En pratique

des pratiques favorables aux plantes messicoles

Comment faire de la place pour les plantes messicoles et osez la cohabitation. Les systèmes de polyculture-élevage dans les régions à contraintes pédo-climatiques comme les causses, les régions de moyennes montagnes ou la région méditerranéenne, offrent le cadre le plus favorables aux plantes messicoles : faible niveau d'intrants, valorisation des céréales en auto-consommation, rotations longues permettant la réduction ou l'abandon des herbicides, semences fermières. Les fermes en agriculture biologique offre aussi des conditions favorables aux plantes messicoles.

Sur tout ou partie de l'exploitation, vous pouvez :

  • Réduire la fertilisation azotée minérale (moins de 50 unités par ha) ou l'abandonner dans le cas des systèmes bio
  • Intégrer dans les assolements des variétés plus rustiques comme les blés de population à paille haute. Moins gourmantes en intrants, ces variétés sont semées moins serrées, ce qui permet la germination et la croissance des messicoles.
  • Maintenir ou réintroduire des céréales à paille dans les rotations longues comprenant des prairies temporaires avec légumineuses. Celles-ci permettent de conduire les cultures sans herbicides et avec (ou sans) engrais chimiques
  • Tolérer un tri des semences moins sévère et promouvoir l'autoproduction de semences fermières
  • Réduire ou mieux arrêter les traitements herbicides et insecticides, sans pour autant intensifier le travail du sol
  • Réduire la densité de semis (entre 170 kg et 250 kg par ha)
  • Privilégier un labour peu profond et un travail superficiel du sol. Le non-labour n'est pas une pratique favorable aux plantes messicoles.
  • Conserver une bande non traitée et non fertilisée entre 1 et 5 m de large autour du champ avec une densité de semis plus faible
  • Pâturer les chaumes de céréales

Si les messicoles ne cohabitent presque qu'exlusivement avec les céréales, les rotations longues avec les cultures fourragères comme la luzerne ou le sainfoin ne leurs sont pas défavorables. En effet les graines peuvent se conserver dans le sol ou se déplacer d'une parcelle à l'autre.

remettre en culture des messicoles autrefois cultivées

Plusieurs espèces pourraient être remises en culture:

L'ers

L'ers (Ervum ervilla ou Vicia ervilla) est une espèce de lentilles que l'on cultive en Algérie et dans le milieu de la France. Elle n'est utilisée que pour l'alimentation d'animaux. On la sème à raison de 50 kg/ha.

La description de l'ers, appelée vesce noire, est décrite dans le livre de l'agriculture d'Ibn-al-Awwan datant du XIIème siècle. Elle était semée à la même époque que le blé et l'orge et récoltée en juin. Elle était trempée avant d'être donnée à manger aux animaux.

« L'ers était utilisé en fourrage pour les brebis, cultivé en mélange avec de l'avoine et de l'orge et récolté en vert. C'est une culture fourragère intéressante. Les brebis adorent et se jettent dessus. On peut aussi le récolter en sec. L'ers est beaucoup moins envahissant que la vesce. Il monte à 30cm contrairement à la vesce qui peut monter beaucoup plus haut. Il est important de la cultiver en mélange pour que la céréale puisse lui servir de tuteur. Il faut aussi conserver une petite surface pour produire ses propres semences ».

Gérard Dumas, agriculteur à Manne (Alpes de Haute Provence)

« Historiquement en climat sec méditerranéen et sur le plateau de Valensole, l'ers était complément intégré dans les rotations. L'ers était très apprécié pour engraisser les agneaux. Il nous a fallu retrouver de la semence car ça s'était totalement perdu. L'ers est très rustique. On peut la semer à n'importe quelle saison. Elle se récolte facilement et est facile à trier. Bien sûr çà fait peu de végétation mais on peut récolter jusqu'à 1 tonne de graines. Dans mon exploitation, l'ers se ressème spontanément maintenant et assure un couvert en sous-étage dans la céréale. Elle contribue dans mon système biologique conduit en TCS et sans élevage à maintenir la fertilité des sols »

Laurent Bouvin, agriculteur à Valensole (Alpes de Haute Provence).

