Francis Marre viticulteur en conduite biologique à Cadalen (81)

« Je dois composer avec des boulbènes battantes, et des sols hydromorphes. Mon objectif est de ne pas laisser le sol nu pour entretenir la vie du sol et faciliter le drainage des parcelles. Pour y parvenir, je sème un inter-rang sur deux avec un couvert d'avoine et de trèfle violet, l'autre inter-rang étant enherbé de façon naturelle. Le couvert semé est roulé pour constituer un paillage sur le sol. J'ai mis en place deux itinéraires, un pour les vignes larges (2m50) et l'autre pour les vignes étroites (1m80). Mes pratiques sont encore en évolution, avec l'adoption en cours du semis direct. »


Le contexte

Le domaine Rotier est géré par Alain Rotier et son beau-frère Francis Marre, qui se sont répartis le travail sur l'exploitation : l'activité d'Alain est tournée vers la vinification, tandis que Francis s'occupe de la vigne

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" Mon objectif est de ne plus laisser le sol nu car je dois composer avec des boulbènes battantes, et des sols hydromorphes. Avec un inter rang sur deux semé et l'autre en couvert naturel, je cherche à entretenir la vie du sol et à faciliter le drainage des parcelles.

J'ai mis en place deux itinéraires, un pour les vignes larges (2m50) et l'autre pour les vignes étroites (1m80). Mes pratiques sont encore en évolution, avec l'adoption en cours du semis direct."

Viticulture et grandes cultures
35 ha en vigne en conduite AB
18 ha en grandes cultures
8 UTH
  • Contexte physique
    • Type de sol : terres limono argileuses avec tendance à la battance et à l'hydromorphie.

 

  • Contexte de production
    • Zone AOC
    • 35 ha dont 25 ha en rouge et 10 ha en blancs.
    • Age moyen des vignes : 20 ans.
    • Tailles Guyot (syrah, braucol, sauvignon, prunelart) et cordon de Royat (duras, loin de l'œil).
    • Production en certification biologique depuis 2012.

 

  • Contexte économique
    • Vente en bouteilles (170 000/an) : 15 % export, 30 % particuliers, 55 % professionnels.
    • Volume produit : 1200 à 1500 hl/an.

 

Depuis son achat en 1975 par les parents d'Alain, le domaine a connu plusieurs évolutions. Il est ainsi passé d'un système polyculture-vigne à une spécialisation progressive vers la vigne (35 hectares). Les 18 hectares de cultures restants sont suivis et travaillés par un tiers. La commercialisation en gros a également été délaissée pour développer la vente en bouteilles, qui représente actuellement la totalité du débouché du domaine, orienté en production sous AOP.

En vinification comme en suivi de la vigne, la tendance est allée vers une conduite de plus en plus raisonnée, tant par sensibilisation personnelle que pour répondre à une attente du marché. Ainsi, dès 1985, les engrais minéraux sont abandonnés au profit des amendements organiques. Puis à partir de 2005, cette tendance se confirme avec un essai de conduite bio des vignes, sans pour autant franchir encore le cap de la certification. Celle-ci sera engagée en 2009, après que les vignerons aient été assurés que la qualité de leurs vins ne pâtirait pas du nouveau mode de conduite. En 2012, le premier millésime bio voit le jour sur le domaine !

Le déclic

Au cœur de la démarche : la préservation des sols !

Boulbènes battantes, hydromorphie… pour Francis Marre, il était crucial d'améliorer la structure et le fonctionnement du sol.

« Mon objectif était de ne plus laisser le sol nu pour entretenir la vie du sol et faciliter le drainage des parcelles. »

Dès 2005 débutent les premiers semis de couverts végétaux et un travail différencié du sol selon la vocation des vignes. En 2014 interviennent les premiers essais de semis direct.

Mes pratiques agroécologiques : Enherbement du rang et/ou de l'inter-rang

La démarche, les savoirs agroécologiques (un travail du sol différencié, des couverts semés et des couverts spontanés), difficultés et pistes de réflexion...

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La démarche

Dans le souci de préserver et même d'améliorer la vie du sol, sa structure, son aération et son drainage, le domaine Rotier a développé différents itinéraires techniques faisant intervenir des couverts végétaux dans l'inter-rang. Après roulage au printemps, ce couvert constitue un paillage qui limite également les pertes d'eau en été par évaporation et par consommation du couvert.

Les savoirs agroécologiques

Un travail du sol différencié

Un itinéraire s'adresse aux vignes les plus anciennes dont l'inter-rang est large (2m50), et la densité de plantation 4 000 souches/ha. L'autre itinéraire concerne les vignes plus étroites (inter-rang de 1m80) et plus denses, soit 6 170 souches/ha. La différence de conduite est conditionnée par la largeur du semoir qui implante les couverts, trop large pour passer dans les vignes étroites.

 

Vignes larges

Un passage de cultivateur intervient en octobre, suivi d'un passage de covercrop à disques pour refragmenter si nécessaire, puis semis en ligne avec un semoir Naudet.

Cet itinéraire devrait être remplacé par un semis en direct avec le semoir Aurensan (semoir à disques inclinés). Les premiers essais ont débuté en 2014.

