Races locales en sauvegarde : le porc gascon extensif suivant le cahier des charges de l’AOP Noir de Bigorre
LA DÉMARCHE
Les étapes d'élevage en système naisseur-engraisseur
LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES
La saillie contrôlée
Le porc gascon faisant l'objet d'un plan de sauvegarde de la race, les accouplements ne se font pas au hasard. Pour gérer les saillies, il est nécessaire de se référer au livre généalogique de la race et de se baser sur les coefficients de parentalité pour choisir un verrat pour une truie.
Concrètement, les truies sont mises à la reproduction par lots de 7 maximum pour un verrat. Les truies sont mises à la reproduction entre 4 et 6 jours après le sevrage des porcelets de leur dernière portée. Pour réaliser cette saillie contrôlée, la ferme est équipée d'un coin appelé « gestantes ». Chaque truie est isolée par l'éleveuse qui scanne la boucle électronique pour relever ses informations généalogiques et pour saisir les données relatives à la nouvelle saillie. La truie est ensuite orientée vers le bon verrat.
L'objectif est d'avoir 4 classes d'âge différentes chez les verrats de façon à avoir des verrats de corpulences différentes et adaptées autant à des truies plus âgées et plus grosses qu'à des truies plus jeunes et moins grosses.
La gestation des truies sur parcours enherbés
Pendant la gestation, les truies sont en extérieur sur les parcours enherbés. Le chargement est de 12 truies par hectare. Les truies ont des cabanes paillées pour s'abriter et un point d'eau pour s'abreuver. Deux parcours de 2ha et de 1,5ha sont dédiés aux truies en gestation.
Les truies en gestation sont gérées en 3 bandes de 10 à 14 truies. Sur la ferme, l'objectif est qu'il y ait toujours 3 bandes à 3 stades différents : une en maternité, une à la saillie et une en milieu de gestation.
La durée de gestation est de 113 jours et une truie fait au minimum 2 mises bas par an.
Les mises-bas et l'allaitement en logettes individuelles sur paille
Les truies rentrent dans le bâtiment de maternité 8 jours avant la mise-bas. Chaque truie est dans une loge individuelle paillée de 4m2 dans laquelle elle peut se déplacer librement. En hiver, quand la température dans le bâtiment est trop basse, des chauffages individuels sont installés au-dessus de chaque truie et allumés la veille de la mise-bas.
Lorsque la mise-bas a eu lieu, les porcelets peuvent se réfugier dans la niche à porcelets protégée et chauffée en hiver au sein même de la logette.
En été, le maternité est bien ventilée car orientée est-ouest avec possibilité d'ouvrir les portes des deux côtés.
Les porcs sont sevrés à 33 jours minimum.
Chaque truie donne en moyenne 7 porcs sevrés / portée soit 14 porcs sevrés par an.
Pour éviter les diarrhées des porcelets :
La terre des taupinières des parcours est récupérée et distribuée aux porcelets. L'ingestion de cette terre de taupinière ainsi que d'argile bloque les diarrhées chez le porcelet.
Le sevrage
Le sevrage est réalisé en 2 fois pour les 10 à 14 truies qui sont en maternité afin d'assurer des saillies contrôlées. Les truies sont en chaleur dès 4 jours après le sevrage. Le fait de sevrer en 2 fois permet donc de mettre à la saillie jusqu'à 7 truies maximum en même temps, ce qui est réalisable avec un seul verrat.
Le premier lot de 5 à 7 truies est mis au verrat lorsque les porcelets ont atteint l'âge de 33 jours. Lorsque ce premier lot a été sailli, le deuxième est mis à la reproduction à 34 ou 35 jours.
Le post-sevrage
Après sevrage entre 33 et 35 jours, les cochons sont mis à part dans un bâtiment paillé. Toutes les portées sont mélangées (entre 70 et 100 cochons). Les jeunes cochons restent en bâtiment sur paille au minimum jusqu'à l'âge de 3 mois.
Cochons pour l'engraissement sur les parcours de la ferme
La majorité des cochons nés sur la ferme seront ensuite engraissés sur les parcours enherbés de la ferme. Les porcs destinés à être engraissés sont gardés jusqu'à l'âge de 4 à 5 mois en bâtiment sur paille. La durée de présence en bâtiment est ajustée en fonction de la disponibilité des parcours. Dès qu'un parcours se libère, les porcs sont sortis et seront ensuite engraissés 100% en extérieur.
