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Aux origines de la farine dans le magazine La toque (janvier 2017)
Lot-et-Garonne : « Paysan bio » tire son épi du jeu
Philippe Guichard cultive en bio, sur de la luzerne vivante, des variétés de blés anciennes qu'il transforme en farines très prisées
Les moissonneuses batteuses tournent à plein régime. Des monstres hi-tech qui en quelques jours vont récolter des milliers d'hectares de blé dans le département. À l'heure de se rendre sur un de ses îlots de terres, à Sainte-Livrade-sur-Lot, Philippe Guichard n'a qu'une crainte : que sa vieille Braud bleue de 1976, avec sa direction à assistance mécanique, ne tombe en rade et ne puisse faire la route depuis sa ferme de Pailloles… Mais chez ce paysan, pas d'inquiétude réelle. Lui a choisi l'agriculture biologique presque par obligation et conduit sa petite exploitation d'une façon qui lui est bien propre et lui assure d'en vivre.
Comme ses homologues qui cultivent en conventionnel, il ne s'attend pas à des rendements exceptionnels. Loin de là. « L'an dernier, selon les parcelles, j'ai fait de 20 à 35 quintaux à l'hectare. Ce sera sans doute moins cette année [ tout de même 40 sur certaines, NDLR ]. Le printemps a été vraiment humide. » Pourtant, tandis que beaucoup de conventionnels disent récolter sans même savoir s'ils en retireront de réels bénéfices, à moins de disposer de surfaces XXL, lui n'a pas ce doute. Le prix de la tonne de blé bio compense les faibles rendements.
Autonomie intégrale
Sa ferme ne fait aujourd'hui pourtant que 55 hectares, dont seulement 17 plantés en blés. Dix-sept, comme le nombre d'années depuis lesquelles il travaille en autonomie intégrale : seul, mais surtout sans utiliser le moindre engrais et en puisant dans sa récolte pour ressemer l'hiver suivant.
Philippe Guichard cultive de l'orge et du seigle, des pois cassés, deux variétés de lentilles dont une, le béluga, fait le bonheur des épiceries fines parisiennes, du soja, de la cameline et de l'onagre, mais aussi des féveroles, des pois chiches : « Je préfère des petits ateliers avec des débouchés que de produire industriellement sans maîtriser la valeur ajoutée. » Philippe Guichard cultive surtout beaucoup de luzerne, à qui il réserve près de 8 hectares au total et pense ses rotations de cultures sur plusieurs années.
Conservatoire vivant
« Mes blés sont cultivés sur de la luzerne vivante. La corrélation entre céréale et légumineuse offre un bon rapport agronomique », poursuit-il. Son mode de culture, aussi, s'appuie sur une grande diversité de blés. Uniquement des variétés anciennes jamais cultivées isolées, mais dans des mélanges de population pouvant réunir jusqu'à 50 spécimens différents : rouge de Bordeaux, poulard, barbu du Tarn… Certains, très hauts en paille, sont presque aussi grands que lui et reposent sur des voisins, plus courts, pour ne pas s'effondrer. Qu'importe les différences, la plupart termineront réduits en farine.
Philippe Guichard s'est installé hors-cadre, en 1992, en rachetant une petite ferme de 17 hectares à Pailloles. Ce Lot-et-Garonnais d'adoption ne découvrait pas l'agriculture pour autant. Loin de là même. Auparavant, il exerçait en tant que chef de culture salarié sur une exploitation de 1 000 hectares dans la Beauce. « J'ai dû arrêter en 1986 à cause de la maladie, raconte-t-il. À l'époque, c'était une problématique secondaire, il n'y avait pas de protection contre les pesticides. »
À force d'en pulvériser sur les betteraves, Philippe Guichard a été attrapé par le crabe. Son traitement a duré trois ans. Un temps qu'il a en partie mis à profit pour lire, se documenter et reprendre les cours du soir. Au point de décrocher le diplôme d'ingénieur agronome délivré par l'École nationale de formation agronomique de Toulouse. Aujourd'hui guéri, Philippe Guichard se fait philosophe : « Je ne regrette pas cet épisode. Il m'a offert un large éventail de pratiques agricoles qui me servent encore aujourd'hui. » Il a aussi changé le cours de sa vie et fait de lui « un 100 % bio convaincu » : « Les paysans en conventionnel qui ne connaissent pas ce que j'ai vécu se retrouvent dans un système dont ils ne peuvent plus sortir. »
Julien Pellicier
Lot-et-Garonne : les réseaux sociaux l'ont amené à devenir paysan meunier
Publié le 22/07/2016
L'agriculteur s'est rendu compte, sur le Web, qu'il « existe une demande importante pour les farines de blés anciens ». ©
J. P.
Agriculteur bio à Sainte-Livrade-sur-Lot, Philippe Guichard est hyperconnecté
Philippe Guichard cultive en bio, sur de la luzerne vivante, des variétés de blés anciennes qu'il transforme en farines très prisées. Et il a beau habiter en pleine campagne, entre Villeneuve-sur-Lot et Cancon, il n'en est pas moins hyperconnecté. Les réseaux sociaux sont presque pour lui une seconde nature. Sur Twitter, il a pour pseudo@Paysanbio, ça ne s'invente pas.