La cameline

La caméline est une plante trop dédaignée et qui mérite un bon accueil des cultivateurs (P. Joigneaux, 1863). Elles remplaçaient à l'époque les récoltes manquées. Elle a le double mérite de réussir sur des terrains qui ne conviennent pas à nos autres plantes oléagineuses et d'arriver à maturité en 3 ou 4 mois. On la sème à raison de 4 à 5 kg/ha. On l'associait avec du trèfle blanc ou de la moutarde blanche. Sa teneur en huile est de 25 à 30 %. Elle est  aujourd'hui souvent associée à la lentille.

La cameline a été cultivée tout d'abord au Proche-Orient puis en Europe. Elle occupait en France 5 700 ha en 1862. Elle est ensuite progressivement abandonnée et a disparu au début du XXème siècle en tant que culture. A côté de la cameline cultivée (Camelina sativa), il existe trois autres espèces : la cameline à petits fruits (Camelina microcarpa), la cameline alyson (Camelina alyssum) associée au lin et la cameline à grandes fleurs. Leur identification est particulièrement difficile. Elle est aujourd'hui remise en culture essentiellement par des producteurs biologiques. Elle est aussi utilisée dans les bandes fleuries.

La jarosse

La jarosse est le nom vulgaire de la gesse chiche ou pois cornu, Latyrus cicera. L'origine du mot n'est pas connue. Gesse viendrait de l'ancien provencal « geissa ». C'est une plante annuelle, très rustique et était cultivée sur une grande échelle dans les terres méridionales (Source : Le livre de la ferme – sous la direction de Pierre Joigneaux, 1863). La jarosse était semée à raison de 1 à 300 litres par hectare et appréciée comme fourrage par les moutons. Cette plante était aussi connue sous le nom de Jarosse d'Auvergne ou lentille à fleur. Elle était cultivée dans les Planèze de Saint-Flour en 1952. Son grain peut être consommé à la façon des lentilles. Elle est utilisée pour la production de fourrage vert et la production de grains, associée à une céréale.

Plusieurs autres gesses ont été cultivées dans le bassin méditerranéen pour leur fourrage ou leurs graines : la gesse commune appelée aussi la lentille d'Espagne ou pois carré (Lathyrus sativus) et la gesse velue (Latyrus hirsutus).

Ces cultures (jarosse, ers, gesses) occupaient 354 ha en 1929 principalement dans les départements suivants : Aube, Ain, Alpes de Haute-Provence (Source : Résultats généraux de l'enquête de 1929 - Ministère de l'agriculture).

Le pois carré

Le pois carré, Lathyrus sativus, est aujourd'hui recultivé pour une consommation humaine dans quelques exploitations du Sud-Ouest notamment dans le Gers.

Le lupin

Aujourd'hui, il existe 2 espèces de lupins cultivés : le lupin blanc (Lupinus albus) et le lupin jaune (Lupinus luteus) que l'on peut trouver aussi à l'état subspontané. Mais il existe aussi deux autres espèces sauvages que l'on peut rencontrer dans les champs : le lupin hérissé (Lupinus hirsutus) et le lupin à feuilles étroitres (Lupinus angustifolius). Il existe aussi une autre espèce de lupin : Lupinus pilosus, présent dans le bassin méditerranéen et qui est aussi cultivé.

Le lupin (blanc et jaune) couvre aujourd'hui 4.000 à 6.000 ha de sols acides en France. Il est souvent semé au printemps car il résiste mal au froid.

La nigelle

Les graines de nigelle (Nigella sativa) sont utilisées au Maghreb pour aromatiser le pain : quelques graines sont ajoutées à la pâte. La nigelle est cultivée au Maghreb par le marché local (Source : Jamal Bellakdar – Le Maghreb à travers ses plantes – Éditions Le Fennec – 2003). La nigelle cultivée est encore largement cultivée en Egypte, en Turquie en Jordanie ou en Irak.

