S’installer paysanne-boulangère sur 15 ha
Paysanne-boulangère, paysan-boulanger un métier d’avenir. Elles et ils sont nombreux à s’installer sur des petites fermes en bio pour faire plusieurs métiers en un : paysan, meunier, boulanger, voire bucheron pour alimenter le four à bois !
Laurence Guichard est l’une d’elle. Elle s’est installée en 2019 à Ayron dans la Vienne après 30 ans passés dans le développement agricole et la recherche.
Son système
Sa ferme s’étend sur 15 ha en polyculture : 4 à 6 ha de blé « paysans » variétés population et mélanges (Angoulême, Gatinais, Rouge de Bordeaux, Nonette de Lausanne, St Priest, Pétanielle noire de Nice…), le reste en légumineuses fourragères : trèfle violet, trèfle blanc, luzerne et sainfoin et 1 ha de verger de noyers. L’objectif principal est de produire 8 à 10 tonnes de blé pour satisfaire les besoins annuels en pain (production de 100kg par semaine), produire un peu de farine, en gâteaux et renouveler ses semences (environ 1 tonne par an). Les légumineuses fourragères entrent en rotation avec le blé et amènent l’azote à celui-ci. Elles sont vendues localement à des éleveurs de chèvres et de vaches en bio sauf la dernière coupe qui est laissée sur le champ. Un apport de compost de crottin de cheval d’un élevage voisin vient compléter la fertilisation organique. Le contrôle des adventices vivaces (rumex, chardon) reste un enjeu majeur.
Le choix des variétés de blés paysans est un point important du système : libres de droit, ces semences permettent de conserver l’autonomie du paysan boulanger. Mais ce sont aussi des variétés qualifiées « d’anciennes » qui permettent, par une productivité peu importante (une vingtaine de q/ha en moyenne) mais assez stable de gagner en robustesse. Et elles ont un comportement en végétation, avec leur port très haut (entre 1,2 et 1,6 m) qui aide à la gestion des adventives par étouffement. Enfin, elles développent à la panification des arômes très riches et subtils.
Son fonctionnement
Laurence réalise deux cuissons de 50 kg le vendredi matin, à partir de 3 heures du matin pour fournir un marché le vendredi en fin d’après-midi localisé à 15 km et un autre le samedi matin au village. Elle produit 4 types de pain au levain : nature semi-complet, pain aux noix, pain multi-graines et pain du mois ainsi que des pâtisseries (galette sèche, macaron aux noix, galette aux pruneaux, chouchous aux noix, crackers au fromage de chèvre). Les pâtisseries représentent aujourd’hui 15% à 20% du chiffre d’affaires « boulange ». Le pain bio nature au levain est vendu 4€/kg soit moins cher que la baguette traditionnelle que l’on peut trouver dans les boulangeries. C’est un choix « militant » pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès à un pain bio.
Le reste de la semaine est consacré à la production de farine fraîche nécessaire à la fabrication du pain, au fendage du bois produit sur la ferme pour assurer la chauffe du four à 2 reprises le vendredi, à la fabrication des pâtes à pain le jeudi (les pâtes fermentent de 12 à 18 h à température ambiante). Les pâtisseries sèches sont fabriquées le mercredi ou le jeudi. Reste dans les temps libres à s’occuper des cultures ! En automne s’ajoute la récolte et le séchage des noix des 100 noyers. La moisson est faite par entreprise. Le tri et le stockage est assuré par Laurence. Les éleveurs récoltent le foin
Laurence met aujourd’hui son fournil à disposition en début de semaine à deux autres futures paysannes boulangères, qui vendent leur production sur Poitiers le mardi soir. Ce projet s’insère dans le territoire dans un circuit alimentaire très court.
Découvrez en image l’histoire du pain paysan dans la vidéo qui suit : https://www.youtube.com/watch?v=fuAqT-NHNNk
Le pain est fait à partir des trois ingrédients simples, de la farine, de l’eau et du sel auquel s’ajoute un ingrédient clef, le levain, propre à chaque boulanger.
Ses résultats
Le chiffre d’affaires de Laurence est de 40.000€ par an comprenant 30 000 € pour la boulange (pains, pâtisseries et vente farine), 8.000 € de primes (DPB et conversion bio) et 2.000 € de vente de fourrage sur pieds.
Les charges sont d’environ 10.000 € par an (MSA, assurances, entreprise pour la moisson, achat de semences fourragères, achat de calcaire broyé pour les champs, carburant, ingrédients pour la boulange, amortissement tracteur et moulin, frais d’entretien). Le résultat courant avant impôt est donc d’environ 30.000 € par an qui permettent de se rémunérer et d’investir.
Actuellement Laurence prélève 1500 €/mois et va passer à 2000€. A noter la part des très faible des aides qui ne représente que 8.000€ pour un UTA et environ 30% du résultat.
Ce résultat est conforme avec les données du RICA qui donne pour les exploitations avec un produit brut standard de 25 à 100 k€ un revenu courant avant impôt (RCAI) par UTA non salarié de 22.000 € pour l’OTEX grandes cultures et 28 000€ pour l’OTEX céréales et oléagineux en 2021 (mais avec cependant moins d’aides PAC). Alors que les grandes exploitations de plus de 250 K€ de produit brut standard (PBS) ont un RCAI de 81.000 € et 109.000€ dont 30.000 € et 44.000 € d’aides PAC !
Le résultat obtenu par Laurence est permis grâce à une limitation des charges que ce soit en intrants ou par des investissements imités comme l’achat de matériel d’occasion.
Un des atouts de ce système est qu’il permet à des jeunes qui disposent de peu de capital de pouvoir s’installer. L’autre qui est pendant est que cette ferme est facilement transmissible.
Il dispose aussi d’un potentiel pour faire face à l’avenir : un prix du pain bas et un atelier de boulange sous-utilisé. Ainsi Laurence met aujourd’hui son fournil à disposition en début de semaine à deux autres futures paysannes boulangères, qui vendent leur production sur Poitiers le mardi soir. Ce projet s’insère dans le territoire dans un circuit alimentaire très court.