Réduction des produits phytosanitaires

Réduire le nombre de traitement herbicides et la fertilisation azotée sur les céréales d'hiver peut être rentable pour les agriculteurs. C'est la conclusion à laquelle sont arrivés les 3 chercheurs basés au Centre d'Etudes Biologiques de Chizé, Rui Catarino (CNRS), Sabrina Gaba (INRAE) et Vincent Bretagnolle (CNRS). Une réduction de l'usage des herbicides et des engrais azotés ne se traduit pas nécessairement par une baisse de la marge brute, bien au contraire et cela est d'autant plus vrai que le niveau d'usage des intrants est élevé.

L'étude a porté sur une réduction volontaire des agriculteurs de leur fertilisation azotée et de l'usage des herbicides sur des micro-parcelles test situées dans leurs champs, les autres pratiques restant constantes. 55 champs appartenant à 23 agriculteurs dont 9 en agriculture biologique ont ainsi été suivi en 2013 et 2014 dans la plaine céréalière du sud Deux-Sèvres. Des suivis de flore adventice (diversité) et des estimations de biomasse adventice et de culture ont été réalisés dans les zones expérimentales. Les pratiques et les rendements de ces champs étaient aussi enregistrés.

Le rendement moyen des céréales à paille a été estimé à 63 qx pour les producteurs conventionnels et à 24 qx pour les producteurs bio. Cette baisse importante chez les bio (2,6 fois moins), généralement estimée à un facteur 2, s'explique notamment par la part du petit épeautre. Cependant malgré ce faible rendement, il a été noté une marge brute supérieure de 3% en bio comparativement au conventionnel du fait de prix plus élevé et de charges en intrants plus faibles.

Il n'a pas été relevé d'augmentation de rendement avec une fertilisation plus élevée que la moyenne, certainement due au fait que les rendements observés étaient proches de leur optimum. De même aucune corrélation n'a pu être montrée entre le rendement et le nombre de traitement herbicide ou le nombre de passages pour désherber mécaniquement en bio.

Pour ces 55 champs le rendement a été mesuré et il a été calculé une marge brute en retranchant les coûts opérationnels tels que la fertilisation ou le désherbage. Les résultats ont montré que les parcelles gérées les plus intensivement avaient une marge brute plus faible que les champs gérés avec un faible niveau d'intrants.

Pour s'assurer que ce résultat ne venait pas du type de sol, une expérimentation a été menée au milieu de la parcelle avec un carré non traité et non fertilisé, un carré non fertilisé, un carré non désherbé et un carré témoin. L'arrêt total de la fertilisation azotée seule entraine une baisse moyenne du rendement de 24,5% alors que l'arrêt complet de l'usage seul des herbicides entraine une baisse de 14%.

En conventionnel, pour les champs fertilisés en-dessous de 120 kgN/ha, on observait une baisse de rendement et de marge brute si l'on baissait la fertilisation ou les traitements herbicides. Par contre pour les agriculteurs fertilisants entre 120 et 140 kgN/ha la réduction des herbicides se traduisait par une augmentation de la marge brute. Au-delà d'une fertilisation de 160 kgN/ha (associée avec un IFT herbicide de 2,7), la réduction de la fertilisation azotée et des traitements herbicides améliore aussi la marge brute.

Au final il a pu être proposé une combinaison optimale des apports d'azote et des traitement herbicides pour optimiser les rendements et la marge brute. Il est ainsi apparu qu'une baisse de 25-30% des intrants était ainsi plus profitable avec une augmentation de la marge brute.

Cette situation peut s'expliquer par l'azote résiduel dans le sol : 69,2 kg/ha en conventionnel et 36,6 en bio, la faible différence de la densité d'adventices (45 /m2) entre les champs témoins et les champs avec une réduction des traitements herbicides et le rôle majeur de la culture qui a elle seule réduit plus de 65% de la biomasse adventice.

Pour les exploitations bio il a été montré que le désherbage mécanique pouvait être réduit de moitié sans impact sur la marge brute.

Les conclusions de cette étude ont initié un autre projet consistant à réduire la fertilisation azotée et les traitements pesticides sur les bordures de parcelles. En effet ces bordures sont souvent moins productives que le centre des parcelles et contiennent plus de plantes adventices. Deux stratégies peuvent être utilisées : soit intensifier les pratiques pour pallier au moindre rendement soit au contraire les extensifier. En effet les bordures de parcelles peuvent devenir des réservoirs pour des pollinisateurs du colza ou du tournesol, ou d'insectes auxiliaires pour l'ensemble des cultures. Augmenter leur abondance en réduisant les intrants pourrait ainsi bénéficier à la production dans le reste de la parcelle ou dans les parcelles voisines. Afin de le tester, une expérimentation en collaboration avec des agriculteurs volontaires est en cours depuis l'automne 2017 à l'échelle d'une rotation. Il leur a été proposé de réduire leur traitement pesticide et leur fertilisation azotée sur la bordure de leur choix et à la magnitude qu'ils souhaitaient (au moins 30%). Les analyses préliminaires indiquent que cette réduction d'usage d'intrants n'affecterait pas le rendement des bordures en céréales d'hiver et en tournesol, ou seulement de manière marginale. Les effets sont plus variés en colza.

En Angleterre, une étude en ferme expérimentale a été menée. Elle consistait à l'arrêt total de la fertilisation azotée et des traitements herbicides et insecticides sur une largeur de 9 m. Cet arrêt s'est traduit au bout de 3 à 5 ans par une augmentation des rendements de 3 à 5% et de la marge brute de la parcelle de 5% à 9%.

Source :  Rui Catarino, Sabrina Gaba et Vincent Bretagnolle. 2019.  Experimental and empirical evidence shows that reducing weed control in winter cereal fields is a viable strategy for farmers. Scientifc Reports