Des espèces et habitats naturels en mauvais état de conservation en Europe

D'ici 2030, la biodiversité de l'Europe doit être « sur la voie du rétablissement ». C'est du moins ce que prévoit la nouvelle stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité, mais les progrès réalisés ces six dernières années sont loin d'être suffisants, pointe un rapport de l'Agence Européenne de l'Environnement (AEE) publié le 19 octobre 2020 et le rapport spécial de la Cour des Comptes Européenne publié le 5 juin 2020.

La situation va même en s'aggravant concernant les habitats naturels : 81 % d'entre eux sont en situation dite « défavorable » sur la dernière période analysée (2013-2018), contre 77 % sur la période précédente, entre 2007 et 2012. « Les prairies, les dunes, les tourbières, les marais et les marécages présentent de fortes tendances à la détérioration », écrit l'agence, tout en notant des « tendances positives » pour les forêts.

Source supplémentaire d'inquiétude, les habitats importants pour les pollinisateurs, primordiaux pour notre biodiversité, ont un statut de conservation plus dégradé que les autres, relève le rapport.

Les populations d'oiseaux sont mal en point. Moins de la moitié (47 %) des 463 espèces d'oiseaux de l'UE présentent un bon état de conservation, soit 5 % de moins que pendant la précédente période 2007-2012. Parmi les espèces dont la situation est jugée mauvaise, on compte des espèces familières, comme le faisan, les perdrix, le coucou ou encore les faucons.

Les engrais et les produits phytosanitaires sont parmi les facteurs les plus impactants sur de nombreux habitats et espèces. Cela est particulièrement vrai pour les amphibiens, les insectes ou les oiseaux. Un rapport sur le suivi de 576 espèces de papillons (Sánchez-Bayo and Wyckhuys, 2019) a montré que 80% d'entre-elles sont affectées négativement par l'usage des engrais et pesticides. Toutes les espèces d'oiseaux insectivores sont aussi menacées comme le martinet noir (Apus apus). Là aussi les pesticides sont pointés du doigt (Mineau and Whiteside, 2013).

En ce qui concerne les habitats herbeux, principalement les prairies de fauche, les prairies à molinie et plusieurs types de formations herbeuses semi-naturelles, leur état de conservation enregistre une tendance à la dégradation, ce qui atteste de leur dépendance à l'égard de pratiques agricoles extensives qui sont toujours en déclin dans l'Union européenne.

Par rapport à 2015, les évaluations des habitats agricoles indiquent une dégradation générale de l'état de conservation : la proportion d'habitats dont l'état est jugé «favorable» a diminué de 14 % à 12 %, tandis que les évaluations «médiocres» sont passées de 39 % à 45 %. Seuls 8 % des habitats agricoles enregistrent une tendance à l'amélioration, alors que 45 % connaissent une dégradation. De nombreuses espèces d'oiseaux, de reptiles, de mollusques, d'amphibiens, d'arthropodes et de plantes vasculaires sont également touchées et la biodiversité des terres agricoles poursuit son déclin.

Cette évaluation de l'état de conservation constitue le bilan de santé de la nature le plus vaste et le plus complet jamais entrepris dans l'Union européenne. Elle indique que l'Union européenne n'a pas encore réussi à enrayer le déclin des espèces et des types d'habitats protégés dont l'état de conservation est préoccupant dans l'Union.

Cette situation d'une dégradation de la biodiversité en Europe et notamment dans l'espace agricole est corroborée par le rapport spécial de la Cour des Comptes Européennes publié le 5 juin 2020.

Il démontre que la politique agricole commune (PAC), malgré tous les moyens consacrés, n'est pas parvenue à inverser la tendance à la baisse que connaît la biodiversité depuis des décennies, et que l'agriculture intensive reste l'une des principales causes de la perte de biodiversité. Les auditeurs ont relevé des lacunes dans la stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l 'horizon 2020, ainsi que dans la coordination de cette stratégie avec la PAC. En outre, le suivi, par la Commission, des dépenses de la PAC consacrées à la biodiversité n'est pas fiable, et la majeure partie des fonds de cette politique a un impact positif limité dans ce domaine.

Si le «verdissement»  (paiements verts) et la «conditionnalité», étaient susceptibles d'améliorer la biodiversité, la Commission et les États membres ont privilégié des options à faible impact telles que les cultures dérobées ou les légumineuses. Les auditeurs ont également constaté que le régime de sanctions liées à la conditionnalité n'avait pas d'incidence manifeste sur la biodiversité. Seules les mesures les plus exigeantes du second pilier comme certaines MAEC et l'aide à la bio sont les plus susceptibles de préserver ou d'améliorer la biodiversité mais peu moyens y ont été consacrés.

Ces rapports mettent de côté les impacts de nos importations alimentaires comme la déforestation qu'entraine la culture du soja ou l'huile de palme. Le bilan est donc encore plus désastreux qu'il n'y parait.

Bref toute la copie est à revoir. La PAC n'est donc pas actuellement l'outil qui permettra de restaurer la biodiversité, et les directives habitats et Oiseaux ne semblent pas en mesure de faire face aux coups de boutoirs de l'agriculture intensive comme l'utilisation massive de pesticides ou la disparition des haies, des bosquets ou des praires humides.

La prochaine sera la dernière chance pour espérer éviter un déclin irréversible de la biodiversité en Europe qui se retournera contre l'agriculture en grippant ses processus productifs.

  • Sources :

Rapport spécial 13/2020: Biodiversité des terres agricoles: la contribution de la PAC n´a pas permis d´enrayer le déclin