Cochons vendus pour l'engraissement ou la reproduction
À l'âge de 3 mois, une partie des porcs peut être vendue en tant que reproducteurs ou pour l'engraissement. Cela ne concerne en général qu'un seul lot de 70 à 100 porcs maximum (1 ou 2 lots par an). La vente d'un lot pour l'engraissement ou la reproduction se fait selon la demande et en cas d'indisponibilité des parcours pour l'engraissement sur la ferme.
Cochons pour le renouvellement
Une partie des porcs sont gardés pour le renouvellement. Une quinzaine de cochettes sont gardées chaque année pour assurer le renouvellement des truies. Un parcours de 0,5ha est dédié aux cochettes de renouvellement. Chaque cochette gardée doit être identifiée et validée par une commission du Ligeral (livre généalogique des races locales de porcs). Cette commission est composée d'un éleveur et d'un technicien.
Les cochettes sont sélectionnées sur les 3 critères suivants :
- La généalogie : selon le coefficient de parenté avec les verrats de la ferme pour éviter la consanguinité sur les 4 à 5 générations précédentes.
- La famille : il existe une trentaine de familles différentes de porcs gascons chacune identifiée par un numéro. L'objectif est de toujours conserver une diversité de familles sur la ferme (5 familles différentes).
- L'esthétique : elles doivent correspondre physiquement au standard de la race. Parmi ces standards on retrouve notamment les oreilles en port de casquette. De nombreux autres critères sont vérifiés comme la finesse des pattes, la souplesse des aplombs ou le nombre de tétines (12 au minimum) …
Le renouvellement des verrats est assuré grâce à une verraterie collective gérée par un éleveur du collectif. Afin d'éviter la consanguinité, les verrats ne sont pas en auto-renouvellement. Un verrat sélectionné dans la ferme est envoyé à la verraterie collective pour aller dans un autre élevage. En retour, un verrat d'une autre ferme est intégré dans l'élevage.
L'engraissement sur parcours enherbés
A partir de l'âge 4 à 5 mois, les porcs sont sortis sur les parcours de la ferme et ils y restent jusqu'à l'âge de 12 à 14 mois. Ces parcours doivent obligatoirement faire l'objet d'une procédure d'identification par l'INAO.
La ferme compte 9 parcours validés pour un total de 400 places à l'engraissement sur 20ha.
Les parcours sont de tailles variables et peuvent accueillir entre 16 porcs (0,8 ha d'herbe) et 85 porcs (4,25ha d'herbe). Les lots de 70 à 100 porcs en post-sevrage sont donc redivisés en plusieurs lots sur différents parcours. Un vide sanitaire de 2 mois est réalisé entre 2 lots de porcs au pâturage.
Les services de l'INAO valident les parcours pour une durée de cinq ans. En cas de modification d'un parcours sur cette période, il est nécessaire de la faire valider par l'INAO (réunion de 2 parcours ou découpage d'un parcours par exemple).
Le chargement instantané est de 20 porcs / hectare d'herbe. Il peut être revu à la baisse sur certains parcours moins portant en période très humide.
Sur chaque parcours, les cochons ont accès à une cabane paillée pour s'abriter. Les cabanes sont paillées une fois par mois. Un point d'eau fixe pour l'abreuvement est également présent sur chaque parcours ainsi que des nourrisseurs remplis 1 à 2 fois par semaine.
La moitié des besoins alimentaires des porcs à l'engraissement sont couverts par les ressources naturellement présentes sur les parcours et majoritairement par l'herbe, puis les glands et autres fruits (pommes, poires, …)
Les cochons ont également à disposition des aliments concentrés en libre accès distribués 1 à 2 fois par semaine. Le mélange distribué est composé à 81,5% de céréales (blé et/ou triticale) à 16% de féverole (protéine) et à 2,5% de CMV. L'alimentation est obligatoirement non OGM. Les cochons régulent leur alimentation comme ils le veulent. La quantité distribuée dans la semaine varie de 17 à 20 kg par porc (soit 2,5 à 2,8kg par cochon et par jour). Cette quantité dépend de l'âge du cochon et de la quantité de ressources naturelles présentes sur le parcours. Les quantités de concentrés distribués sont plus faibles lorsqu'il y a beaucoup d'herbe au printemps ou lorsqu'il y a beaucoup de glands en hiver.
