Régulation ascendante par la modification des pratiques agricoles approche Bottom up

La régulation Bottom up peut se faire par de nombreuses pratiques, mais les moyens sont de travailler de façon directe ou indirecte sur la plante cultivée en jouant sur l'attractivité et l'accessibilité de la plante.

La sensibilité de la plante cultivée

La sélection génétique prend en compte la sensibilité des variétés aux maladies et ravageurs. Ainsi, le choix de variétés tolérantes ou résistantes12  permet de limiter les risques d'attaque. En arboriculture et en viticulture, le choix du porte-greffe et de la variété est primordial pour déterminer l'adaptation locale, la vigueur et la capacité à tolérer certaines maladies ou ravageurs.

L'architecture de la plante cultivée

Cette technique est développée en arboriculture et en viticulture, l'objectif est de modifier l'architecture de l'arbre afin d'avoir un micro-climat moins favorable aux ravageurs en réduisant leurs ressources alimentaires disponibles. La taille centrifuge (par rapport à la taille Solaxe13 ) diminue le nombre de ramification et forme un arbre plus aéré qui est moins favorable aux attaques de pucerons.14

L'organisation des espèces et/ou variétés dans le temps

Le décalage de la date de semis permet l'évitement du stade sensible de la plante cultivée et de la présence du ravageur. Par exemple, semer un colza un peu plus tôt permet au colza d'atteindre plus précocement le stade 3-4 feuilles et ainsi de limiter les attaques d'altises (la période à risque se situant entre la levée et le stade 3-4 feuilles).
L'allongement de la rotation et la diversification de l'assolement permettent une rupture des cycles des bio-agresseurs, ravageurs, adventices et maladies. Ainsi, dans le cadre de la LBCGH, il est important de respecter les fréquences de retour d'une culture sur elle-même préconisées par les différents instituts techniques et/ou conseillers agricoles.
Par exemple, l'OILB préconise les fréquences minimales de retour suivantes au sein d'une rotation d'un an sur 4 pour les cultures de colza, betterave sucrière, pomme de terre, tournesol, féverole et soja, et d'un an sur 7 pour le pois sec. 15

L'organisation des espèces et/ou variétés dans l'espace

L'association de plantes que ce soit de façon intercalaire ou en mélange permet d'utiliser l'effet barrière dilution et l'effet attraction ou répulsion (stratégie push and pull).
Un pois cultivé en association avec des céréales sera moins soumis aux attaques de puceron vert du pois. En effet, le pois est plus difficile à localiser en culture associée qu'en culture pure.16  Par contre, pour la même association blé/pois, les infestations de sitones du pois peuvent empirer en comparaison à la culture pure.17
Les bandes pièges sont basées sur le phénomène d'attraction-répulsion. L'un des exemples le plus étudié à ce jour concerne le méligèthe du colza. La navette et la moutarde noire en fleurissant plus tôt sont plus attractives que le colza pour les femelles méligèthes. Les méligèthes rentrent dans les parcelles par les bordures. Ainsi l'insertion d'une bande de 3 à 10 m de navette ou de moutarde noire autour de la parcelle de colza permet de protéger le colza puisque les femelles pondent en premier et préférentiellement sur la navette et la moutarde et non pas sur le colza.18 19

La fertilisation

La gestion qualitative et quantitative de la fertilisation est une pratique clé de la régulation des ravageurs, par exemple :

  • Le puceron du pêcher (Myzus persicae) prélève l'azote de la sève. Plus on apporte d'azote, plus les feuilles sont riches en azote, plus le pêcher est vigoureux, plus vite les colonies de pucerons se développeront.20  De même en verger de pommiers, éviter la sur-fertilisation et les pics trop importants d'azote permet de limiter la multiplication du puceron cendré.21
  • L'apport de fumier ou de compost trop jeunes sur les parcelles favorise la présence de la mouche du semis et de la hernie du chou.22

