Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

LA DÉMARCHE

Il s'agit de caractériser la vulnérabilité de la ferme aux aléas climatiques et ses leviers d'adaptation.

Dans cette approche, nous regarderons tout d'abord les différents aléas qui impactent aujourd'hui la ferme au regard des observations climatiques locales sur la période 1979 – 2024... Puis, les évolutions climatiques à venir d'ici 2050 seront illustrées au travers d'indicateurs agro-climatiques spécifiques du système de production de l'exploitation étudiée. Enfin, les pratiques d'adaptation déjà mise en œuvre sur la ferme ou bien en cours de réflexion seront abordées.

QUELS SONT LES ALÉAS CLIMATIQUES ?

 

DESCRIPTION DU CLIMAT LOCAL

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2024 (Source : Agri4Cast, JRC, grid number : 73088).

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque par exemple, un démarrage plus précoce de la pousse de l'herbe des prairies. Les dernières années (2018 à 2024) présentent presque toutes des valeurs assez élevées supérieures à la moyenne (de 10,3°C) de cette série climatique. L’année 2022 ressort bien comme étant l'année la plus chaude de la série chronologique avec une température annuelle moyenne de 12,4°C, soit 2°C supérieure à la moyenne sur cette série.

 

L'occurrence du nombre de journées chaudes (> 25°C) est en hausse significative sur la période analysée, avec un record s'établissant en 2003 et 2022 (canicule la plus importante subie en France) atteignant plus de 70 jours chauds. Par ailleurs, on observe une répétition au cours des dernières campagnes culturales (2016 à 2024) d'un nombre significatif de journées estivales presque chaque année (au-delà de 55 journées estivales par an), à l’exception des années 2021 et 2024.

La tendance est identique pour le nombre de journées très chaudes (> 30°C) qui progresse continuellement, avec régulièrement des valeurs proches ou supérieures à 15 jours par an ces dernières années et avec 2 années records, dépassant les 30 journées très chaudes : 2003 et 2022.

Le nombre tendanciel de jours de gel par an est en régression, avec depuis 2014 une baisse notable du nombre de jours de gel cumulés chaque année, ne dépassant plus les que très rarement les 60 jours/an, valeurs inférieures à la moyenne sur la période. Le nombre de jours de grand froids (température <5°C) est également en régression avec, régulièrement les 10 dernières années, aucune journée sous les -5°C : 2016, 2019, 2020.

Le nombre de jours de gel tardif (période de mars à mai) diminue fortement. Toutefois, l'intervention de températures négatives au printemps subsiste, sur une végétation qui a tendance à être davantage développée par la hausse tendancielle des températures et donc implique un risque de gel persistant, au moment de la floraison de certaines cultures ou plantes mellifères par exemple.

Le déficit hydrique est calculé par la différence entre pluviométrie et évapotranspiration, il est cumulé sur le graphique ci-dessus pour la période juin à octobre, déclarée comme des périodes particulièrement sèches par l’agriculteur. Les dernières années sont caractérisées par une forte variabilité du déficit hydrique estival, avec mis en évidence les années particulièrement marquantes : 2003, 2009 et 2022.

 

QUELLES SONT LES RESSOURCES TOUCHÉES ?

Hausse des températures moyennes et hiver doux
Cette hausse de degrés jours impacte directement le cycle de développement des plantes sauvages butinées par les abeilles : précocification des floraisons, raccourcissement des cycles de développement. Ceci impacte indirectement la durée et le calendrier des miellées et donc complexifie la gestion des transhumances. Par exemple, une miellée de châtaignier durait 3 semaines il y a quelques années, aujourd’hui, elle peut être terminée en 8-10 jours ! 

Cette hausse de température moyenne impacte également directement les abeilles, avec des sorties d’hivernage ou des reprises de pontes en plein hiver. Ces reprises d’activité demandent de l’énergie et les abeilles vont consommer du miel. Il arrive donc de devoir les nourrir pour compenser ces reprises d’activité au printemps.

Fortes températures estivales 
Les canicules et sécheresses estivales impactent directement la bonne santé des plantes sauvages, ressources des abeilles. La bonne santé des plantes ressources pour les insectes butineurs impactent indirectement la bonne santé des colonies. Certaines plantes sont en déclin ou produisent moins de nectar, comme le serpolet, que les abeilles aiment particulièrement.    

Les fortes températures impactent également les brebis. A partir d’une certaine température, les brebis vont cesser de s’alimenter pour se mettre à l’ombre. Or, avec la pression de prédation de plus en plus forte, les brebis sont rentrées la nuit, seul moment où il fait suffisamment frais pour manger. 

Sécheresses estivales
Les sécheresses estivales peuvent impacter les cultures d’hiver. En effet, à l’automne, après plusieurs mois sans précipitations, les sols sont secs et peuvent impacter la bonne réussite des semis. 

