De quoi parle-t-on ?

D’après l’article L253-6 du Code rural et de la pêche maritime, le « biocontrôle » est défini officiellement comme l’ensemble des méthodes de lutte intégrée comprenant des agents et des produits qui utilisent des mécanismes naturels contre les bioagresseurs. Le biocontrôle fait donc partie de la protection intégrée dont le but est d’encourager les mécanismes naturels de lutte contre le développement des organismes nuisibles et de privilégier la croissance de cultures saines sans perturbation des agroécosystèmes. Elle a pour vocation de limiter les risques pour la santé humaine et l’environnement en se substituant partiellement ou complètement à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Par des méthodes préventives, curatives et de contrôles, la protection intégrée cherche un équilibre naturel des populations en maintenant les ravageurs en dessous du seuil de nuisibilité. L’observation et la connaissance approfondie du triptyque plante/bioagresseurs/produits ou auxiliaire est primordiale.

Les produits de biocontrôles sont classés en quatre catégories : macroorganismes, microorganismes, médiateurs chimiques et substances naturelles.

 

Les macroorganismes

Souvent issus des ordres hémiptères, neuroptères, coléoptères, diptères et hyménoptères, les macroorganismes sont d’une grande diversité et peuvent être difficile à identifier. Leur utilisation en méthode de biocontrôle consiste à favoriser leur développement en tant qu’ennemis naturels des ravageurs. Plusieurs interactions antagonistes existent :

  • Prédateurs : ils accomplissent leur cycle de développement en consommant plusieurs proies dont ils causent la mort ;
  • Parasitoïdes : il s’agit d’organismes, généralement des insectes, qui se développent aux dépens d'un seul hôte, ce qui finit par entraîner sa mort. Cet hôte leur fournit tout ce dont ils ont besoin pour se développer avant de devenir adultes
  • Parasites : il s’agit d’organismes qui vivent aux dépens d'un autre organisme (appelé l’organisme hôte) de manière permanente ou pendant une phase de son cycle vital. Les parasites tirent des nutriments ou des avantages de l’hôte et peuvent ainsi lui causer des dommages.

Il existe également la lutte autocide, aussi appelée la technique de l’insecte stérile, qui a pour vocation de limiter la fécondation par un phénomène de compétition : l’accouplement ne donne pas de descendance. Cette technique permet de réduire la population de ravageurs sur de grandes surfaces : plus le ratio mâle stérile / mâle fertile est élevé, plus son éradication est efficace.

L’utilisation d’organismes vivants pour lutter contre les bioagresseurs est une composante majeure du biocontrôle. C’est ce qu’on appelle la lutte biologique. Celle-ci se caractérise par la préservation, la valorisation et l’amplification (lâchers inondatifs) du rôle des organismes auxiliaires indigènes ou par l’introduction et l’acclimatation d’organismes auxiliaires exotiques. En effet, le contexte de changement climatique favorise la prolifération de nouveaux bioagresseurs « exotiques » qui arrivent sans leurs prédateurs. Pour éviter que l’utilisation de produits phytosanitaires apparaisse alors comme l’unique recours, il est possible d’identifier les macroorganismes auxiliaires, ennemis naturels de l’espèce considérée comme nuisible, de les exporter et d’en élever des populations. Les interactions antagonistes sont analysées et une stratégie de lâchers est définie afin de réguler avec succès les ravageurs. Une fois validée, la solution est déployée sur le terrain.

Via le site internet Herbea (https://www.herbea.org/fr/), Solagro promeut la lutte biologique dite par « conservation des habitats » qui consiste à créer et entretenir des infrastructures agroécologiques favorables aux auxiliaires des cultures. Cette pratique constitue un levier majeur pour la réduction des traitements phytosanitaires en agriculture.

 

Les microorganismes

Les microorganismes (bactéries, virus, champignons, protozoaires) sont utilisés pour limiter le développement de certains agents pathogènes du fait de leurs interactions antagonistes. Par exemple, dans le cadre de la lutte contre les adventices, certains microorganismes sont capables de provoquer des maladies ou encore d’inhiber la croissance ou la germination. Leur efficacité est souvent liée à la production de métabolites aux structures et aux activités variées. Plusieurs modes d’action existent et sont parfois combinés :

  • L’antibiose : production de métabolites secondaires toxiques pour le bioagresseur cible ;
  • L’hyperparasitisme : destruction via la colonisation des organes du bioagresseur après pénétration dans ses cellules (le microorganisme est un parasite du bioagresseur) ;
  • Compétition nutritive et spatiale : inhibition du développement par leur capacité à utiliser les nutriments ou l’espace nécessaire à la survie du bioagresseur ;
  • Interférence avec le pouvoir pathogène : effet direct en dégradant certaines enzymes obligatoires d’infection ou effet indirect en modifiant le milieu, ce qui empêche la mise en place des bioagresseurs ;
  • Modification des propriétés de la surface des feuilles de la plante : gêne le processus d’attachement, de croissance ou d’interférence du bioagresseur avec la plante ;
  • Induction de la résistance de la plante hôte : déclenchement d’un mécanisme de défense de la plante hôte grâce à la reconnaissance d’un éliciteur du microorganisme.

 

Les médiateurs chimiques

Les médiateurs chimiques régulent le comportement de nombreux organismes. Ils constituent des signaux de communication intraspécifique (phéromones) ou interspécifique (allomone, kairomone ou synomones). Il s’agit souvent d’une approche complémentaire à d’autres méthodes telles que l’usage de plantes de services attractives ou répulsives. Les médiateurs chimiques peuvent être issus de la synthèse chimique par reproductions des composants phéromonaux naturels.

On recense cinq types de phéromones :

  • Agrégation : ils attirent les individus sur un site de nourriture ;
  • Sexuelle : ils attirent les individus du sexe opposé pour la reproduction ;
  • Alarme : ils préviennent les individus de la présence d’un danger ;
  • Piste : ils signalent le chemin à suivre à leur congénère vers un site de nourriture ;
  • Hiérarchie : ils peuvent être source de changements physiologiques (par exemple chez les ouvrières si la reine d’abeille en diffuse).

Les substances allélochimiques correspondent à des médiateurs chimiques interspécifiques (allomones, kairomones et synomones). Ces médiateurs ont des effets d’attractifs ou de répulsifs alimentaires.

Prenons l’exemple de l’association oignon-carotte qui illustre une protection mutuelle avec un effet répulsif : la carotte repousse la mouche de l’oignon (Delia antiqua) et l’oignon repousse la mouche de la carotte (Psila rosae).

Le « push & pull » sur la culture de colza est une autre stratégie de lutte contre la grosse altise du colza qui combine répulsif et attractif alimentaire : de la féverole est associé au colza pour son effet répulsif sur l’altise tandis que les zones hors de la parcelle de colza sont enrichies avec du radis chinois pour son effet attractif de l’altise.

 

Les substances naturelles

Les substances naturelles sont souvent source d’inspiration pour les produits de synthèse. Elles regroupent des molécules variées plus ou moins spécifique à une cible. Toutefois, leur commercialisation nécessite de nombreuses recherches avant d’être autorisée : identifier les molécules, comprendre leur mode d’action, leur spécificité, identifier les effets non intentionnels, définir leur formulation et en mettre au point la production.