Cadre réglementaire et statut juridique des semences paysannes

produire et commercialiser ses semences

Privées de statuts juridiques, écartées des centres de recherches, les semences paysannes ont été longtemps confinées et considérées comme une simple « ressource phytogénétique ».

Néanmoins, une poignée de paysans, appuyés par quelques chercheurs, institutions, associations, tentent depuis plusieurs années de remettre ces variétés dans les champs et les greniers !

Depuis le début des années 2000, le Réseau Semences Paysannes (RSP) accompagne les paysans et milite pour la reconnaissance scientifique et juridique des semences et des pratiques paysannes. Le RSP édite régulièrement une veille juridique sur les semences.

A l'heure actuelle, une semence paysanne issue de variété population n'a pas les mêmes droits que celle issue de l'industrie semencière. Deux grands domaines régissent l'utilisation et l'échange de semences :

les droits de commercialisation et le droit de la propriété intellectuelle.

Pour cultiver, échanger ou encore commercialiser une variété, toute semence doit appartenir à une variété inscrite au Catalogue Officiel des espèces et variétés (depuis sa création en 1932), hors espèces qui ne sont pas encore réglementées comme par exemple le petit épeautre.

Pour qu'elle soit inscrite au Catalogue, une nouvelle variété doit répondre aux critères de la propriété intellectuelle pour permettre sa protection par un Certificat d'Obtention Végétal (COV).

Pour que les droits de propriété intellectuelle soient respectés, la création du COV (1967) accorde un monopole à l'obtenteur de commercialisation de semences de la variété inscrite au catalogue. Par la suite, ce certificat s'est étendu à la reproduction de la variété par l'agriculteur qui utilise ses semences de ferme.

Pour inscrire une variété au catalogue officiel, la variété doit être DHS :

  • Distincte de toute autre variété déjà existante et inscrite au catalogue officiel
  • Homogène : chaque plante est phénotypiquement et génétiquement identique aux autres
  • Stable : les plantes issues de chacun des lots commercialisés expriment ses caractéristiques telles que décrites au moment de son homologation.

Pour les cultures, l'enregistrement au Catalogue exige aussi le respect des critères VATE qui mesurent la Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale.

Un ensemble de plantes qui ne répond donc pas à ces critères n'est pas une variété mais un « cultivar » ou encore une « population ».

L'inscription au catalogue officielle représente 6000 € plus les frais de maintien au catalogue égaux à 2000 € soit un total de 8000 €.

Toute personne qui produit et commercialise des semences doit être enregistrée auprès des autorités compétentes. En France, l'État a délégué cette compétence au SOC (Service Officiel de contrôle des semences) qui est un service du GNIS (Groupement National Interprofessionnel des Semences).

« En définitive, les tests d'inscriptions au Catalogue sont rarement réussis. En effet, l'hétérogénéité des variétés et leurs caractères peu stables empêchent toute intégration des semences et de la plupart des variétés population et biologique au Catalogue Officiel.

Pour faciliter la compréhension de ce cadre réglementaire, le réseau FNAB a mis en place une foire aux questions dont les principales réponses sont présentées dans le tableau ci-dessous :

Ai-je le droit de vendre ou d'échanger des semences de variétés non enregistrées au catalogue ?

Il n'est pas possible de vendre ou d'échanger des semences de variétés non enregistrées si elles ont un usage commercial.

Toutefois, ceci est possible dans le cas où la récolte est autoconsommée ou si celles-ci sont destinées à la recherche, la sélection ou la conservation sans enregistrement au GNIS
Ai-je le droit de donner mes semences paysannes ? Le don et l'échange sont considérés comme des actes commerciaux et donc seules les possibilités décrites ci-dessus peuvent permettre de donner ou d'échanger des semences paysannes
Ai-je le droit de ressemer une variété protégée par un COV Il n'est pas possible de ressemer une variété protégée par un COV, sauf pour les 21 espèces* dérogatoires en payant des royalties à l'obtenteur. Les modalités de paiement de royalties ne sont définies aujourd'hui que pour le blé tendre.
Ai-je le droit de ressemer mes semences population ?  Les variétés non protégées par un COV peuvent être multipliées par les paysans sur leur ferme. Si toutefois cette variété est contaminée par une semence contenant un brevet elle sera alors considérée comme une contrefaçon.

Foire aux questions - Source : Recueil d'expériences du réseau FNAB sur les semences de population en grandes cultures, édition 2014

*21 espèces dérogatoires : Avoie, Orge, Riz, Alpistes des canaries, Seigle, Triticale, Blé, blé dur, Épeautre, Pomme de terre, Colza, Navette, lin oléagineux, à l'exclusion du lin textile, pois chiche, lupin jaune, luzerne, pois fourrager, trèfle d'Alexandrie, trèfle de perse, fèverole, vesce commune.

Un nouveau réglement européen sur l'agriculture biologique

Le 22 mai 2018, le Conseil des Ministres a adopté le nouveau règlement européen relatif à la production biologique et l'étiquetage des produits biologique. Ce règlement entrera en vigueur au 1e janvier 2021.

Il permettra la mise en place de deux dispositifs concernant les semences :

  • La possible commercialisation de « matériel hétérogène biologique »
  • Le concept de « variété biologique adaptée à la production biologique »

 

Matériel hétérogène

Le matériel biologique hétérogène, caractérisé « par une grande diversité génétique et phénotypique et présentant des caractéristiques phénotypiques communes », sera dispensé de d'inscription au catalogue officiel des variétés. Il ne sera pas dans l'obligation de répondre aux critères DHS, ni à aucun test VATE.

Il pourra être mis sur le marché moyennant une simple déclaration préalable.

Il suffira d'envoyer aux autorités compétentes une notification accompagné d'un dossier décrivant les caractéristiques agronomiques et phénotypiques du matériel ainsi que les méthodes de sélection, les parents utilisés, et le pays de production.

Toutefois, la commission européenne doit encore adopter des actes complémentaires précisant les normes minimales à respecter (identité du matériel, pureté spécifique, taux de germination, qualité sanitaire) ainsi que des règles d'étiquetage et d'emballage. 

Variété biologique adaptée à la production biologique

Il s'agit de variétés DHS mais caractérisées « par une grande diversité génétique et phénotypique et issues d'activités de sélection biologique ». Elles pourront être commercialisées sur le marché dans des conditions dérogatoires qui seront fixés ultérieurement par la commission européenne dans le cadre « d'une expérience temporaire » de 7 ans visant à évaluer les caractéristiques de ces nouvelles variétés et alléger les critères DHS en vue de de leurs inscriptions au Catalogue officiel.

Il est important de préciser que la définition de ces variétés biologiques décrite à l'annexe II, partie I, point 1.8.4 du règlement européen permettrait également d'utiliser les techniques faisant appel au génie génétique et donc les OGM cachés et les nouveaux OGM (Source : RSP, 2018)

 

Pour aller plus loin : https://www.semencespaysannes.org/semons-nos-droits.html

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