Produire avec la nature : lavandin, blé, sainfoin, olivier et outarde canepetière
"Concilier production agricole et nature", c’est le témoignage de Laurent Bouvin, installé depuis 1996 avec Geneviève Auric sur le plateau de Valensole.
La ferme comprend aujourd’hui 90 ha avec de la lavande et du lavandin (environ 37 ha), des oliviers (6 ha) et des céréales panifiables (blé tendre de force, grand épeautre, seigle) en rotation avec du sainfoin, du tournesol et de l’ers. Les plantes à parfum sont amenées à prendre plus d’importance au regard de la meilleure rentabilité de cet atelier par rapport aux céréales. Le blé dur a été progressivement abandonné pour des raisons climatiques et à cause d’un besoin élevé en azote, et la surface en tournesol a été diminuée du fait des printemps trop secs.
Après être passé en bio en 2006, avoir produit la première bouteille d’huile d’olive en 2009, l’exploitation est aussi passé au semis direct en 2012. Le sainfoin est ainsi semé sous couvert de blé.
Enfin, à l’exception des huiles de lavandin et de lavande, toutes les productions sont aujourd’hui valorisées en circuit court.
Le virage a été important pour cette reprise d’exploitation familiale conventionnelle basée essentiellement sur le lavandin et le blé dur comme une majorité de fermes sur le plateau.
La production en bio, l’enherbement des oliveraies et la part importante du sainfoin dans l’assolement ont amené des conditions très favorables pour la reproduction de l’outarde canepetière qui se reproduit sur la ferme et dont il reste moins de 10 couples reproducteurs sur le plateau. Une vraie réussite qui concile biodiversité, qualité de vie, qualité des produits et revenu. La protection de l’outarde est soutenue par le Parc Naturel Régional (PNR) du Verdon et la mise en place d’une MAET sur les surfaces en sainfoin avec la contrainte d’une interdiction totale d’intervention du 1er mai au 31 juillet.
Photo de l'outarde canepetière
La rotation est généralement de 6 ans : sainfoin pendant trois ans, blé tendre, tournesol et enfin orge d’hiver. Les plantations de lavandes-lavandins restent une dizaine d’années en place et alternent avec les cultures arables. L’ers, légumineuse annuelle, permet l’ajustement des rotations. …). Pour les lavandes et lavandins, laurent Bouvin développe depuis 2014 des techniques où seules les lignes de plantation sont travaillées, à la manière des techniques de « Strip-till».
Le sainfoin est privilégié à la luzerne plus productive pour plusieurs raisons. Le sainfoin est une légumineuse riche en tannins condensés et à l’avantage de ne pas être météorisant. Il est moins productif et moins pérenne que la luzerne (faible production des repousses et plus faible pérennité), mais il est plus tolérant à la sécheresse et a une croissance plus importante que la luzerne sur des sols pauvres en phosphore. Il est aussi plus résistant au froid. Il s’installe facilement, même dans des conditions difficiles (sol pierreux, peu profonds, défriche...) et valorise particulièrement bien les sols calcaires et secs de ce plateau de Valensole.
Le foin est vendu à des éleveurs. Cette ferme fonctionne sans intrants et sans animaux grâce aux légumineuses et aux faibles exportations (restitution des pailles de céréales et de lavandin après distillation).
Une préparation superficielle soignée du sol demeure encore souvent indispensable pour permettre l’implantation des cultures dans des parcelles parfaitement désherbées. Pour les grandes cultures, avec un néo déchaumeur correctement réglé, nous procédons à un ou plusieurs scalpages des chaumes, des couverts spontanés, des faux semis et des légumineuses.
La généralisation du semis-direct constituerait un aboutissement de la démarche.
Concernant nos rendements en bio, ceux du tournesol au sec sont comparables à ceux de nos voisins en conventionnel (env. 12 qx/ha), ceux des céréales sont presque inférieurs de moitié. Mais les marges nettes sont supérieures pour toutes les cultures arables. Concernant les oliviers, nos arbres sont encore jeunes et continuent de croître ; leurs rendements deviendront à terme comparables à ceux en conventionnel.
Le chiffre d’affaires avoisine actuellement les 100 000 € dont 40 000 € d’huiles essentielles, 26 000 €, l’huile d’olive et 8 500€ de tournesol.
Situation de l’outarde canepetière en France
Concernant l'outarde il faut bien avoir en tête que dans la zone atlantique ses effectifs sont passés de 6400 mâles chanteurs en 1980 à 313 en 2016. Hors zone méditerranéenne (2142 mâles), l'espèce a disparu du Grand-Est, de Bourgogne-Franche-Comté, d'Occitanie, en Ile de France. Elle est encore présente en petits effectifs en Indre et Loire, en ex-Poitou-Charentes, en Maine et Loire et dans le Rhône.
L'habitat actuel de l'outarde en France correspond à des espaces agricoles ouverts dédiés à la polyculture- élevage (mosaïque de végétation : cultures / prairies / jachères) et peu intensifs, en secteur de plaine. L'évolution de ce milieu de vie est totalement liée à celle de la politique agricole commune, en relation avec la qualité des sols, les contraintes locales (disponibilité en eau) et les débouchés régionaux (luzerne pour l’élevage caprin par exemple).
L'outarde canepetière fait l'objet d'un troisième plan national d'action 2020-2029.
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/PNA_outarde_canepetiere.pdf
Voir le témoignage détaillé https://www.produire-bio.fr/temoignages/genevieve-auric-laurent-bouvin-ppam-grandes-cultures-olives-alpes-de-haute-provence/
Ecouter le podcast de France Inter https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/co2-mon-amour/co2-mon-amour-du-dimanche-21-mai-2023-3759999
https://www.parcduverdon.fr/fr/agriculture-et-foret/le-projet-regain