Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Changement climatique

Il s'agit de caractériser la vulnérabilité de la ferme aux aléas climatiques et ses leviers d'adaptation.

Dans cette approche, nous regarderons tout d'abord les différents aléas qui impactent aujourd'hui la ferme au regard des observations climatiques locales sur la période 1979 - 2020. Puis, les évolutions climatiques à venir d'ici 2050 seront illustrées au travers d'indicateurs agro-climatiques spécifiques du système de production de l'exploitation étudiée. Enfin, les pratiques d'adaptation déjà mise en œuvre sur la ferme ou bien en cours de réflexion seront abordées.

 

Quels sont les aléas climatiques rencontrés ?

 

 

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC).

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque notamment un démarrage plus précoce de la pousse de l'herbe des prairies. Les dernières années (2016 à 2020) présentent toutes des valeurs assez élevées, 2020 étant l'année la plus chaude de la série chronologique avec une température moyenne de 12,18°C.

 

L'occurrence du nombre de journées chaudes (> 25°C) est en hausse significative sur la période analysée, avec un record s'établissant en 2003 (canicule la plus importante subie en France) atteignant 78 jours. 2018, 2019 et 2020 présentent aussi des valeurs importantes avec environ 70 journées estivales par an.

La tendance est identique pour le nombre de journées très chaudes (> 30°C) qui progresse continuellement, avec régulièrement des valeurs supérieures à 20 jours par an ces dernières années (2015, 2019, 2020).

 

L'augmentation des températures moyennes a pour conséquence une diminution du nombre de jour de gel cumulés chaque année. Le graphique ci-dessus représente le nombre de jours de gel tardif sur la période avril-mai. Comme attendu, une tendance prononcée à la baisse de cette indicateur apparaît. Il devient plus fréquent maintenant d'avoir moins de 5 jours par an. Cependant, les années 2017 et 2019 ressortent avec des valeurs plus importantes, démontrant l'importante variabilité interannuelle.

 

Un total de 19 épisodes de fortes pluies (>40 mm) est recensé sur la période analysée. Celles-ci se produisent plus fréquemment en fin d'été. Les évènements les plus récents se sont produits en septembre 2016, juin 2017 et juin 2020.

 

L'évolution du déficit hydrique (différence entre la pluviométrie et l'évapotranspiration) pour la période juin à septembre montre une dégradation tendancielle sur l'ensemble de la série chronologique. Les valeurs les plus importantes (2003, 2018, 2019) se situent sur la période de temps la plus récente. Depuis 2015, le niveau de déficit hydrique atteint à cette période est régulièrement important (inférieur à -250 mm) chaque année à l'exception de 2017.

 

Quelles sont les ressources touchés sur la ferme ?

Type de ressources :

- Prairies : La température décalée implique que la pousse de l'herbe soit plus précoce et donc avec une durée de pâturage plus importante. La sècheresse estivale provoque une perte de production de foin. Il observe des différences entre les 3 dernières années. Mais en 2020, 10 à 20% de perte de production de foin ; une prairie qui fait 7T de MS/ha n'en fait que 5T de MS/ha. il achète donc entre 20 et 40 T de foin par an pour compenser cette perte…

De même, le gel fin avril ou début mai peut provoquer des dégâts sur les luzernes qui ne meurent pas, mais perdent leur valeur fourragère.

- Troupeau : La sécheresse et forte chaleur ont un impact sur le troupeau et la production de lait (car les vaches mangent moins, surtout à une température supérieure de 30°C). Perte de production de lait en quantité et qualité : le TP baisse de 33 à 31. Ceci entraîne donc une quantité de fromage moindre avec 10% de perte de production de fromage (50 kg a 45 kg de fromage quotidien). Un excès d'eau en début d'automne implique de devoir rentrer les vaches la nuit, car (1) il fait trop humide et (2) le piétinement peut dégrader l'état des prairies.

- Céréales : la sécheresse de fin de printemps peut provoquer un risque d'échaudage important. Et difficulté d'implantation des céréales et prairies liés à l'excès d'eau à l'automne.

Pour lui, il s'agit de la succession des aléas sur une même année qui est difficile à gérer. Entre les fortes de chaleur, la sécheresse l'été, suivi d'un excès de pluie en automne, les conséquences sont importantes d'un point de vue agronomique, économique mais aussi social avec augmentation des pics de travail (au printemps, pour couper la luzerne avant ou juste après le gel, l'été pour l'affouragement…).

 

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques et illustrent les principaux enjeux climatiques à l'horizon 2050 pour lesquels des adaptations seront nécessaires.

Quatre indicateurs sont présentés pour la ferme :

Le gain tendanciel de températures moyennes permet d'accumuler plus rapidement le nombre de degrés jours nécessaire pour atteindre le seuil de redémarrage de la pousse de l'herbe. Ainsi, la précocification du redémarrage des prairies qui est déjà constatée va se poursuivre d'ici 2050.

 

L'atteinte du seuil de 1200 degrés jours initié au 1er février, correspondant au stade de la récolte des foins, va aussi connaitre une avancée de date par rapport à la période actuelle, avec ponctuellement des records de précocité lorsque les hivers/printemps seront particulièrement chaud comparativement à la normale.