La description de la culture de la nigelle cultivée est décrite dans le livre de l'agriculture d'Ibn-al-Awwan datant du XIIème siècle. Une autre espèce de la nigelle de Damas (Nigella damascena) était aussi cultivée.

Les liens avec les deux espèces sauvages présentes en France : la nigelle des champs (Nigella arvensis) et la nigelle de France (Nigella gallica) ne sont pas connus.

La spergule

La spergule, Spergula arvensis, est une espèce autrefois cultivée sur les terres maigres, légères ou sabloneuses, sous le nom de fourrage de disette. Sa culture était recommandée principalement dans les pays dont le sol faible ne comporte ni le trèfle ni les autres plantes fourragères exigeant une certaine qualité de terrain. Elle ne demande point d'engrais, féconde plutôt qu'elle n'épuise les terres (Source : Bulletin des sciences agricoles et économiques. Tomme VII, 1827). On la sème de la mi-mai à la mi-août. Au Pays-Bas, cette plante était autrefois très cultivée. Les vaches qui en étaient nourries produisaient un beurre de qualité dénommé beurre de spergule. Elle était pâturée ou utilisée en vert à l'étable. Elle était semée à raison de 24 livres par hectare.

La vesce cultivée

Plusieurs espèces de vesces ont été cultivées comme plantes fourragères notamment la vesce cultivée, Vicia sativa. En 1929, on cultivait encore 126 000 ha de vesce fourragère et 8 000 ha rien que pour la production de semences. La vesce cultivée se retrouve aujourd'hui à l'état sauvage dans les cultures.

La vesce de narbonne

Cette plante est étonnante par sa ressemblance à la féverole, mais son génome est plus petit et les deux espèces ne s'intercroisent pas. Elle est aujourd'hui présente dans quelques parcelles dans le midi notamment cultivées en bio.

Charles Lawson en 1836 mentionne sa culture en Allemagne comme un substitut de la vesce commune (V. sativa) à croissance rapide et son utilisation comme fourrage au goût fort de fève. Utilisée comme fourrage de vaches laitières, elle donne un gout particulier au lait, les porcs n'apprécient pas les graines. En Alentejo portugais, elle est traditionnellement cultivée pour nourrir les pigeons.

Les études disponibles indiquent que la plante est tolérante au froid et à la sécheresse, indifférente à la qualité du sol, elle résisterait mieux que la fève, Vicia faba, aux ravageurs et que son rendement est élevé. Elle constituerait donc un fourrage adapté pour la production de ruminants dans le climat semi-aride si son goût était amélioré.

Le pois sauvage

Le pois cultivé, Pisum sativum, aurait comme ancêtre sauvage le pois élevé, Pisum eliatus (à priori considérée comme une sous-espèce de Pisum sativum) et Pisum fulvum. L'espèce sauvage est présente dans une grande partie de l'est du bassin méditerranéen et notamment en France. Des travaux d'inventaire ont été menés dans les montagnes de Serbie où subsistent quelques populations (A. Mikic et Al, Collecting, characterisation and evaluation of « tall » pea (Pisum sativum subsp. Eliatus) in southeastern Serby, 2012). Les deux espèces sauvages se croisent difficilement.

La vachère d'espagne

La vachère d'Espagne (Vaccaria hispania) était autrefois une plante messicole bien répandue dans les cultures. Elle était particulièrement appréciée des herbivores d'où son nom de vachère. En effet, elle contient des lactosines, sucres qui ont la propriété de favoriser la lactation (Source : Lemonnier Sophie - 2014 - L'aventure est dans les blés - Éditions Savoir et Terroirs.)

Elle est aussi très riche en saponines comme le Saponaire officinale et a été utilisée comme plante à savon.

Mais sa reconnaissance est toute récente et tient à une équipe canadienne de chercheurs qui viennent de montrer le rôle anti-concurrence des saponines extraites, sur la base de pratiques empiriques ancestrales de la médecine chinoise.