Le travail du sol

L'arrêt du travail du sol permet de favoriser la diversité faunistique. En effet, de nombreux ennemis naturels notamment les parasitoïdes et certains ravageurs hivernent dans les premiers centimètres du sol de la parcelle. Le travail du sol détruit les larves en diapause dans le sol, indifféremment pour les ravageurs ou les auxiliaires. Sur des études menées sur les parasitoïdes des ravageurs du colza, le labour diminue de 50 % le nombre de parasitoïdes (Tersilochus microgaster, Tersilochus obscurator, Tersilochus heterocerus et Phradis interstitialis) qui émergent l'année suivante de la parcelle.23

La protection des cultures

L'utilisation de pesticides peut nuire aux ennemis naturels ; c'est le cas d'herbicides à large spectre, en supprimant des ressources alimentaires utiles aux arthropodes, et certains insecticides nocifs à la fois aux prédateurs et à leurs ennemis naturels.
Par exemple lors d'une étude sur colza, après l'application de pyréthroïde ; le nombre de parasitoïde (principalement Phradis morionellus, parasitoïde du méligèthe du colza) a diminué de 50 %.24
Plusieurs paramètres peuvent être modifiés afin de protéger les ennemis naturels :

  • matière active utilisée,
  • mode d'action et persistance du produit,
  • dose et date des pulvérisations à moduler en fonction des conditions climatiques et du stade phénologique de la plante.

[12]  Les variétés résistantes ne présentent pas ou peu de symptômes quelle que soit la pression du ravageur. Le risque des variétés résistantes est que les bio-agresseurs s'adaptent et peuvent contourner la résistance. Avec les variétés tolérantes, il n'y a pas de risques de contournement. Si la pression du bio-agresseur est normale, alors la plante n'aura aucun symptôme par contre si la pression est élevée la plante aura des symptômes dus au bio-agresseur.
[13]  La conduite centrifuge l'arbre est de forme cylindrique afin de laisser une cheminée centrale pour le passage de la lumière. La conduite Solaxe : l'arbre n'est jamais taillé mais il est maintenu à l'horizontale par arcure.
[14]  S. Simon S, Sauphanor B, Defrance H & Lauri P E, 2009. Manipulations des habitats du verger biologique et de son environnement pour le contrôle des bio-agresseurs. Des éléments pour la modulation des relations arbre-ravageurs-auxiliaires.
[15]  OILB/SROP, 1997.  Guidelines for integrated production of arable crops in Europe. Bulletin OILB srop Vol. 20 (5). Ed Boller EF, Malavolta C, Jörg E. 19pp. http://www.iobc-wprs.org/ip_ipm/iobc_guideline_arablecrops_1997_francais.pdf
[16]  PerfCom – ANR, 2013.  Les cultures associées Céréale/Légumineuse : En agriculture « bas intrants » dans le Sud de la France. 28pp. https://www7.inra.fr/comite_agriculture_biologique/les_resultats/perfcom
[17]  Corre-Hellou G, Baranger A, Bedoussac L, Cassagne N, Cannavacciuolo M, Fustec J, Elise Pelzer E, Piva G, 2014. Interactions entre facteurs biotiques et fonctionnement des associations végétales. Innovations Agronomiques. 19pp
[18]  Veromann E,  Kaasik R,  Kova´cs G, Metspalu L,  Williams I H & Ma¨nd M, 2014. Fatal attraction: search for a dead-end trap crop for the pollen beetle (Meligethes aeneus).
[19]  CETIOM. Colza bio : lutte contre les ravageurs.
[20]  Sauge MH, Grechi I, Poessel JL, 2008. Les interactions pêcher Myzus persicae sous l'effet de la fertilisation azotée.
[21] Bussi C, Corroyer N, Fauriel J, Girard T, Simon S, 2006. Nutrition azotée du pommier et puceron cendré Dysaphis plantaginea.
[22]  Häni F, Popow G, Schwarz A, Tanner K, 2004. Protection des plantes en production intégrée : Grandes cultures.
[23]  Nilson C, 2010. Impact of soil tillage on Parasitoids of oilseed rape pests, in Biocontrol-Based Integrated Management of oilseed rape pests. Ed Williams IH.
[24]  Ulber B, Klukowski Z, Williams IH, 2010. Impact of Insecticides on Parasitoids of Oilseed Rape Pests, in Biocontrol-Based Integrated Management of oilseed rape pests. Ed Williams IH.
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