 

Le déficit hydrique estival va continuer de se dégrader tendanciellement, renforçant les périodes de creux l'été pour les prairies, avec des redémarrages de pousse de l'herbe décalé plus tardivement en automne. Ainsi, les besoins d'affouragement estivaux devraient se renforcer d'ici 2050, avec ponctuellement des années particulièrement sèches avec de très importants déficits fourragers.

 

Les vaches laitières sont sensibles aux vagues de chaleur, notamment lorsque l'air est chargé d'humidité. Le graphique ci-dessus permet de quantifier le nombre de jours d'inconfort thermique des vaches lors de conditions climatiques défavorables (indice thermo-humique ou ITH). Il s'agit d'un nouvel enjeu climatique localement, avec en moyenne une quarantaine de jours par an défavorables aux vaches à l'avenir, pouvant atteindre près de 60 jours les années de plus fortes canicules.

 

Avez-vous mis en place des pratiques d'adaptation ?

Retour de Benoit Rozière : «c'est souvent l'enchainement des évènements climatiques qui a le plus d'impacts sur nos activités ».

L'année fourragère 2019 a été très compliqués dans le Massif central en général, notamment dans les zones d'altitude basées sur de la prairie permanente. En effet, on a eu la succession d'un printemps froid (Mai début Juin, période de démarrage de la pousse de l'herbe) et d'un épisode caniculaire fin juin, suivi d'un été chaud et sec. Les zones d'altitude ont eu des gelées début juin et des températures supérieures à 30°C deux à trois semaines après. De plus, la flore de ces prairies a un démarrage végétatif et un cycle qui s 'effectue après l'atteinte de degrés jours plus élevés que des prairies temporaires. On a alors un décalage de la pousse de l'herbe sur des périodes plus à risques en termes de sécheresse et d'excès de chaleur. Cette année-là, les 1ere coupe et la pousse de l'herbe dans les estives a été très mauvaise.

En 2020, sur la ferme, nous avons eu une 40aine de mm de pluie du 01 juillet au 20 Septembre. Ensuite, nous avons eu environ 350 mm de pluie du 20 Septembre à fin Octobre. Cet enchaînement a fortement compliqué les semis de prairies automnaux ainsi que le pâturage automnal.

 

Lutte contre les fortes chaleurs :

A court terme, pendant les fortes chaleurs, installation d'un chemin temporaire vers le sous-bois pour que les vaches aillent s'abriter. Le système d'abreuvement est prévu pour donner de l'eau facilement et en bonne quantité aux vaches. Si le point d'eau est trop loin de là ou elles mangent, mettre un point d'eau plus proche.

A long terme, mise en place de l'agroforesterie pour faire un microclimat dans la parcelle. Installation d'un pré-verger, plantation d'arbres intra parcellaires pour faire de l'ombre.

Essayer d'implanter des variétés et espèces semées moins sensibles au chaud : test du sorgho du soudan : en dérobé. Essayer de travailler une première coupe : assurer une bonne production avec sur-semis de prairie avec de l'avoine, vesce et pois que tu récoltes en immature. Tu boostes ta production en prairie : mais matériels spécifiques : inter-Cuma !

 

Lutte contre la sècheresse :

Optimiser le pâturage : Mise en place du pâturage tournant dynamique avec baisse en concentrés donc augmentation de la surface prairiale et diminution des surfaces en céréales : de 10 à 6ha, ça fait 3 ou 4 ha de pâture en plus, donc augmentation de la pâture !

Optimiser la fertilisation : Essayer de sortir le lisier en mauvais temps plutôt qu'en temps chaud pour éviter la volatilisation de l'azote

Optimiser la productivité du troupeau : baisser le taux de renouvellement : moins génisses à élever car elles consomment le plus de fourrage. Passe de 13/14 génisses à 8/10. Ça fait environ 20 T de foin économisé. Et avancer l'âge du premier vêlage à 2 ans et demi au lieu de 3 ans. Les génisses produisent donc plus tôt du lait

 
Lutte contre les fortes pluies et donc l'érosion :

Absence de sols nus sur l'exploitation. Problème d'érosion, donc problématique : Faire du TCS, avec arrêt du labour pour éviter l'érosion.

 

Autres mesures :

Se diversifier, trouver de nouvelles productions (agrotourisme, jus de pomme) pour compenser la baisse de la production laitière.

Diversification des ressources financières : augmentation de la production végétale avec un nouvel équilibre entre l'animal et le végétal. Par exemple : Culture de maraîchage, céréales à consommation humaine.

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/

 

Carte et point de grille de la Ferme de la Borie Haute

https://solagro-awa.netlify.app/fr/map/75086/yield-compilation

 

Mesures d'adaptation pour les grandes cultures

https://solagro-awa.netlify.app/fr/adaptations/animals/fodder-system-and-concentrates

Vidéos

Contact

Caroline Carette et Benoit Roziere

GAEC de la Borie Alte
12460 Saint Amans des Cots
Email : gaecdelaboriealte@gmail.com