Gestion de la flore sur les parcours
Conformément au cahier des charges de l'AOP, pendant la présence des porcs, la surface réellement couverte avec un tapis d'herbe doit représenter au moins 75 % de la surface du parcours, hors sous-bois. Les 25% restants sont potentiellement non couverts à cause du piétinement, à proximité des nourrisseurs et des cabanes notamment.
Le faible chargement et le vide sanitaire de 2 mois permettent, la plupart du temps, une régénération naturelle de la prairie sans nécessité de réaliser de sur-semis et sans fertilisation (interdite par le cahier des charges de l'AOP).
Les parcours sont constitués d'une flore naturelle variée comprenant entre autres du plantain, de la fétuque, du lotier, du trèfle blanc et du pissenlit.
Lorsqu'il est nécessaire de réaliser un sur-semis, les espèces suivantes sont implantées : trèfle blanc, trèfle violet et fétuque. Le dactyle est trop couvrant et pas appétant pour les porcs. La luzerne ne résiste pas au piétinement.
Les parcours sont broyés 2 à 3 fois par an pour gérer les refus. Au moins 2 fois au printemps et éventuellement une autre fois si nécessaire.
Les arbres jouent un rôle important sur les parcours
Près d'un quart de la surface des parcours est occupée par des arbres (bois et haies). Dans les années 1980, des haies avaient été arrachées au moment du remembrement et de l'intensification de la production céréalière. Un travail important de replantation d'arbres sur la ferme a été réalisé et continue de l'être. Chaque parcours doit être bordé par des haies sur les parties ouest et nord-ouest. Cela fait partie des critères de sélection par l'INAO. Aujourd'hui, Sophie et Laurent vont plus loin que ces exigences et ont pour objectif de planter des haies en bordure de chaque parcours, sur les parties sud et est. Cet objectif est partagé par les éleveurs du collectif qui ont à cœur de boiser au maximum les bordures de parcours.
Depuis leur installation, Sophie et Laurent ont replanté 2,7 km de haies champêtres et 800 m d'alignements d'arbres en bordure de parcelle entre 2005 et 2021. Ce travail de replantation est mené en partenariat avec l'association Arbres et Paysages 65 basée à Puydarrieux.
Les haies bordant les parcours sont composées des espèces champêtres suivantes : cornouiller, viorne, charme, noisetier, prunellier, pommier, poirier, chêne, noyer, alisier et frêne, …
Les arbres isolés, les haies et les bois jouent un rôle important sur les parcours en rendant trois principaux services :
- Une protection contre le soleil en été pour une race de porc qui n'apprécie pas la chaleur
- Une protection contre le vent
- Une source de nourriture (glands, pommes, poires, racines)
Les haies sont protégées par des clôtures.
Le porc gascon Noir de Bigorre, une race locale adaptée à la vie sur parcours enherbés
Le cahier des charges de l'AOP noir de Bigorre précise « C'est un porc marcheur avec des pattes fines et des aplombs souples, bas sur pattes. Il est totalement adapté à la vie en parcours, sur des terrains pouvant être pentus. Sa rusticité est remarquable, avec une capacité à supporter des variations climatiques et alimentaires importantes, et à accumuler rapidement des réserves lipidiques lorsque la nourriture est abondante. Il supporte mal la chaleur et le vent, ce qui oriente le choix des parcours, avec notamment la présence d'arbres pour l'ombre, et/ou de haies. Il est capable de valoriser des milieux difficilement cultivables (forêts, landes, prairies en pente forte) tout en les entretenant. »
Lorsqu'il est à l'engraissement sur les parcours, le porc noir de Bigorre peut aller chercher jusqu'à 50% de ces ressources alimentaires dans le parcours lui-même (essentiellement de l'herbe). Les porcs gascons peuvent consommer jusqu'à 2,9kg d'herbe par jour.
Tous les parcours sont clôturés avec des clôtures doubles de façon à empêcher les contacts groin à groin entre porcs et sangliers pour éviter l'intrusion de virus dans l'élevage (peste porcine ou grippe porcine). Les bâtiments de maternité et de post-sevrage se situent dans une enceinte hermétique aux animaux sauvages (panneaux pleins).