Intérêts, points de vigilance, pistes de discussions et avenir du biocontrôle

Intérêts

A ce jour, 54 % des usages de produits phytosanitaires peuvent être couverts par des techniques de biocontrôle, toutes filières confondues. Le biocontrôle dispose donc d’un très fort potentiel de développement. De plus, contrairement aux pesticides chimiques, on observe moins de phénomène de résistance des ravageurs face aux méthodes employées en biocontrôle. Effectivement, le biocontrôle se traduit généralement par la combinaison de plusieurs actions empêchant le développement d’une résistance. Par exemple, un insecte ne peut pas développer de résistance envers ses prédateurs. Toutefois, il faut rester prudent car la généralisation des produits de biocontrôle, tels que les agents microbiens et les substances naturelles, pourrait conduire à l’apparition de formes de résistance.

Concernant la santé, les produits de biocontrôles sont qualifiés de « moins nocifs » pour les agriculteurs, les riverains, et les consommateurs que leur alternative en produits phytosanitaires. La plupart des produits de biocontrôle sont peu toxiques et peu persistants dans la nature. Ainsi, ils sont moins susceptibles de contaminer gravement et durablement un milieu. Les risques liés à la manipulation, la pulvérisation et l’ingestion sont nettement moindre qu’avec les pesticides chimiques.

Dans le cadre de la lutte biologique par conservation des habitats, l’équilibre des écosystèmes, notamment vis-à-vis des autres organismes bénéfiques (pollinisateurs par exemple), est conservé, voire amélioré. Cette pratique tend à rétablir la biodiversité en recréant des écosystèmes riches, équilibrés dont les populations de ravageurs sont maintenues sous un seuil de tolérance.

Sur le plan réglementaire, le biocontrôle s’inscrit dans les objectifs gouvernementaux (plan Ecophyto 2+ qui vise -50% des produits phytopharmaceutiques d’ici 2025) ou encore européens (Pacte vert pour l’Europe) de réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Pour les agriculteurs, le biocontrôle réduit les contraintes liées au dépassement des LMR (Limite Maximale de Résidus), au DAR (Délai Avant Récolte) ou aux délais de rentrée sur sites traités.

 

Points de vigilance

Les principaux freins à l’usage des produits de biocontrôle sont l’efficacité, le coût de mise en œuvre et la formation des agriculteurs.

Concernant le coût du biocontrôle, les produits eux-mêmes ne sont pas forcément plus chers. Toutefois, entre l’achat du produit, le temps d’observation pour surveiller l’équilibre des populations et le nombre d’interventions nécessaires (au lieu d’une seule application de pesticide), le recours au biocontrôle coûtent souvent plus cher.

A propos de l’efficacité, elle dépend beaucoup de la maitrise des conditions d’utilisation, souvent complexes et multifactorielles. Les notions d’équilibre et de seuil d’intervention (propre à chaque ravageur et à chaque culture) sont deux notions primordiales à appréhender en biocontrôle. Par exemple, les petites parcelles ne sont pas propices à l’utilisation de la confusion sexuelle. La période d’application constitue un des critères fondamentaux pour atteindre sa cible avec une efficacité optimale. De nombreuses recommandations et exigences spécifiques existent : stade de développement, période d’activité (diurne, nocturne) ou encore cycle d’infestation du bioagresseur. La méthode d’application (matériel, mélanges à effectuer…) et les conditions climatiques (peu de vent, pas de pluie, hygrométrie entre 70% et 90 %) doivent également être rigoureusement respectée. En biocontrôle, il n’y a pas de produit systémique, chaque individu non traité peut reconstituer une population de ravageurs.

Toute ces exigences techniques nécessitent conseils, accompagnements et formations des agriculteurs qui bien souvent manque de moyens et de disponibilités pour en bénéficier.

Les produits de biocontrôles sont généralement sans impact majeur, mais leur production et leur utilisation en masse pourraient conduire certains organismes à devenir invasifs avec des effets encore inconnus sur les écosystèmes. L’utilisation d’organismes vivants pouvant se multiplier, se déplacer, coloniser d’autres milieux et créer des interactions positives ou négatives avec des organismes non-cibles rend toute connaissance scientifique ardue. C’est pourquoi il est nécessaire de connaître toute les cibles l’agent de biocontrôle afin de ne pas provoquer de proliférations incontrôlées ou impacter des populations non-cible. Les interactions d’auxiliaires de cultures sont complexes et ont des effets variés sur la biodiversité. Par exemple, les prédateurs généralistes peuvent consommer d’autres prédateurs et les microorganismes peuvent modifier de manière transitoire la biodiversité du milieu.