 

QUELLES ÉVOLUTIONS CLIMATIQUES À VENIR LOCALEMENT ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agroclimatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques et illustrent les principaux enjeux climatiques à l'horizon 2050 pour lesquels des adaptations seront nécessaires (source : portail Climadiag Agriculture).

A l’échelle de la France, la température moyenne annuelle augmentera de près de 1,5 °C d’ici l’horizon 2030 par rapport au climat récent et de plus de 2 °C d’ici l’horizon 2050. Ce réchauffement montre toutefois une variabilité spatiale et saisonnière.

La figure ci-contre représente, saison par saison, l’évolution de la température moyenne entre le climat récent et celui attendu aux horizons 2030 et 2050 autour du Mas St Chely. On constate une hausse des températures moyennes à chaque saison, particulièrement marquée en été avec une hausse de la normale estivale passant de 17,4 à 19,46°C.

Dénombrement des jours durant lesquels la température maximale entre le 1 juin et le 31 octobre est supérieure à 25°C.

La hausse de l'occurrence du nombre de journées chaudes (> 25°C) déjà constatée devrait se poursuivre, pour passer d’une médiane à 37 journées estivales par an sur la période du passé récent à plus de 57 journées estivales par an à l’horizon 2050, soit une hausse de près de 20 jours. Les années les plus extrêmes pouvant dépasser les 100 jours.

La baisse tendancielle du nombre de jour de gel par an devrait se poursuivre, pour passer d’une médiane à 70 jours de gel par an sur la période du passé récent à seulement de 50 jours de gel par an à l’horizon 2050, soit une baisse de près de 20 jours. Les années les plus extrêmes pourraient passer sous les 15 jours de gel par an.

La figure ci-contre représente, saison par saison, l’évolution du cumul de pluviométrie (mm) entre le climat récent et celui attendu aux horizons 2030 et 2050 pour le point de grille sélectionné.

Contrairement aux températures, l’évolution des précipitations en France présente des incertitudes importantes. Les évolutions présentent des contrastes saisonniers importants avec une tendance à la hausse des précipitations en hiver et une tendance à la baisse en été. Cette évolution dans la répartition des précipitations implique des périodes avec peu de précipitations plus fréquentes en été et des épisodes de fortes pluies plus fréquentes en hiver.

Stades valorisation des prairies

Le graphique ci-dessus présente l’évolution du cycle de développement des prairies, sur la base du nombre de degrés jours nécessaires à l’atteinte de chaque stade phénologique.

On observe un raccourssiement de près de 10 jours en moyenne du cycle de développement des prairies, avec une date de mise à l’herbe avancée de près d’une semaine à l’horizon 2050 par rapport au passé récent.

Le graphique ci-dessus présente Bilan hydrique en été (mm) entre le 1 juin et le 31 août. Pour l'horizon 2010, la médiane de l'indicateur est -174 mm et elle évolue à -220 mm pour l'horizon 2050. On observe donc une tendance à l’augmentation du déficit hydrique estival avec des valeurs extrêmes pouvant atteindre les -450mm.

La température seule n’est pas suffisante pour juger du degré de confort thermique des animaux. Les ruminants sont très sensibles, l’hiver comme l’été, aux excès d’humidité. L'ITH (Indice Température Humidité) vise à estimer le degré d’inconfort d’un animal en fonction de la température ambiante et de l’humidité relative de l’air.

Au-delà d’une valeur de 68, correspondant par exemple à une température de 22°C avec une humidité de 50%, les ruminants subissent déjà un stress léger ayant des impacts sur leur production.

Seuils d'ITH et niveaux de stress associés (Collier et al.2011) :

On observe donc une hausse du nombre de jours par an situation de stress thermique (ITH>68) pour les brebis, passant d’une médiane de 84 jours dans le passé récent à 107 à l’horizon 2050, soit une hausse de plus de 20jours. Les années les plus extrêmes peuvent atteindre les 150 jours en situation de stress thermique.

AVEZ-VOUS MIS EN PLACE DES PRATIQUES D'ADAPTATION ?

  • Pâturage en sous-bois l’été
  • Couverts arborés dans tous les pâturages pour préserver l’herbe
  • Stimulation des ruches en sortie d’hiver pour s’ajuster à la précocification des miellées
  • Implantation d’IAE : haies brise-vents, microclimat…
  • Plantation et bouture d’espèces adaptées au climat local : sélection d’individus ayant bien résisté aux aléas de l’année pour faire des boutures.
  • Tendre au maximum vers l’autonomie de l’exploitation : autonomie fourragère et protéique, autonomie énergétique, autonomie en eau, autonomie en intrants…
  • Production d’énergies renouvelables sur l’exploitation
  • Diversification des ateliers de productions

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Contact

Sarah DEJEAN et Philippe CLÉMENT

GAEC LA FERME DU FRAISSE
La Fraïsse
48210 Mas-Saint-Chely
Site : fermedufraisse.free.fr/index.html
Email : fermedufraisse48@gmail.com