L'usage qu'il en fait ne vise pas à rompre l'isolement que l'on prête (trop ?) souvent aux agriculteurs. Lui s'en sert pour faire tourner sa petite boutique. À force de surfer sur le Web, il est même devenu paysan meunier… Dans un coin de sa grange, une petite pièce aménagée renfermait un moulin qu'il n'utilisait qu'épisodiquement depuis six ou sept ans. C'était avant qu'il découvre, via les réseaux sociaux, qu'il « existe une demande importante pour les farines de blés anciens ». En moins d'un an, sa petite production s'est faite un nom. Au point qu'il se dit obligé aujourd'hui de freiner.
- Deux tonnes par mois
« Je me suis fixé pour objectif de ne pas dépasser les deux tonnes par mois », explique le néomeunier qui fournit surtout des boulangers (Panero Clandestino à Paris, Mie & You dans le Jura, Au Pavé de Régis en Ardèche…) ou des restaurateurs (le chef étoilé David Toutain, la star montante Daniel Baratier, chef des Déserteurs, ou Yann Eber de l'Auberge de la chèvrerie).
« Mes clients veulent de la farine fraîche »
Plus qu'un choix, une obligation. Sur les 70 à 80 tonnes de blés récoltées, il en conserve pour ses semences et n'entend pas « planter » ses fidèles clients qui lui en achètent de longue date. Pour faire plus, il lui faudrait d'avantage de terres. Et un moulin d'une autre échelle. En attendant, l'appareil composé de deux petites meules de 50 cm l'empêche de trop s'en éloigner. Bientôt, une armoire électrique lui facilitera la tâche. En attendant, il moud de 10 à 13 kilos par heure l'hiver, seulement 5 à 6 l'été. « La qualité de la farine dépend de la vitesse en mètre linéaire de la meule et de la température de mouture à laquelle elle sort », avance-t-il pour expliquer cet écart important. L'installation d'une climatisation, aussi, est à l'étude. Philippe Guichard n'a pas de stock - « mes clients veulent de la farine fraîche » - et travaille à la demande.
Julien Pellicier, Sud Ouest
Des nouvelles
Couverts végétaux
2015 -2016 : pas de couverts sur l'exploitation car les conditions humides de l'automne n'ont pas permis aux couverts de germer.
Essais de pois sur orge concluants
Semés le 15 novembre. Un passage de covercrop et semis en suivant. Le pois et l'orge ont été semés à la même époque et seront récoltés aux mêmes dates. Le pois est à destination de l'alimentation humaine (pois cassé). L'orge a très bien passé l'hiver malgré de mauvaises conditions.
Désherbage de la luzerne
L'entrée de l'hiver a été sec (déficit de 200 mm) et a permis de faire un désherbage sur les luzernes. Les "dicot", peu intéressantes par leur taux de protéines faible, seront donc mieux maîtrisées.
Rendements 2015 : une très bonne année
Blé population : 28 à 30 qx / ha
Lentilles : 10 qx / ha (arrosage des lentilles qui se sont couchées. La cameline n'a pas pu jouer son rôle de tuteur.)
Variété de blé Hardi (très prisée des boulangers) : 48 qx / ha
Féverole : 20 qx / ha
Onagre : rendement catastrophique de 70 kg pour l'ensemble du champs (manque d'un binage)
Transformation en farine
Depuis septembre, Philippe Guichard transforme une partie de ses blés en farine pour plusieurs boulangeries et épiceries parisiennes.
Triage de la bruche pour les pois et les lentilles
Séchage des pois et lentilles chaque année une journée sous un soleil fort et des températures élevées (> 35 °C). Les bruches sortent en totalité.
Mes farines citées dans l'Express !
Très fier et honoré de ces quelques mots relatifs à mes farines dans le tout récent article (Cliquez sur "en savoir plus" pour lire l'article).
Voici les noms de quelques épiceries fines qui vendent les pains mentionnés dans l'article :
- terra gourma,
- la maison Lillo.
Quelques restos, également cités, les servent à leurs clients et bientôt d'autres qui vont rejoindre ceux déjà approvisionnés...
Retour sur la formation Vivea du 11 juin 2015 "Réussir les semis sous couverture végétale et les cultures associées"
Une dizaine de personnes se sont rendus sur la ferme de Philippe Guichard pour découvrir le blé dans la luzerne vivante et les blés population.
Une journée riche en échange et des agriculteurs et agricultrices motivées et intéréssés.
Après une matinée en salle qui a permis de poser les bases du semis sous couverture végétale et du cas particulier du blé dans la luzerne vivante, l'après midi s'est déroulée sur la ferme par un tour complet des parcelles. Quelques images de la journée à découvrir.