De quoi parle-t-on ?
Une pratique ancestrale
L'association arbres et pâturage est une pratique ancienne qui existe depuis le Moyen-Age. La « dehesa » (mode d'exploitation agro-sylvo-pastoral) est encore largement développée dans la péninsule ibérique (4 millions d'hectares), où se conjuguent chêne liège ou chêne vert et production ovine, bovine ou porcine. L'association chênes, oliviers, arganiers, caroubiers et productions ovine et caprine au Maghreb en est un autre exemple. Les prés-vergers de Normandie et de l'Est en France associent quant à eux arbres fruitiers et élevage bovin laitier (100 000 hectares). Toutefois, le cas particulier du pré-verger ne sera pas traité dans cette fiche mais fera l'objet d'une synthèse technique à part entière.
Contexte : la mutation des vergers
Au cours des cinquante dernières années, différentes crises ont violemment touché les systèmes agroforestiers traditionnels (châtaigneraie, oliveraie et cultures d'arbres fruitiers). Les aides agricoles à l'arrachage, instaurées en 1953 ont contribué à la disparition progressive des prairies arborées françaises. Ce processus s'est accéléré depuis la mise en œuvre de la PAC en 1992, les aides directes aux cultures imposant une spécialisation des parcelles qui a conduit à l'arrachage des arbres. Ainsi, les vergers intensifs (basse-tige) s'imposent peu à peu comme modèle unique, les intrants (engrais et produits phytosanitaires) devenant moins onéreux. Les rendements augmentent, et les consommateurs voient une restriction de variétés proposées avec une évolution de leur goût (pommes plus sucrées et colorées), des fruits plus calibrés et d'aspect esthétique plus soigné. Les vergers se restructurent et avec cette mutation, le désherbage chimique du rang et de l'inter-rang se généralise.
Cependant, la pression sociétale concernant l'utilisation des pesticides en général, les exigences légitimes d'amélioration de la qualité de l'eau, vont conduire les acteurs de la filière à imaginer des méthodes alternatives au désherbage chimique des vergers. Les arboriculteurs sont conscients que ce sont en priorité les matières actives herbicides et leurs métabolites secondaires que l'on peut retrouver dans les eaux superficielles et souterraines (ex. : glyphosate…). Suite au Grenelle de l'Environnement en 2007, et notamment la mise en place du plan Ecophyto 1, une des mesures proposées vise à diviser par deux, si possible, l'usage de pesticides avant 2018, la recherche de techniques alternatives telles que l'enherbement du verger et le désherbage mécanique sont des pratiques envisagées et testées pour réduire l'utilisation des herbicides. Il s'avère que l'enherbement permanent du verger (s'il nécessite une adaptation en terme de conduite du verger (design de la parcelle, du système d'irrigation…), de matériel et équipement nécessaires à sa mise en place (investissement lourd) et de maîtrise technique quant à la prise en compte et à la gestion de la concurrence hydro-minérale entre le couvert et les arbres) offre également d'autres services aux arboriculteurs, tels que la facilité d'entrée dans les parcelles (meilleure portance) ainsi qu'une protection contre l'érosion des sols par rapport à un sol nu.
Actuellement, la quasi-totalité des vergers est enherbée au niveau de l'inter-rang, avec une gestion du travail du sol sur le rang soit chimique soit mécanique (intercep arbocep, méthode « sandwich », chaussage/déchaussage…). Certains arboriculteurs envisagent la mise en place de couvert non-concurrentiel sur le rang.
Ainsi, la recherche de méthodes alternatives au désherbage chimique sur le rang se poursuit aujourd'hui avec une réflexion en France métropolitaine et d'outre-mer, sur la réintroduction du pâturage sur ces surfaces de vergers enherbés.
Le Pâturage : une alternative au désherbage chimique ?
Cette pratique consiste à introduire un troupeau, au moins une partie de l'année, dans un verger ou un vignoble, afin d'y maîtriser l'enherbement spontané dans la plupart des cas, sur le rang et l'inter-rang.
D'autres objectifs associés à la maîtrise de l'enherbement peuvent être recherchés tels que :
- Réduire le nombre de passage(s) mécanique(s), et donc la consommation en carburant, puisque le pâturage va remplacer entre un et trois passages de gyrobroyage, de tonte ou de débroussailleuse (cas particulier des DROM-COM1, où l'objectif est également de réduire la pénibilité du travail).
- Réduire l'utilisation des traitements phytosanitaires et notamment celui des herbicides (sur le rang). Les animaux peuvent également avoir une action prophylactique non négligeable en consommant les fruits et les feuilles tombés au sol, porteurs d'inoculum (ascospores de tavelure2) ou de larves de ravageurs (carpocapse du pommier et du poirier3, mouches des fruits4).
- Créer un petit atelier d'élevage, et donc diversifier les productions sur l'exploitation. Selon l'élevage choisi, la diversification de gamme (production d'œufs ou de volaille de chair par exemple), est possible accompagnée d'une optimisation du foncier5.
Cette pratique peut se réaliser
- tout au long de l'année lorsqu'un arboriculteur a également au moins un atelier d'élevage,
- ou ponctuellement après la récolte et/ou avant la reprise de végétation de la vigne ou du verger lorsqu'un agriculteur fait appel à un berger pour entretenir le couvert.
Dans cette dernière configuration, un objectif de réduction du temps de travail pour le viticulteur ou l'arboriculteur est recherché par rapport à un travail de désherbage mécanique de l'inter-rang et du rang classique. Du point de vue de l'éleveur, il s'agit de nourrir ses brebis à moindre coût, entraînant une économie de la ressource fourragère (notamment hivernale).