Intensification des pratiques agricoles - première cause de disparitions des plantes messicoles

C'est le constat porté par une étude parue en novembre 2019 dans la revue « Agriculteurs, Ecosystems and Environnement ».

L'engagement a été pris par la France de stopper la perte de biodiversité d'ici 2020, faute de l'avoir tenu en 2010. Cette étude vient à point pour proposer des pistes d'actions.

Ce travail a été mené en 2014 et 2015 sur le Causse Méjean et le Causse de Sauveterre où l'agriculture est orientée vers la production ovine pour la viande et pour le lait. Les terres labourables ne représentent que 10 à 20% du paysage dominé par des parcours et des boisements. 94 champs ont été suivis sur deux ans dont 41 situés dans des fermes biologiques.

Ces grands Causses sont reconnus pour leur grande richesse floristique, notamment les plantes messicoles présentes dans les champs de céréales à pailles (blé, orge, triticale, petite épeautre, seigle). En effet, 56 plantes messicoles, ont été observées sur 109 espèces messicoles de la liste nationale (103) auxquelles ont été ajoutées 7 espèces supplémentaires de la liste régionale. On peut réellement parler de « hot spot » des plantes messicoles.

Un index d'intensité des pratiques agricoles a été calculé sur la base des modes de désherbage (0 = pas de contrôle, 1 = désherbage mécanique, 2 = utilisation d'herbicide), de l'origine des semences (0 = semences fermières, 1 = semences certifiées), la pression d'azote chimique et organique, la part des céréales dans la rotation et la diversité des cultures. Plus la note est élevée et plus l'intensité des pratiques est forte.

Les apports moyens d'azote sont de 73 unités en conventionnel auxquelles s'ajoutent 61 unités d'azote organique comparativement à 80 unités d'azote organique utilisées en bio. Le nombre moyen de traitement herbicide est de 0,3 en conventionnel et le nombre de désherbage mécanique est de 0,4 dans les deux cas. Pour les 3 autres indicateurs aucune conclusion n'a pu être montrée.

Malgré la très faible intensité des pratiques agricoles sur les Causses, il a été possible de mesurer des impacts sur une flore particulièrement sensible, les plantes messicoles.

Environ 20,6 espèces ont été observées en moyenne par ferme et 11,3 par parcelle. Ceci suffit à démontrer la très haute valeur naturelle de cette agriculture. En effet si l'on se réfère aux données du réseau de surveillance « Biovigilance Flore », piloté par l'ANSES, 78% de 3323 parcelles suivies en France entre 2002 et 2007 ne contiennent aucune plante messicole.

Romearia hybrida

 

Seuls quelques régions du Sud-Est comme l'Embrunais, ou le Lubéron peuvent rivaliser avec cette richesse naturelle.

La mise en relation de l'index d'intensité des pratiques avec l'abondance et la richesse spécifique en plantes messicoles, montre clairement que l'intensité des pratiques réduit l'abondance et la richesse spécifique dans le cœur des parcelles.

L'utilisation d'herbicides est la principale cause de cette réduction, alors que le désherbage mécanique aurait plutôt un effet positif.

Les exploitations biologiques présentent un index d'intensité des pratiques beaucoup plus faible en moyenne. Sur 29 espèces présentant des différences d'abondance, 23 présentent une abondance plus élevée en bio.

Les espèces messicoles les plus menacées sont aussi celles qui sont les plus sensibles au changement de pratiques agricoles.

Cette étude, comme d'autres précédemment, montre aussi que les plantes messicoles sont plus abondantes dans les bordures des parcelles du fait d'une densité de semis moindre et de pratiques moins intenses.

Ainsi plusieurs pistes se dégagent de cette étude pour contribuer à l'objectif national de stopper la perte de biodiversité.

  1. Maintenir ces systèmes de polycultures – élevage à Haute Valeur Naturelle, utilisant peu ou pas d'intrants.
  2. Soutenir l'agriculture biologique dans ces hauts lieux de biodiversité pour maintenir durablement les plantes messicoles les plus rares et les plus sensibles (Adonis flammea, Androsace maxima, Asperula arvensis, Buplevrum rotondifolium, Ceratocephala falcata, Consolida regalis…)
  3. Réduire l'usage des herbicides, voir les abandonner
  4. Maintenir des bandes non traitées et non fertilisées de 3 à 5 m autour des champs de céréales.

 

À voir aussi :

Source : Fonderflick J., Besnard A., Chardès M-C., Lanuzel L. , Thill C. et Pointereau P.2019. Impacts of agricultural intensification on arable plants in extensor mixed crop – livestock systems. Agriculture, Ecosystems and Environment.