Conservation des variétés et greffage
LA DÉMARCHE
Le châtaignier pousse entre 150 et 800 m d'altitude sur les sols siliceux dans des sols riches en humus, sablonneux ou argileux mais n'aime guère les sols trop humides. Il accepte les sols ingrats. Les besoins hydriques du châtaignier sont d'environ 700 mm d'eau par an avec un surcroit à partir du 15 août.
Le châtaignier est bien adapté aux fortes chaleurs estivales de juillet-août , mais il faut absolument de la pluie en septembre pour le fruit (entre les 2 foires du 9 et 22 septembre du Vigan). Les 3 dernières semaines le fruit grossit à une vitesse fulgurante. Mais aujourd'hui avec le changement climatique, on observe un décalage des pluies ce qui n'est pas de bon augure pour la suite.
La production nationale de châtaigne n'a cessé de régresser, passant de plus de 500 000 tonnes en 1880, à 71 000 t en 1961 et à seulement 8 700 tonnes en 2014 (au pic du cynips). Aujourd'hui la production française est stable variant entre 7 000 et 9 000 tonnes pour une surface de 8000 ha. Les importations représentent 8750 t et les exportations 3500 t (2016) soit 63% de la consommation. La France est le 10éme producteur mondial avec une production en Asie (principalement la Chine 1,9 millions de tonnes mais aussi le Japon et la Corée) et en Europe du Sud (Turquie, Italie, Grèce, Portugal, Espagne et Albanie).
Michel Levesque essaye d'avoir un mélange de variétés dans les parcelles et il greffe en conséquence. Le savoir-faire consiste à détenir plusieurs variétés sur le verger permettant d'étaler la récolte dans le temps grâce aux variétés, des plus précoces aux plus tardives, afin de sécuriser la production et d'être aussi plus résilient face aux aléas climatiques et aux risques sanitaires.
Le choix des variétés dépend aussi des débouchés et de la transformation et, de l'exposition et altitude.
La restauration des vieux châtaigniers touche à sa fin car presque tous les arbres greffés sont morts aujourd'hui. La dernière châtaigneraie cultivée à Valbonne date de 1955. La restauration d'une châtaigneraie s'opère soit par un élagage sévère soit d'une coupe totale pour regreffer sur la matte.
LES SAVOIR-FAIRE AGROÉCOLOGIQUES
LA POLLINISATION
La pollinisation s'effectue par le vent (anémophile) et par les insectes (entomophile). La germination du pollen nécessite des températures maximales de 27-28°C ainsi qu'une hygrométrie basse. Dans les régions humides, le pollen est plus visqueux et limite l'action du vent, ce sont alors les abeilles qui vont assurer cette pollinisation.
Il a été montré en posant des filets insect-proof (donc pollinisables exclusivement par le vent) que le le taux de remplissage des bogues chute drastiquement (-70% sur Marigoule et jusqu'à -91% sur Bouche de Bétizac). Les travaux de recherche menés par l'INRA de Bordeaux semblent montrer que le rôle de l'abeille domestique pour la pollinisation semblerait mineur car elle ne se pose que sur les fleurs mâles. Les insectes sauvages dont les coléoptères (comme le téléphore fauve) joueraient donc un rôle majeur dans ce service. Plus de 130 espèces ont été inventoriées.
Un voisin apiculteur met ses abeilles.
LA TAILLE ET L'ENTRETIEN
La taille se fait à la lune descendante en février et mars. On enlève les branches qui sont mortes. On peut aussi éclaircir en vert et donner les branches à manger aux vaches.
Il est important de bien entretenir le sol en reconstituant sa fertilité par apport de matières organiques. Le nettoyage se fait aujourd'hui uniquement à la main, en septembre avec une débroussailleuse à dos et ponctuellement sur les fougères. En juillet Michel passe au pieds de chaque châtaignier et supprime les rejets.
Les branches sont entassées. Il est important de ne rien brûler pour reconstituer de la matière organique.
LE GREFFAGE
Au début il a fallu aussi reconstituer un sol en opérant des débroussaillages successifs (10 ans). Aujourd'hui Michel possède 1052 arbres : 200 vieux arbres, 600 arbres regreffés et 200 en attente d'être regreffés.
En général il faut effectuer plusieurs greffes (3 à 4 en général sur une même matte), car il y a pas mal d'échec. Il ne faut en garder qu'une au final. En règle générale Michel obtient entre 60 à 70% de taux de réussite. La sélection de la greffe s'opère généralement toute seule. Le Cynips qui attaque les jeunes rameaux, a impacté le nombre de greffons disponibles et ralentit le greffage.
On greffe généralement sur une pousse de première année. Il faut aussi conserver plusieurs tire-sève sous le point de greffe. La greffe se fait en couronne vers le 15 avril. Il faut la réaliser en lune montante (biodynamie). La lune montante va tirer la sève de l'arbre vers la greffe. A l'opposé il faut réaliser la taille à la lune descendante.
RÉCOLTE ET TRAITEMENT DES CHATAIGNES
Les châtaignes sont situées à l'extérieur de la frondaison, bien exposées au soleil.
Le ramassage des châtaignes est un vrai métier. Il se fait à la main sur ces terrains pentus et s'étale du 8 octobre au 11 novembre. Un arbre produit pendant 8 jours environ et il faut donc passer 3 fois par arbre pour la récolte. Les 3000m2 de filets sont utilisés pour les châtaigniers les plus productifs.
