Agroforesterie
LA DÉMARCHE
Les viticulteurs ont toujours souhaité donner une place importante à la biodiversité et à l'arbre dans l'exploitation et s'intéressent depuis 7 années à l'agroforesterie. Après avoir assisté à une formation organisée par Agroof et la chambre d'agriculture de l'Hérault, Catherine franchit le cap en 2018 en se lançant dans un projet de grande ampleur : la plantation de 3200 arbres et arbustes sur une quinzaine d'hectares (soit 3,5 km). Pour mener à bien ce projet elle a été accompagnée par Agroof, une société coopérative et participative (SCOP) spécialisée en agroforesterie. Le projet devrait s'étendre à l'ensemble des parcelles de l'exploitation au gré des replantations.
LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES
Les objectifs recherchés sont multiples :
- Favoriser la biodiversité, la faune sauvage, la régulation naturelle des ravageurs afin de réduire l'usage des produits phytosanitaires,
- Se protéger des excès climatiques et s'engager dans une démarche d'atténuation et d'adaptation au changement climatique (création d'un micro-climat protégeant les cultures et les agriculteurs des excès climatiques (protection contre les phénomènes caniculaires, contre les vents les plus forts, réduction stress hydrique),
- Préserver / accroître la qualité des sols,
- Créer un cadre de vie et de travail plus esthétique, accueillant et nourrissant.
Quelques principes clés mobilisés lors de la conception du projet agroforestier :
- Choisir des espèces adaptées aux caractéristiques locales. Pour la grande majorité, ce sont des espèces indigènes adaptées au climat méditerranéen. Face à la diversité des sols et des objectifs, près de 70 espèces différentes ont été sélectionnées de l'arbre au buisson. Parmi les espèces, on retrouve la ciste de Montpellier, pistachier lentisque, buis, églantier des chiens, viorne tin, nerprun alaterne, amélanchier à feuilles ovales, romarin officinal, lavandin ainsi que des espèces fruitières (cognassiers, figuier, abricotier, pêcher, pommier, plaqueminier)…
- Choisir des espèces pour favoriser la faune sauvage et les auxiliaires des cultures. Par exemple, les arbres de haut jet serviront de repères pour les chauves-souris. Les buissons à feuillage persistant ou marcescent permettront l'accueil des arthropodes (auxiliaires) pendant l'hiver. Les végétaux à feuillage caduc et la strate herbacée alimenteront la faune du sol. Le choix d'espèces à floraison et fructification étalée dans le temps (ou ciblées selon les périodes de carence) permet d'alimenter la faune sauvage dont certains auxiliaires de la vigne, dans l'objectif de réguler les populations de ravageurs.
- Laisser la flore spontanée se développer naturellement (ronce et lierre par exemple) et préserver certains arbres refuge (présence de cavités) qu'ils soient morts ou vivants (arbres têtards).
- Créer des corridors écologiques, connecter les différents habitats afin de favoriser le déplacement des espèces sauvages. Le projet agroforestier a été connecté à une mare récemment restaurée. Il est essentiel d'avoir une gestion des espaces refuge, qui soit la plus respectueuse possible des cycles biologiques de la flore (floraison) et de la faune (nidification…) locales.
- Aménager les parcelles en agroforesterie : adapter l'écartement aux potentialités de la parcelle. Dans la longueur de la rangée, les arbres et arbustes ont été implantés tous les 1 à 1,5 mètres. L'écartement varie de 13 à 16 rangs, ce qui représente 5 à 10 % de la surface de la parcelle. Les rangées en agroforesterie ont été implantées sur des parcelles en jachère ou en replantation. A l'exception d'une rangée de vigne, le projet agroforestier n'a pas fait l'objet d'arrachage. L'écartement minimal entre une rangée agroforestière et une rangée de vigne est de 3,75 mètres. Cet écartement permet d'optimiser l'espace tout en réduisant les risques de concurrence. Il est appliqué là où les sols sont les plus profonds et / ou aux côtés de haies composées par une majorité d'espèces à croissance lente, aux besoins en eau et éléments minéraux assez limités (espèces fixatrices d'azote).
Exemple d'écartement et de hauteur d'élagage (réalisé par Agroof).
9 parcelles concernées par le projet agroforestier (visuel réalisé par Agroof)
Aménagement d'une parcelle de 4 ha (visuel réalisé par Agroof)
Exemple de module de plantation mixant des arbres haute tige, demi tige et arbustes de toutes tailles (visuel réalisé par Agroof)
Main d'œuvre pour la préparation et la plantation
Un soin particulier a été apporté à la préparation du sol, aux choix des paillages et des protections anti-gibiers.
