Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

LA DÉMARCHE

Il s'agit de caractériser la vulnérabilité de la ferme aux aléas climatiques et ses leviers d'adaptation.

Dans cette approche, nous regarderons tout d'abord les différents aléas qui impactent aujourd'hui la ferme au regard des observations climatiques locales sur la période 1979 - 2020. Puis, les évolutions climatiques à venir d'ici 2050 seront illustrées au travers d'indicateurs agro-climatiques spécifiques du système de production de l'exploitation étudiée. Enfin, les pratiques d'adaptation déjà mise en œuvre sur la ferme ou bien en cours de réflexion seront abordées.

QUELS SONT LES ALÉAS CLIMATIQUES RENCONTRÉS

 

DESCRIPTION DU CLIMAT LOCAL

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC).

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse tendancielle concerne tous les indicateurs de température (moyennes, minimales et maximales). Les conséquences concernent donc le raccourcissement des durées des cycles de développement des cultures, avec des dates de maturités plus précoces (somme de degrés jours plus importante). L'année 2003 demeure localement le record en termes de température moyenne avec une valeur de 15,01°C. En ce qui concerne les températures maximales, on observe une répétition de valeurs élevées dans la série chronologique ces dernières années, l'année 2019 marquant le record avec 20,92°C.

L'agriculteur souligne au travers de ses observations des hivers en tendance plus doux, confirmés par le graphique ci-dessus. Le mois de novembre présente une augmentation tendancielle encore plus marquée que les mois de décembre, janvier et février.

Le risque de gel tardif a été analysé ici sur la période mars-avril au travers du nombre d'occurrences de jours de gels. Une très grande variabilité interannuelle subsiste, les valeurs les plus importantes peuvent atteindre plus de 10 jours. C'est le cas notamment des années 1982, 2010 et 2019.

Le cumul de précipitations sur la période est assez variable. L'année 2017 ressort comme l'un des plus faibles cumuls de précipitations avec seulement 131 mm. L'effet combiné de la sécheresse et des fortes températures induisent un niveau de déficit hydrique plus important.

11 épisodes de fortes pluies (> 50 mm) ont été recensés sur la période analysée, dont 10 sont postérieurs à 1999. Ces épisodes semble se manifester plus fréquemment à l'automne. 3 évènements de fortes pluies importantes (> 85 mm) de distinguent : en 1990, 2010 et 2016.

 

QUELLES SONT LES RESSOURCES TOUCHÉES SUR LA FERME?

Les ressources de la ferme principalement impactées par les aléas climatiques sont :

Températures douces l'hiver : « ça me permet de faire lever mes couverts à l'automne un peu plus longtemps ». Mais y'a des pucerons plus longtemps, donc il faut faire attention sur la culture de blé dur.  
Gel de printemps :  dégâts sur grandes cultures avec une perte de 50% sur blé dur pour 2021 avec le gel (30 qtx/ha au lieu de 60).
Sécheresse estivale : Ça commence à faire longtemps que ça dure, il en a toujours eu. Plus d'orages l'été, donc augmentation d'eau d'irrigation. En général, de fin mai à fin août, il n'y pleut pas. Décalage du semi des couverts pour pas avoir à arroser trop pour la levée.

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques et illustrent les principaux enjeux climatiques à l'horizon 2050 pour lesquels des adaptations seront nécessaires.

Quatre indicateurs sont présentés pour la ferme :

Le nombre de journées échaudantes (température maximale dépassant 25°C) est déjà en augmentation sur la période de fin de cycle de la culture de blé. Cet impact semble se renforcer dans les 30 prochaines années avec de nouveaux records atteignant 60 jours.

La situation est identique sur la période estivale avec une augmentation très significative du nombre de journées dont la température maximale dépasse 32°C. Ponctuellement, des records de jours chauds peuvent s'établir à près de 40 jours. Cela traduit un durcissement des conditions de cultures, avec un stress thermique significatif pour le maïs grain sur la ferme, et des difficultés lors de la coïncidence avec la phase de pollinisation.


Bien que le nombre de jours de gel diminue tendanciellement, le risque de gel tardif demeure identique localement.

La sécheresse estivale s'intensifie tendanciellement, avec là-encore le franchissement ponctuellement de nouvelles valeurs extrêmes. La demande en eau d'irrigation du maïs est donc à réévaluer à la hausse pour maintenir les niveaux de rendements historiques. D'ici 2050, près d'une situation sur 3 dépasse le niveau de stress hydrique record de la période passée, témoignant de l'importance de ces changements.

 

Avez-vous mis en place des pratiques d'adaptation ?

Lutte contre la sècheresse :

Développement du semis direct avec développement d'un mulch en surface qui limite la perte en eau du sol (évapotranspiration). Observation par l'agriculteur d'un espacement possible des tours d'eau d'irrigation sur maïs. La réduction du travail du sol permet aussi d'atténuer la perte en eau comparativement à des façons culturales plus conventionnelles type labour.
Meilleure efficience pour l'irrigation grâce aux couverts avec une différence du simple au double avec le voisin. (3 000m3 pour lui contre 6 000m3).
Introduction du pois chiche, culture méditerranéenne dont les aptitudes face à la sécheresse sont intéressantes.

 

Lutte contre le gel :

Développement de la diversité variétale en blé dur, mélange composé de 30 variétés récolté d'années en années. Une plus grande chance de limiter l'impact du gel printanier par exemple.
Ajustement des dates de semis. Ne pas semer trop tôt (pas avant mi octobre). Mais attention au risque d'échaudage.

 

Lutte contre les fortes pluies :

Développement du semis direct qui favorise l'infiltration de l'eau afin de reconstituer la réserve en eau du sol et limiter le ruissellement de surface pouvant provoquer des pertes de sols par érosion (et donc de fertilité).
L'augmentation de la teneur en matière organique du sol permet de contribuer à l'augmentation de la réserve en eau du sol.

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

 

À l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

 

 

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Guillaume JOUBERT

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