naturelles en MAE « couvert herbacé permanent ». L’épandage est réalisé un peu plus tardivement qu’avec le Quadra ferti pour éviter d’abîmer les sols en passant dans des parcelles trop humides.
Intérêts du point de vue de l’agriculteur

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Économies de charges, car pas d’achat de fertilisants azotés, bien plus économique que le système précédent basé sur l’achat de fientes de volailles (50 à 70 euro/tonne).
  • La bonne gestion de l’azote bénéficie aux cultures et notamment au blé meunier qui a besoin d’un apport azoté stable et suffisant pour assurer sa qualité meunière.
  • Limiter les pollutions azotées dans l’environnement.

Le digestat

Le digestat, produit du procédé de méthanisation, est séparé en deux phases, liquide et solide, présentant des propriétés et compositions différentes. Le digestat solide joue le rôle d’un amendement organique type fumier, alors que les apports d’un digestat liquide s’apparentent à ceux d’un engrais minéral (azote rapidement assimilable par les plantes).

  • Quantité de digestat produite : environ 14 000 T/an (donc 85% de digestat liquide et 15% de digestat solide).
  • Composition du digestat liquide : 4 g de N/kg de digestat, 2 g de P/kg, 7 g de K/kg
  • Composition du digestat solide : 5 g de N/kg de digestat, 3 g de P/kg, 7 g de K/kg
  • pH du digestat : 8,3 ; intéressant dans le cas des sols acides de l’exploitation
  • 2 techniques d’épandage complémentaires sur l’exploitation :  
    • Via le réseau de ferti-irrigation : injection du digestat liquide de l’unité de méthanisation dans les canalisations du réseau d’irrigation et épandages avec le « Quadra ferti », un tracteur relié aux tuyaux du réseau d’irrigation, permettant d’épandre dans les parcelles sans tonne à lisier, réduisant ainsi considérablement le poids de la machine. Ce système offre une importante efficacité et des travaux d’épandage et une meilleure flexibilité, car il permet d’entrer dans les parcelles pour fertiliser dans des conditions d’humidité des sols qui auraient empêché le passage d’une tonne à lisier (en février, mars). Le tassement des sols est ainsi réduit.
    • Avec une tonne à lisier associé à un enfouisseur à disques : technique utilisée pour épandre dans les parcelles hors du périmètre couvert par la ferti-irrigation. Il s’agit de parcelles en herbes (MAE couvert herbacées) et sont donc moins sensibles au tassement par le passage des machines que les parcelles en cultures. L’épandage est tout de même réalisé plus tardivement qu’avec le Quadra ferti.

 

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Contact

Sylvain Pimont

SARL AGRO-ECO
36170 Chazelet
Email : sylvainpimont@orange.fr