Les bactéries du genre Bacillus sont dotées de nombreuses propriétés agricoles. Elles aident notamment via la production d'antibiotiques, d'antifongiques et de substances entomopathogènes à la croissance des végétaux, l'activation de leurs défenses naturelles ou encore à leur protection contre différents bioagresseurs. Utilisées sous forme de spores, leur production et leur conservation se révèlent aisées et peu onéreuses. Bacillus Thuringiensis (Bt) par exemple, occupe la première place du marché mondial des biopesticides (50 % des parts de marché et 69% des surfaces certifiées en agriculture biologique). Bt se révèle très efficace puisqu’elle tue le ravageur ciblé en 2-3 jours grâce à l’utilisation de toxines. Si leur non-toxicité aigüe a été démontrée sur les organismes non-cible au cours d’une courte période, leurs effets sur le long terme (toxicité chronique) reste encore à prouver. De plus, leur accroissement dans l’air, l’eau et la nourriture lié à l’augmentation de leur utilisation représente des sources de contaminations potentielles pour les hommes et la faune. Bt est devenue en 2021 la première cause de toxi-infection alimentaire collective (TIAC) en France et 3ème au niveau européen.

C’est pourquoi, bien que souvent répertoriés comme « naturels », les produits de biocontrôle ne sont pas toujours sans risque toxique vis-à-vis des riverains et des consommateurs. Certains produits (soufre, cuivre, virus, bactéries…) peuvent avoir des effets indésirables s’ils sont ingérés en trop grande quantité par le consommateur. De plus, les résidus de produits issus du biocontrôle peuvent être difficiles à analyser car certains sont d’ores et déjà présents dans l’environnement et les données de contaminations des sols et de l’eau sont quasi inexistantes. A noter que les produits de biocontrôle ne sont pas systématiquement autorisés en Agriculture Biologique.

 

Discussions

L’impact éco-toxicologique des produits de biocontrôle est encore peu connu au vu de leur diversité et du manque d’études scientifiques. Les produits de biocontrôle, à l’exception des macro-organismes, sont soumis à l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). L’AMM vérifie les propriétés physico-chimiques de la substance, la qualité pharmaceutique, l’efficacité et la sécurité du produit sur ses usages autorisés (culture, dose d’application) et ses profils de risque pour la santé humaine et environnemental (toxicologie, résidus, persistance…). La plupart du temps, les substances naturelles ont une faible écotoxicité et une demi-vie assez courte. Leur persistance est limitée que ce soit dans l’environnement ou sur les produits alimentaires.

Cependant, bien que les molécules des substances utilisées soient présentes dans la nature et souvent faiblement écotoxiques, les risques pour la santé humaine et environnementale ne sont pas exclus. Dans le cadre de l’AMM, le rapport bénéfice/risque est évalué et pour la même indication, le rapport doit être égale ou plus favorable que les produits déjà disponibles sur le marché. La substance peut tout de même présenter des dangers. C’est le cas de l’abamectine ou encore du Spinosad qui présentent une toxicité équivalente à leurs homologues de synthèse. L’abamectine est une substance active insecticide et acaricide qui attaque le système nerveux et cause une paralysie puis la mort du ravageur. D’après une étude rétrospective sur cette substance, l’exposition professionnelle chez l’homme à l’abamectine peut être responsable de symptômes allant de la gravité mineure jusqu’au décès. Le Spinosad (insecticide) est autorisé en biocontrôle même s’il est reconnu responsable de toxicité sur les abeilles, la faune aquatique ou encore divers auxiliaires.

Notons aussi que le cuivre en concentration excédentaire a des effets phytotoxiques reconnus sur la croissance et le développement de la plupart des plantes. Cet effet se manifeste notamment par des chloroses et une réduction de la biomasse totale.

Les alternatives au produits phytopharmaceutiques mettent du temps à se développer. Toutefois, il existe des leviers d’accélération tels que la simplification des procédures d’homologation, l’obtention obligatoire d’un CEPP (certificats d’économie de produits phytosanitaires associés) par tous les utilisateurs ou vendeurs de pesticides et le développement des conseils et formations aux agriculteurs.