Enherbement naturel dans l'inter-rang (à gauche) et couvert d'avoine + trèfle semé (à droite)

Vignes étroites

Passage de cultivateur en octobre, herse rotative, semis à la volée puis passage de rouleau pour rappuyer

Des couverts semés et des couverts spontanés :

Depuis le début de leur implantation en 2005, le choix des espèces des couverts n'a eu de cesse d'évoluer. D'abord constitués uniquement de graminées, ils tendent à présent vers des mélanges plus riches qui associent des graminées (avoine à 100 kg/ha un rang sur deux, soit 40-45 kg sur un rang), des légumineuses (trèfle violet à 2,5 kg/ha soit 1 kg un rang sur 2), voire des crucifères (elles seront testées cette année). Les semences sont produites sur des vignes qui ont été arrachées.

Francis Marre privilégie l'association d'espèces qui présentent des systèmes racinaires différents pour « leur effet positif sur la structure du sol et la réduction des effets de compaction ».

Les couverts sont semés un rang sur deux, les rangs étant alternés d'une année sur l'autre. Le rang non semé est couvert par un enherbement spontané.

Ce couvert spontané peut être broyé puis détruit par un passage de cultivateur dès le mois de mai s'il se développe à l'excès. Cette destruction précoce permet aussi de faciliter la préparation d'automne et de gagner ainsi un peu de temps à une période chargée par ailleurs. Elle intervient préférentiellement sur les vignes étroites, dont l'ombre portée sur le sol plus marquée que pour les vignes larges, confère une petite protection au sol vis à vis du dessèchement.

Le couvert semé est roulé au mois de mai avec un rouleau Faca, dès lors qu'il est bien développé. Ce roulage génère un paillage sur toute la surface du sol, qui évite la germination d'autres plantes (maîtrise des adventices), et limite l'évapotranspiration.

Une partie du couvert spontané peut être détruit dès le mois de mai, pour faciliter le semis du couvert en octobre et aménager ainsi l'organisation du travail à une période chargée.

En résumé

Vignes avec inter-rang de 2m50

Période

Intervention culturale

Outil

Octobre

Destruction de l'ancien couvert (spontané) et préparation du sol

Semis du couvert (avoine 100 kg/ha + trèfle violet 2,5 kg/ha)

Cultivateur à dents (fissurer)

Covercrop à disques si nécessaire (fragmenter)
Semoir à disques Naudet

Mai

Roulage du couvert semé

Broyage du couvert spontané si trop développé

Destruction d'une partie du couvert spontané

Rouleau Faca

Cultivateur à dents

 

Vignes avec inter-rang de 1m80 :

Période

Intervention culturale

Outil

Octobre

Destruction de l'ancien couvert (spontané) et préparation du sol

Semis du couvert (avoine 100 kg/ha + trèfle violet 2,5 kg/ha)

Rappuyage

Cultivateur à dents (fissurer)

Herse rotative (lit de semence)

Hemoir à la volée (combiné à la herse)

Rouleau lisse

Mai

Roulage du couvert semé

Broyage du couvert spontané si trop développé

Destruction d'une partie du couvert spontané

Rouleau Faca

Cultivateur à dents

Difficultés et pistes de réflexion

Lors des essais de semis direct en 2014, la levée du trèfle n'a pas été satisfaisante. En raison de la disponibilité tardive du semoir, Francis Marre suppose que le semis d'octobre a été trop tardif pour le trèfle. Semé en même temps que l'avoine, il pourrait également avoir été semé trop profondément. Pour tâcher de résoudre ces incidents, le semis 2015 sera réalisé en septembre. Ce semis en direct, sans travail du sol préalable, permettra d'avancer le semis, qui devait auparavant attendre jusqu'à la fin des vendanges (pour ne pas bouleverser le sol et ne pas occasionner de gêne durant les vendanges). Un semis en deux fois pourrait également être testé pour viser l'optimum de semis pour les graminées et les légumineuses.

Une crucifère va également être rajoutée au mélange pour bénéficier de sa racine pivot et améliorer ainsi la structuration du sol.

Intérêts du point de vue de l'agriculteur

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Moins de fuel avec le semis direct
  • Le paillage évite la germination d'adventices et limite l'évapotranspiration
  • Le couvert structure, draine et aère le sol, améliore son fonctionnement biologique
  • Préservation de la fertilité du sol
  • Augmentation de la biodiversité
  • Création d'abris pour la faune auxiliaire

Social : Etalement du calendrier de travail et gain de temps

Mes recommandations

« Il faut procéder petit à petit, expérimenter, et repérer quel impact ont les pratiques en vigne sur le produit fini. Pour nous, il n'était pas question de pénaliser la qualité de nos vins ! »

Regarder ce qui se fait ailleurs, se faire accompagner techniquement pour mettre en place de nouvelles pratiques, échanger avec d'autres, sont des supports incontournables. »

Autres pratiques

  • Confusion sexuelle contre les vers de la grappe ;
  • Plantation de haies (amélioration de la biodiversité et de l'esthétique).

Mes sources

  • Conseiller privé au début du passage en conduite biologique
  • Arbres et Paysages Tarnais pour le projet de plantation de haies
  • Ligue pour la protection des oiseaux du Tarn LPO (inventaire faunistique)
  • GIEE (groupement d'intérêt économique et environnemental) « Couverts végétaux innovants en viticulture pour l'amélioration de la fertilité du sol afin de concilier réduction des intrants et durabilité de la production » : constitué par une vingtaine de viticulteurs, porté par la Maison des vins en partenariat avec l'IFV Sud-ouest et le Chambre d'agriculture du Tarn
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