Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Quels sont les aléas rencontrés ?

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)

  • Les températures annuelles :

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici des dégâts sur les fruitiers (voir plus bas). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C).

  • La sécheresse :

Voici deux graphiques pour illustrer la sécheresse déclarée par Philippe Garlenq de juin à septembre. Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. C'est un bon indicateur pour caractériser la sécheresse. Ici, sur les deux graphiques, on observe que la tendance sur les 30 dernières années n'est pas un assèchement, au contraire. Les précipitations ont augmenté et le déficit hydrique a diminué. Si on sépare mois par mois, la même tendance apparait. Ainsi, la sécheresse estivale ne se remarque pas avec ces graphiques. On peut supposer que cet aléa s'illustre par plusieurs jours/semaines sèches, compensées par de courts épisodes de fortes pluies.  Sur les dernières années, on remarque moins de pluies depuis 2017. D'après les projections (voir plus bas), la tendance de ces quatre années se poursuivra les années à venir.

 

  • Le gel printanier :

Ce graphique présente le nombre de jours de gel tardif en avril, la période indiquée par Philippe Garlenq. On remarque sur celui-ci que la tendance est à la baisse, mais que les années de gel indiquées par l'agriculteur (de 2014 à 2020) sont représentées, sauf pour 2014. On peut donc supposer des différences dues au territoire : le gel subit de 2014 par Les Vergers de l'Aveyron n'a pas dû avoir lieu à la station météo de la zone. Dans tous les cas, d'après les déclarations de l'agriculteur et le graphique, on ne peut pas conclure à une augmentation du gel tardif sur les 40 dernières années, mais effectivement il n'y a pas eu une année sans gel depuis 2015. Le graphique suivant, qui présente l'évolution des températures minimales d'avril et mai, va également dans ce sens.

  • Sécheresse et fortes températures : Ces deux aléas sont liés et l'un renforce les impacts de l'autre. Tous les arbres fruitiers de l'exploitation sont touchés (abricots, mirabelle, cerise, pomme). Les impacts se font d'autant plus ressentir car les variétés cultivées sur l'exploitation sont des variétés à faible rendement, qui privilégient la qualité gustative et qui sont peu tolérantes à la sécheresse et la chaleur. Ainsi, les arbres voient leur croissance réduites (les nouveaux vergers sont plus petits), les fruits également : le calibre diminue, notamment sur cerise où la petite taille est la plus problématique. Des tâches apparaissent sur les fruits (mirabelle), dues à la forte amplitude thermique (différence température jour/nuit). Enfin, ces conditions climatiques favorisent des attaques d'insectes plus fréquentes, et des nouveaux ravageurs apparaissent (dont des forficules, et la Drosophila suzukii).
  • Gel : La floraison des fruitiers est plus précoce car les hivers sont plus doux. Ainsi, les gels tardifs sont d'autant plus problématiques, car détruisent les fleurs déjà sorties. Les arbres les plus impactés par le gel sont les abricotiers. Depuis 2014, toutes les fleurs ont été détruites par le gel tardif, il n'a a pas eu de production d'abricots pendant 6 ans.   

 

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système arboriculture.

Trois indicateurs sont présentés en lien avec le système de Philippe Garlenq :

  • Les températures et déficit hydrique annuel :

Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et les précipitations annuelles. On remarque une franche augmentation de la température et une baisse des précipitations. Ainsi, l'aléa de chaleur et de sécheresse semble avancer dans les 30 années à venir.

 

  • La date du dernier gel de printemps :

Cet indicateur présente la date du dernier gel de printemps. Il est initialement utilisé pour la vigne, mais aussi intéressant pour l'arboriculture. En effet, c'est à cette période que les arbres sont en fleurs, et que le gel est le plus problématique car peut impacter très fortement le rendement. On remarque que cette date recule à l'horizon 2050, entre fin mars et mi-avril, avec une forte variabilité interannuelle. Ainsi, peut-être que les gels de printemps auront lieu moins souvent qu'aujourd'hui, mais cela restera un problème pour des gelées durant le mois d'avril. De plus, la grande variabilité interannuelle ne permet pas de prévoir les dégâts, qui peuvent être différents d'une année à l'autre, ce qui pourra rendre la gestion du verger et de la production plus compliquée. Enfin, la floraison aura peut-être tendance à devenir plus précoce du fait des hivers plus doux, donc le gel aura d'autant plus d'impacts.

 

  • Le déficit hydrique du 1er avril au 30 septembre :

Cet indicateur présente le déficit hydrique du 1er avril au 30 septembre, initialement utilisé pour la vigne, mais judicieux pour l'arboriculture car c'est la période sur laquelle se succèdent les étapes de floraison puis de formation et maturation des fruits. Ces stades sont donc clés pour le rendement, et sensibles à la sécheresse. Nous voyons que le déficit hydrique va augmenter à l'horizon 2050, donc l'aléa de sécheresse sera de plus en plus problématique.

 

  • La chaleur de plus de 25°C :

Cet indicateur présente le nombre de jours par an où la température maximale journalière est supérieure ou égale à 25°C. C'est un indicateur général qui nous sert ici à englober tous les dommages causés par la chaleur aux vergers. On remarque donc que le nombre de jours de plus de 25°C a tendance à augmenter à l'horizon 2050, il y aura donc sûrement plus d'impacts sur les vergers. Il serait peut-être intéressant pour Philippe Garlenq de replanter des nouveaux vergers aux variétés (porte greffe et greffon) plus tolérantes à la chaleur et à la sécheresse.

 

Quelles sont les pistes d'adaptation au sein des Vergers de l'Aveyron ?

  • Contre la sècheresse et les fortes températures, les agriculteurs gardent un enherbement inter-rang dans les vergers, qui permet de limiter l'évapotranspiration et de garder une bonne humidité dans le sol.
  • Contre le gel tardif, les exploitants n'ont pas encore trouvé de piste d'adaptation. Cependant, l'exploitation a l'avantage d'avoir une production très diversifiée, ce qui permet d'assurer un revenu malgré la perte de certaines productions (abricots depuis 2014).

Pour lutter contre les ravageurs qui apparaissent, les exploitants utilisent des méthodes de confusion sexuelle, et favorisent les auxiliaires par l'entretien d'infrastructures agro-écologiques (haies, enherbement…)

De plus, il serait intéressant d'irriguer les vergers pour pallier à la sécheresse estivale, si cela est possible sur l'exploitation. Pour les nouveaux vergers, du paillage BRF pourrait être utilisé aux pieds des arbres, ce qui permet de garder l'humidité dans le sol (voir témoignage Alex franc).

Il serait également intéressant, pour ces trois aléas climatiques, de replanter des parcelles en favorisant une grande diversité de variétés et d'espèces, qui auraient des tolérances différentes à la chaleur, la sécheresse, et qui soient plus tardives pour éviter le gel de printemps.

 

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

  • Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/

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Contact

Philippe GARLENQ, Nicolas MAURY, Dorian LAUZUN

GAEC les Vergers de l'Aveyron
Boyne, Rue de l’Eglise
12640 Rivière sur Tarn
Site : www.lesvergersdelaveyron.fr/
Email : lesvergersdelaveyron@gmail.com