Laure Gontier ingénieure à l’IFV sud-Ouest
Agronome à l'IFV Sud-Ouest, Laure Gontier travaille depuis 2005 sur les thématiques d'enherbement de la vigne. « Je me suis d'abord intéressée à l'enherbement sous le rang, en tant qu'alternative à l'utilisation des herbicides. Depuis 2010, l'objet de mes travaux concerne l'utilisation des couverts végétaux comme engrais verts. En matière de couverts, les possibilités sont multiples : couvert semé, avec différentes options dans le choix des espèces, couvert spontané, dans l'inter-rang et/ou sous le rang… Il est possible de mixer différentes approches en fonction des objectifs visés, qu'il s'agit au préalable de bien identifier pour mettre en oeuvre la méthode la plus adaptée. »
Historiquement, l'enherbement inter-rang s'est développé dans une optique de maîtrise du rendement de la vigne à des fins qualitatives, puis également dans le souci de limiter l'utilisation des herbicides. Cette pratique est largement mise en oeuvre dans le vignoble Gaillacois.
Plus récemment, l'enherbement est vu comme un engrais vert pour la vigne.
L'enherbement sous le rang est quant à lui plus confidentiel. Cette pratique vient se positionner comme alternative aux herbicides ou au désherbage mécanique interceps.
Atouts pour le développement de la pratique
Un effet positif sur la structure du sol
Les bénéfices apportés par l'enherbement sont nombreux. En plus de leur intérêt environnemental grâce à la limitation des herbicides, ils se montrent également intéressants pour leur effet positif sur la structure du sol. Un sol couvert est protégé vis à vis des agressions extérieures et les phénomènes d'érosion, d'encroûtement, de ruissellement sont ainsi réduits. De plus, le système racinaire du couvert améliore la stabilité structurale du sol.
Une fertilité des sols améliorée
A ces effets s'ajoute également une teneur en matière organique du sol améliorée grâce au renouvellement des racines du couvert et aux restitutions des parties ariennes. Cette matière organique procure à son tour une ressource pour les organismes du sol.
Un effet « engrais vert » peut aussi être recherché avec l'implantation d'un couvert annuel. Des espèces fourragères ou des céréales (orge, avoine…) qui produisent une biomasse importante sont alors bien adaptées : elles permettront une restitution au sol de plus grandes quantités de matière végétale.
Moins d'herbicides
Lorsque le viticulteur souhaite pousser davantage la réduction des herbicides, l'enherbement sous le rang apporte un avantage supplémentaire, avec un entretien moins contraignant que le désherbage mécanique : temps de passage économisé, pas de dépendance vis à vis des conditions d'humidité du sol.
Points de vigilance
Un équilibre concurrentiel à trouver
L'enherbement induit une concurrence hydro azotée avec la vigne. C'est en appliquant ce principe qu'il devient possible de maîtriser la production de la vigne, un effet généralement recherché pour les débouchés en AOP. Ce phénomène de « concentration » permet notamment d'améliorer la qualité des vins. Moins vigoureuse, la vigne devient également moins sensible à certaines maladies, comme le botrytis.
La difficulté de cette pratique consiste à trouver le bon équilibre entre la vigne et le couvert pour parvenir aux objectifs de rendement souhaités.
Les leviers résident alors dans le choix des espèces qui constituent le couvert (graminées, légumineuses) et dans la la surface enherbée (plus elle est importante et plus le couvert devient concurrentiel).
Ni trop d'azote, ni pas assez
Si la concurrence du couvert se montre trop forte, au delà d'un impact trop important sur le rendement, l'effet négatif peut aussi concerné la teneur en azote des baies, ce qui occasionne des retards de fermentation lors de la vinification. Ce manque d'azote peut aussi se montrer défavorable pour certains profils de vins pour lesquels une expression aromatique importante est attendue (thiols). Il est alors possible de limiter ces effets négatifs en implantant des légumineuses qui restitueront de l'azote.
A l'inverse, un enherbement permanent riche en légumineuses est susceptible dans certaines situations de restituer trop d'azote, qui génère un excès de vigueur de la vigne. Un retard de l'arrêt de croissance peut alors être observé (la production végétative prend le dessus sur la maturation des baies), tout comme une plus grande sensibilité aux maladies.
Penser à l'organisation du travail
Un enherbement dans l'inter-rang se positionne dans une zone facilement accessible pour les différents travaux d'entretien.
Quant à l'enherbement naturel, il engage peu de frais et peu de temps, ce qui facilite la décision de destruction si une concurrence trop forte s'installe durant la saison. Toutefois lorsque la flore naturelle de la parcelle n'est pas satisfaisante (trop concurrentielle ou trop envahissante), un couvert semé devient préférable.
Perspectives et travaux menés à l'IFV Sud-ouest
Nous travaillons sur la conception d'un outil de pilotage des enherbements dans la vigne. Ce travail vise à clarifier les modalités d'enherbement à appliquer en fonction des objectifs attendus. L'objectif est de proposer des règles de décisions aux viticulteurs sur la base d'indicateurs tels que la météorologie, l'état du sol ou de la vigne…
Pour élaborer cet outil de pilotage, nous formalisons les connaissances déjà acquises, que nous complétons par des expérimentations lorsque les références sont insuffisantes (par exemple est-il préférable de tondre ou de rouler un couvert ? Dans quelles situations ?...). »
Pour aller plus loin :
« La Gestion des sols viticoles : enjeux, entretien, mécanisation »
Sous la direction de Christophe Gaviglio (IFV)
256 pages
Edition France Agricole