Les fruits véreux, triés après la récolte, sont donnés à manger aux cochons soit environ 5%. Il est important de tout ramasser pour ne pas développer le balanin des châtaignes (Curculio elephas) et le carpocapse des châtaignes (Cydia splendana) dont les larves se développent à l'intérieur des fruits. Les plus petites châtaignes restantes sur la parcelle sont mangées par les vaches. En effet une fois les vers développés si la châtaigne reste au sol, la crysalide rentre dans le sol et sort l'année d'après donnant naissance à un papillon.
Les fruits qui seront utilisés pour la production de farine et de châtaignon sont mis à sécher en clède. Les fruits qui vont être transformés sont mis en chambre froide. L'épluchage se fait au fûr et à mesure de la transformation du 15 nov au 31 janvier avec une machine autoconstruite. Les petits calibres sont transformés en crème de marron. Les calibres moyens vont en clède et les gros calibres sont vendus en frais.
50% des châtaignes sont transformées en frais : en confiture de châtaigne et crème de marrons, au marron au naturel et aussi en châtaigne apéritive. La peau représente 20-25% du poids de la châtaigne en fonction de la grosseur de la châtaigne. Plus la châtaigne est grosse et moins il n'y a de perte.
Michel produit environ 50% de châtaigne et 50% de marrons. Le marron est doux et fin. La châtaigne est plus forte en goût et plus croquante.
Le séchage s'opère en clède qui est le nom donné au séchoir traditionnel des Cévennes. Les châtaignes sont séchées en douceur pendant 21 jours jusqu'à 8-10° d'humidité. Dans la clède les châtaignes sont déposées sur un caillebotis formant un plancher sous une voute de pierre. Pendant 2 mois le feu est alimenté 2 fois par jour et déshydrate les châtaignes en douceur à 32°C. Des cheminées créées à la base de la voûte évacuent la fumée. Il faut environ 9 stères de bois pour sécher les 3 t de châtaigne. Les châtaignes sont ensuite dépiquées grâce à une machine autoconstruite qui gratte les châtaignes sur un grillage. Le tri s'effectue après le séchage.
Michel et son fils ont construit cette clède particulière qui comporte une voute de 9 m de long et 4,5 m de large qui surplombe les châtaignes emmagasinant ainsi la chaleur à l'opposé des clèdes traditionnelles où la toiture renvoi la condensation sur les châtaignes.
Concernant le séchage, Michel ne pratique pas de lavage (en effet certains producteurs trient les châtaignes véreuses en les mettant à tremper dans l'eau. Une partie des véreuses flottent et remontent à la surface). Le tri s'opère après le séchage.
Les châtaignes fraiches sont mises en chambre froide, avant de pouvoir être transformées. L'épluchage se faite grâce à une machine autoconstruite qui sépare la pulpe et la peau.
50% des châtaignes sont séchées dont une partie est transformée en farine (il faut 3 kg à 4 kg de châtaigne fraiche pour faire 1kg de farine). Le moulin permet de passer 50kg /heure. Il faut passer la farine 2 à 3 fois soit 20kg /heure au final pour ne pas chauffer et impacter le goût. La mouture dure un mois une ou deux heures par jour. En effet il ne faut pas que les meules chauffent et il faut être constamment à côté. Il faut environ 1 mois pour produire la farine. Dans les bonne années (2000), Michel a produit jusqu'à 1 tonne de farine. L'autre partie, les châtaignons sont vendus en sachet.
L'AOP « CHÂTAIGNES DES CÉVENNES »
L'AOP a été obtenu le 21 septembre 2020 et s'étend sur 3 départements (Gard, Lozère, Hérault ) ainsi qu'une commune dans l'Aveyron et une commune dans le Tarn. La châtaigne des Cévennes désigne les fruits à l'état frais, sec ou transformés provenant d'un ensemble de variétés traditionnelles issues de vergers de châtaigniers greffés.
Les fruits destinés à l'élaboration de « châtaigne de Cévennes » proviennent des variétés locales de l'espèce Castanea sativa et des cultivars locaux de l'espèce Castanea sativa suivants : Affachade ; Aguyane ; Barbue ; Baumelle ; Belle épine ; Bon arbre ; Bouche rouge ; Bourrude ; Cabride ; Comballe ; Coutinelle ; Embournière ; Figarette ; Gascaise ; Gène Longue ; Maine d'Abric ; Marron dauphine ; Marrons de Mazamet ; Marrons d'Olargues ; Méjane ; Ménette ; Pellegrine ; Peyrejonte ; Peyroubaise ; Plansoune ; Platette ; Précoce Soulage ; Rabaireses ; Sardonne ; Vivaraise.
Seuls les engrais organiques sont autorisés. La densité de plantation des vergers est limitée à 150 souches par hectare.
La production de châtaigne des Cévennes AOP est de 1500 tonnes avec 600 producteurs et 1700 ha de verger dont une part importante est cultivée en bio.
En résumé, les châtaigniers, contrairement à une idée reçue demandent beaucoup d'attention. C'est un arbre rustique très résistant, mais qui demande de l'entretien et des savoir-faire, sans quoi il retourne à l'état sauvage. «C'est un arbre généreux pour qui l'aime » (Michel Levesque).
LES POINTS FORTS ET POINTS FAIBLES
Points forts |
Points faibles |
Pistes d'amélioration |
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Les filets sont installés sur les zones les plus productives |