La plantation a mobilisé sur 2 journées, 15 à 20 élèves et 2 enseignants des lycées agricoles de Gignac et de Pézenas, 5 membres de l'équipe Agroof ainsi que les ouvriers agricoles de l'exploitation sur plusieurs semaines.
Modalités d'entretien
Les premières années, l'entretien s'oriente principalement autour de :
- La vérification du bon état sanitaire des végétaux mais aussi du paillage / la protection des arbres (contre lièvres notamment)
- L'arrosage : Réalisé principalement à la tonne à eau, généralement entre la première et troisième année, uniquement au besoin et de manière régressive. Au domaine de Massole, ils utilisent également un système d'irrigation goutte à goutte pour les parcelles très éloignées de l'exploitation et pour les fruitiers. L'irrigation est utilisée avec parcimonie afin de rendre les haies autonomes le plus rapidement possible.
- Pour les travaux de taille et d'entretien, on distingue :
- Les haies brise-vent : formation des plants par recépage (exemple de l'Érable de Montpellier). Catherine devra également investir dans un outil télescopique, comme un sécateur à perche pour les arbres de hauts jets.
- Les haies basses : peu d'entretien (écimeuse) car choix d'espèces méditerranéennes à développement lent (romarin, ciste, filaires,…). Les travaux d'entretien devront être réalisés principalement avant la période végétative, impérativement hors saison reproductive faune sauvage (La mesure de bonne conduite agro-environnementale (BCAE) 7 impose aux agriculteurs de ne pas tailler leurs haies entre le 1er avril et le 31 juillet et conditionne le versement des aides du premier pilier).
Montage du projet et financement
Le projet a été porté par Nadia Van Hanja, animatrice captages prioritaires, Etablissement Public Territorial de Bassin Orb et Libron. L'investissement a été largement subventionné par l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée Corse à hauteur de 80 % (hors main d'œuvre). Le domaine est situé en zone de captage prioritaire du Libron sur Bassan et le projet agroforestier a été réfléchi pour améliorer la qualité des eaux via la réduction des transferts de polluants.
Zoom sur la démarche proposée par Agroof – le témoignage de Daniele Ori
Conception du projet agroforestier et choix des espèces
Un projet agroforestier se construit d'abord en s'appuyant sur les objectifs poursuivis par les agriculteurs ; nous travaillons à les quantifier, hiérarchiser et leur faisabilité est étudiée à travers un diagnostic de ferme. Le choix des espèces et l'aménagement dans l'espace tient compte du contexte biophysique (flore spontanée et espèces cultivées via un inventaire floristique, micro-climat, analyse de sol, fosse pédologique, disponibilité de la ressource en eau, main d'œuvre et matériel disponible, savoirs locaux,…). Afin de garantir l'implantation d'espèces indigènes, les plants sont certifiés Végétal local, marque garantissant leur provenance locale ainsi que la diversité génétique. Il s'agit de proposer des espèces adaptées aux conditions pédoclimatiques, résistantes aux maladies et aux ravageurs et à la faune locale car faune et flore vont co-évoluer en créant des liens très forts.
Certaines espèces ont été choisies pour apporter des ressources nutritives aux pollinisateurs pendant des périodes difficiles : en fin de l'hiver (besoin de protéines pour se reproduire) et en période estivale (nourriture rare). Le noisetier dont les chatons apparaissent tôt dans la saison répond à une demande de pollen en sortie d'hiver. Les espèces comme le tilleul à grande feuilles (floraison fin juin - début juillet) ou le poivrier des moines à floraison tardive joue un rôle essentiel en fin de saison estivale. Des flores spontanées comme la ronce (floraison estivale et fourniture de fruits pour les oiseaux) et lierre (riche en nectar, floraison de fin septembre à fin octobre, fruits très caloriques) sont également des bons alliés.
Suivi du projet
Le projet sera suivi sur le plan technique pendant 5 années et scientifiques à moyen long terme des sur 3 axes principaux : la biodiversité, le microclimat et les arbres et arbustes fixateurs d'azote.
Points de vigilance
Il est souvent préférable de concrétiser un projet agroforestier en plusieurs phases notamment pour limiter l'impact sur la trésorerie et la mobilisation de la main d'œuvre.
Plants agroforestiers plantés en avril 2019 sur une parcelle de plantiers (21/05/2019)
Plants agroforestiers plantés en avril 2019 sur une parcelle en jachère (21/05/2019)
INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR
Economiques |
Agronomiques |
Environnementaux |
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Social :
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Difficultés rencontrées :
Le manque de main d'œuvre par rapport aux prévisions initiales que ce soit pour la préparation du sol ainsi qu'à la plantation et le report de financement d'octobre 2018 à janvier 2019 a engendré du retard dans la gestion de la vigne au printemps 2019.