Jean-Pierre Theau Ingénieur d’étude INRA UMR AGIR
Jean Pierre Theau INRA de Toulouse, UMR AGIR travaille sur la caractérisation agronomique des prairies permanentes à partir de l'analyse des végétations. Il s'implique dans la conception d'outils de diagnostic à destination du développement ou des éleveurs. Ces outils visent d'une part à caractériser les végétations en place grâce à des relevés botaniques simplifiés, puis à évaluer les pratiques fourragères qui les valorisent.
Le rôle de la recherche
Les travaux de recherche de l'équipe se détachent des diverses approches regroupées sous le terme générique de pâturage tournant. « Ces approches sont souvent basées sur des principes communs définis par André Voisin : de l'herbe jeune, une rotation rapide, un chargement instantané élevé impliquant un redécoupage parcellaire». Ces approches vont dans le bon sens, « maximiser l'herbe pâturée pour limiter les stocks », même si les méthodes ou indicateurs utilisés (nombre de feuille des graminées, temps de repos, hauteur d'herbe, …) sont différents. Cependant, elles présentent à mon sens une lacune, c'est l'idée que les prairies permanentes ont des dynamiques de pousse très différentes et que celle-ci est dictée en grande partie par les végétations qui les composent. L'équipe de recherche, en lien avec des techniciens et des éleveurs, a développé une méthode de caractérisation agronomique des prairies basée sur une approche fonctionnelle des végétations naturelles. Ainsi, ce qui fait la productivité, la précocité ou la souplesse d'utilisation d'une prairie peut se lire dans ses espèces dominantes.
3 étapes clés apparaissent comme incontournables :
Évaluation de la ressource disponible afin de caractériser les dynamiques des végétations et leur potentiel productif en utilisant une méthode de relevé simplifié basée sur les graminées. « Par exemple, le ray-grass anglais ou les dactyles natifs sont des graminées précoces et productives mais dont la valeur alimentaire décroit rapidement sur la saison. Des graminées très communes comme les trisètes, les fléoles, les agrostis démarrent plus lentement, sont moins productives mais ont, grâce à leur tenue en stade végétatif plus longue, une meilleure souplesse d'utilisation. Pour nous, il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises prairies mais des végétations aux potentiels variables qu'il faut savoir lire et intégrer dans l'organisation du pâturage ou de la fauche.
Qualification des pratiques de pâturage et de fauche. Nous nous appuyons sur un relevé des dates d'exploitation de l'herbe que l'éleveur déclare, nous utilisons pour cela des abaques de conversion des dates en sommes de températures afin de confronter ce que l'éleveur fait, avec le rythme de développement des espèces dominantes de la parcelle.
Discussion avec l'éleveur sur l'adéquation entre ses pratiques et le potentiel de la sole en pâturage ou en fauche. Ces discussions ne doivent pas être vues comme des préconisations, mais plutôt comme une invitation au dialogue entre des éleveurs qui ont une expertise de leur prairie, qui les voient dans un cadre de contraintes d'exploitation large (éloignement, mécanisation, portance, …) et des techniciens qui cherchent à développer une nouvelle approche des végétations prairiales débouchant sur une perception différente de ce qu'est la prairie. Ces discussions peuvent amener à revoir le chargement saisonnier, la fertilisation, les dates de mise à l'herbe, de complémentation ou de fauche.
Liens entre la recherche et le monde agricole
L'équipe de l'INRA Toulouse est à l'origine de nombreux outils de développement de la prairie (hauteur d'herbe, sommes de températures, typologie fonctionnelle des graminées natives, Rami Fourrager, …). Parmi eux, Dialog est un outil de diagnostic du système fourrager sur les exploitations herbagères laitières. Cet outil, développé dans le cadre du Pôle Fromager Massif central est destiné à des conseillers agricoles, il a permis d'accompagner 600 éleveurs du Massif Central grâce à des financements France Agri Mer. Il est en cours d'adaptation pour les Alpes du Nord via l'association Ceraq et la Chambre d'agriculture de Savoie et du pays du Mont Blanc, son champ d'application devrait s'accroître. Il permet par enquête de prendre en compte l'intérêt de la diversité des végétations présentes sur une exploitation et de revoir les dates clés du pâturage et de la fauche avec l'éleveur.
Illustration du transfert de connaissance de la recherche vers le développement, Jean-Pierre Theau organise des formations pour les techniciens sur « les outils de gestion de la prairie » et sur « le diagnostic prairial à partir de la reconnaissance des graminées ».
Atouts et freins au développement de la pratique
Les systèmes maximisant le pâturage sont des systèmes économes s'inscrivant dans le domaine de l'agroécologie. Jean Pierre Theau constate un regain d'intérêt pour les systèmes herbagers et mentionne des limites d'ordre culturelle ou économique : « Il est parfois difficile d'accepter de produire moins pour gagner plus ».
La revalorisation des systèmes herbagers passera également par la caractérisation et la mise en valeur des services rendus par les prairies. Le projet ATOUS « Vers une approche territoriale de l'autonomie fourragère et des services écosystémiques » travaille actuellement sur ce sujet au sein des trois massifs laitiers AOP (Massif central, Alpes du Nord et Pyrénées atlantiques). Biodiversité, entretien des paysage, stockage de carbone, vie biologique des sols, les services rendus par les prairies sont multiples et il est grand temps de les mettre en avant pour le plus grand bénéfice des producteurs herbagers et des consommateurs.
https://agir.toulouse.hub.inrae.fr/equipes-et-membres/ils-sont-passes-par-ici