Les saponines extraites de graines de vachères sont des phyto-oestrogènes, molécules présentant une homologie avec les oestrogènes dont certaines se sont révélées avoir une activité antihumorale dans les cancers du sein notamment.

Quelles espèces pour les jachères apicoles?

Les insectes pollinisateurs pour subsister et nourrir les larves ont besoin de nectar et pollen en dehors des périodes de floraison des cultures concernées (vergers, colza, tournesol, etc.).

D'autre part, hormis certaines espèces ne se nourrissant pas à ce stade, les imagos des auxiliaires sont souvent des consommateurs de pollen et nectar, ce qui peut-être le cas aussi d'ailleurs de certains ravageurs. La présence de plantes compagnes fournissant ces aliments de survie pour les adultes parasitoïdes est donc indispensable dans l'entourage des cultures (interrang, bandes enherbées et fleuries).

Certaines familles botaniques sont plus remarquables par la richesse des fleurs en pollen et ou la présence de nectaires (Apiacées, Asteracées).

Il est important d'éviter les races horticoles peut constituer une pollution génétique susceptible de faire disparaître nos variétés sauvages. Ces espèces doivent être faciles à installer dans les bandes fleuries.

L'utilisation de mélanges diversifiés de graines d'espèces indigènes, pour réaliser ces jachères apicoles, présente de nombreux avantages :

  • Permettre la réalisation du cycle biologique de plantes messicoles menacées ;
  • Favoriser la production d'une biomasse d'insectes qui constitue une ressource alimentaire pour de nombreuses espèces (oiseaux notamment) ;
  • Assurer une plus grande diversité d'espèces d'insectes pollinisateurs dans la mesure où nombre d'espèces sont inféodées à des plantes indigènes spécifiques pour leur alimentation, leur reproduction, etc. Cette diversité est aussi gage d'équilibre entre espèces dites « nuisibles », leurs prédateurs et leurs parasites. De telles jachères ont donc un rôle à jouer en lutte biologique (Denys et Tscharntke, 2002 ; Tscharntke et al., 2003) ;
  • Favoriser les pollinisateurs sauvages (en particulier les abeilles sauvages, notamment celles à langue longue, et les papillons, auxiliaires souvent plus efficaces que la seule Abeille domestique).

Parmis les espèces messicoles intéressantes à implanter :

  • Des espèces de la famille des Astéracées (on peut y inclure des espèces non messicoles comme , l'achillée millefeuille (Achillea millefolium) les pétales des fleurs étant soudées en tube, seuls des insectes à longue langue peuvent utiliser le nectar de ces plantes. Parmi les espèces les plus intéressantes : le souci (Calendula officinalis) à floraison très précoce,  le bleuet (Centaurea cyaneus) pour sa production de nectar ou le chrysanthème des moissons (Chrysanthemum segetum), l'anthemis des champs (Anthemis arvensis).
  • La nielle des blés, (Agrostemma githago).
  • Le coquelicot argémone (Papapaver argemone) pour sa production de pollen.
  • Des espèces de la famille des Fabaceae pour favoriser les populations d'abeilles sauvages et la fixation symbiotique.
  • Des espèces de la famille des Apiaceae (on peut y inclure des espèces non messicoles comme la carotte sauvage (Daucus carota), le fenouil commun (Foeniculum vulgare), l'aneth (Anethum graveolens) ou la coriandre (Coriandrum sativum) qui par leurs petites fleurs regroupées en ombelles sont faciles à butiner pour les insectes munis d'une trompe courte (hyménoptères parasites, syrphes) : l'aneth odorant (Anethum graveolens), le persil sauvage (…).
  • Des espèces de la famille des Lamiacées. Ces plantes riches en terpènes ont des fleurs riches en nectar attirant les insectes auxiliaires à longue langue ou à trompe comme les papillons ou certains insectes pollinisateurs : Lamium à floraison de très longue durée. Proche des labiées on peut aussi citer la famille des Boraginées dont les fleurs sont riches en nectar.
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