La contribution à la lutte biologique

Une ressource alimentaire pour les insectes auxiliaires

Les messicoles ont un rôle attractif pour les auxiliaires d'autant plus intéressant et facile à mettre en pratique que par définition, elles cohabitent avec nos cultures.

Les plantes adventices contribuent à l'alimentation des insectes prédateurs et parasitoïdes. Ainsi Pseudoophonus rufipes consomme 29.0 graines par jour et Harpalus affinis 12.2 graines par jour (Saska, 2009). Ces carabes qui sont d'importants prédateurs généralistes des pucerons.

Les messicoles à fleurs peuvent aussi fournir du nectar pour les parasitoïdes adultes et les syrphes.

Les messicoles peuvent favoriser certains prédateurs en abritant des proies de substitution comme des pucerons spécifiques ou fournir de la nourriture sous forme de nectar, de miellat ou de pollen qui vont nourrir les parasitoïdes adultes et les syrphes.

Elles peuvent aussi faire office de zones refuges lors de perturbations ou pendant l'hivernation. Des espèces communes comme le bleuet, les coquelicots (Papaver dubium et Papaver rhoeas), ou encore la moutarde des champs (Sinapis arvensis) favorisent le maintien d'auxiliaire comme les syrphes, les chrysopes, les coccinelles ou les araignées.

De nombreuses études sur l'utilité des bandes fleuries dans des programmes de lutte biologique par conservation des habitats démontrent l'intérêt de la flore ségétale pour attirer et conserver des auxiliaires (Pfiffner et Wyss, 2004; Nentwig et al., 1998).

le rôle des bandes fleuries

Le cas de la culture de blé

Des chercheurs suisses allemands viennent de mettre en évidence l'efficacité d'une bande fleurie annuelle semée pour promouvoir la régulation naturelle des criocères des céréales (Oulema melanopus et O. gallaeciana ; O. melanopus étant le plus abondant). La bande fleurie étudiée permettrait de réduire fortement la densité des larves (-40 %) et celle des adultes de seconde génération (-53 %), conduisant à une réduction des dégâts causés par les criocères des céréales de 61 % entre les parcelles de blé d'hiver adjacentes à une bande fleurie semée et celles témoins (adjacentes à une bande semée de blé d'hiver). Ces résultats s'expliquent en partie par la présence plus importante des ennemis naturels de ces ravageurs, en présence d'une bande fleurie. Ainsi, une augmentation significative de l'abondance des carabes adultes, des punaises prédatrices (adultes et nymphes), des chrysopes et coccinelles adultes a été constatée dans ces bandes fleuries. Cette lutte biologique par gestion des habitats permet de réduire les dégâts occasionnés par les criocères sous le seuil de nuisibilité (estimé à 0,4 larve par talle), et ce jusqu'à 20 m de distance dans les parcelles de blé, et donc constitue une alternative viable à l'utilisation d'insecticides.

L'étude n'a pas montré d'effet de la complexité du paysage, exprimée en pourcentage de surfaces non cultivées dans un rayon de 750 mètres autour des parcelles cibles, sur l'abondance en ennemis naturels, ravageurs et dégâts. Ce résultat peut s'expliquer par le fait qu'en moyenne, sur le plateau Suisse siège de la zone d'étude, 47 % des surfaces ne sont pas cultivées. Cette importante proportion d'habitats non cultivées est supposée fournir des ressources (site d'hivernation, pollen, nectar…) et donc un important pool d'ennemis naturels, suffisant pour assurer une régulation naturelle efficace à l'échelle locale de la parcelle.

La bande fleurie testée est composée d'Aneth (Anethum graveolens), d'anthémis des champs (Anthemis arvensis), de cerfeuil commun (Anthriscus cerefolium), du bleuet (Centaurea cyanus), de coriandre (Coriandrum sativum), de sarrasin (Fagopyrum esculentum), de coquelicot (Papaver rhoeas). Le choix de ces espèces s'est fait sur leur capacité à produire des ressources (pollen, nectar floral et extra-floral, sites d'hivernation, refuges,…) aux insectes auxiliaires et sur l'adéquation à la meilleure période pour réguler les attaques des criocères.

L'expérimentation a été menée entre avril et juillet 2012 sur le plateau Suisse sur 30 parcelles de blé d'une taille moyenne de 2 ha non traités en fongicides, insecticides ou régulateurs de croissance.

Sur 15 d'entre eux, a été implantée une bande fleurie de 3 mètres de large sur la plus grande longueur, semée en avril. Sur les 15 autres, une bande de 3 mètres de large a été implantée en blé d'hiver, servant de bandes témoins. Ces bandes n'ont reçues ni traitements phytosanitaires (sauf exception herbicide sélectif appliqué sur plante individuelle), ni engrais et n'ont pas été fauchées.

La densité d'O. melanopus et O. gallaeciana et les dégâts sur le blé ont été mesurés à deux distances de la bande fleurie (entre 0,5 et 10 m et entre 10 et 20 m), et la densité des auxiliaires a été mesurée dans la bande fleurie et dans les bordures de champs témoins.

Source : M. Tschumi et Al. 2015 High effectiveness of tailored flower strips in reducing pests and crop plant damage. Proc. R. Soc. B 282 : 20151369

Le cas de la culture de pomme de terre

Des chercheurs suisses ont implanté sur le plateau central dans la région de Zürich des bandes fleuries de 3 mètres le long de champ de pomme de terre. L'essai a été mené sur 8 parcelles, plus 10 parcelles témoins en 2013.

Sur la base des données bibliographiques, 11 espèces ont été sélectionnées pour composer ces branches fleuries de par leur aptitude à pourvoir en nourriture (nectar et pollen) les insectes auxiliaires, sur l'étalement de la floraison et leur facilité d'implantation et rapidité de floraison : l'aneth odorant (Anethum graveolens), l'anthemis des champs (Anthemis arvensis), le persil sauvage (Anthriscus graveolens), la pâquerette (Bellis perennis), le souci (Calendula arvensis), la cameline cultivée (Camelina sativa), le bleuet (Centaurea cyanus), le coriandre (Coriandrum sativa), le sarrasin (Fagopyrum esculentum), le coquelicot (Papaver rhoeas) et la moutarde des champs (Sinapis arvensis).

Le comptage a montré que l'abondance et la richesse des insectes auxiliaires clefs, ennemis naturels des pucerons (syrphes, chrysopes et coccinelles), étaient beaucoup plus élevées dans la bande fleurie que dans les champs de pommes de terre sans bandes fleuries. Ainsi, les œufs de syrphes ont augmenté de 127 % et de 48 % pour les chrysopes et le nombre de pucerons a été réduit de 75 % dans les champs de pomme de terre adjacents.

En Juin, la bande fleurie était dominée par le sarrasin (33 %), la cameline (26 %), le souci (13 %) et la moutarde (12 %) et en Juillet, par le sarrasin (38 %), le bleuet (20 %), le coriandre (11 %) et l'anthemis (10 %).

Dans cet essai, le taux de parasitisme des pucerons par les parasitoïdes était très faible.

Les coccinelles semblent très efficaces à localiser les colonies de pucerons. Cependant, il reste à définir les distances maximales (optimales) pour établir les bandes fleuries.

Les bandes fleuries favorisant aussi les pollinisateurs.

Ainsi, l'implantation d'une bande fleurie de 3 m permet de réduire l'usage d'insecticides contre les pucerons des pommes de terre.

Source : Tschumi M. et Al. 2016. Tailored flower strips promote natural enemy biodiversity and pest control in potato crops. Journal of Applied Ecology.

 

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