Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Quels sont les aléas climatiques rencontrés ?

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)

  • Les températures annuelles :

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici une des dégâts sur les vignes et décale leur cycle de développement (voir plus bas). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C).

  • La sécheresse :

Nous avons ici les précipitations sur les deux périodes déclarées de sécheresse par Christophe Bousquet, de 1979 à 2020. Pour la période hivernale, on remarque effectivement une baisse tendancielle des précipitations, l'aléa de sécheresse déclaré par le viticulteur semble est bien illustré. Cependant, pour la période estivale, on remarque une légère augmentation sur les 40 dernières années. Les années déclarées en sécheresse par Christophe Bousquet (2016, 2017) apparaissent effectivement comme basses sur le second graphique.  Les graphiques ci-dessous séparent les mois de juillet et août : on remarque une augmentation des précipitations pour le mois de juillet mais une baisse pour le mois d'août. Ainsi, on peut supposer que la répartition de l'eau en été est irrégulière, avec plusieurs semaines en sécheresse, entrecoupées d'épisodes de fortes pluies.

Christophe Bousquet parle de gros orages récurrents. Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, les fortes pluies ont augmentées dans les 40 dernières années. Cela empêche la réentrée dans les champs, et peut favoriser le développement de mildiou si les températures sont chaudes (en été).

Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?

Pour les aléas de sécheresse et de fortes températures, la vigne a une évapotranspiration plus forte et plus longue à cause de la chaleur. Ainsi, elle a besoin de plus d'eau, qui n'est pas disponible, donc la plante est en stress hydrique plus longtemps qu'avant, dès mi-juin. La chaleur hivernale provoque une levée de la dormance dès février (1 mois en avance). Ainsi, le cycle végétatif est plus long, la chute des feuilles plus tardive, donc la plante a besoin de plus de ressources, notamment hydriques. Ensuite, les fortes températures estivales causent des dégâts de coup de soleil sur les feuilles et les grappes de raison, pour 10% de pertes de rendement environ. Les raisins sont ainsi plus sucrés, donc les vins plus alcoolisés (+1,5° en 20 ans). Enfin, le mildiou est favorisé par les températures estivales chaudes après les orages.

 

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système viticulture.

Quatre indicateurs sont présentés en lien avec le système de Christophe Bousquet :

  • Les températures et précipitations annuelles :

Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et les précipitations annuelles. On remarque une augmentation de la température et des précipitations plutôt constantes à l'horizon 2050. Ainsi, l'aléa de chaleur semble globalement avancer dans les 30 années à venir.

 

  • L'indice héliothermique de Huglin :

L'indice climatique viticole développé par Huglin (1978) est lié aux exigences thermiques des cépages et, également, aux taux potentiels de sucre du raisin. Dans le futur proche chez Christophe Bousque, l'IH évoluera principalement de la classe "tempéré chaud" à "chaud", ce qui implique des adaptations de cépages pour éviter des plus grandes pertes de rendement dues à la chaleur et des vins trop alcoolisés.

 

  • L'indice de fraîcheur des nuits :

L'indice de fraicheur des nuits (IF) est basé sur la moyenne de températures minimales nocturnes (Tn) pendant la phase de maturation du raisin, allant d'Août à Septembre. Il est étroitement associé à la qualité du vin (des nuits plus fraîches sont associées à une expression aromatique plus intense). Ici, l'indice de fraîcheur des nuits augmente à l'horizon 2050, rentrant dans la catégorie « Nuits tempérées » (14<IF<18).

 

  • Le déficit hydrique :

Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. Cet indicateur cumule les déficits hydriques journaliers entre début avril et fin septembre. Il caractérise la composante hydrique d'une région, fortement liée aux caractéristiques qualitatives potentielles du raisin de cuve et du vin. On remarque ici une augmentation tendancielle de ce déficit, avec l'intervention de "pics de sécheresse" parfois supérieurs aux valeurs déjà observées. Ainsi, l'aléa de sécheresse tend à augmenter dans les 30 prochaines années.

 

Quelles sont les pistes d'adaptation au Château Pech Redon ?

Contre la sècheresse et les fortes températures, Christophe Bousquet réfléchit à planter de nouvelles parcelles avec des cépages plus adaptés à la chaleur. Il teste déjà actuellement un cépage grec (Asertico) et un sicilien (Nerodavola) qui semblent plus adapté à un tel climat. De plus, le viticulteur est fondateur et président d'un GIEE pour l'évolution climatique et la gestion de l'eau. Ce GIEE a une réflexion sur l'implantation de nouvelles parcelles dans des endroits moins ensoleillés, ayant une meilleure fourniture en eau… Il travaille également sur l'irrigation et l'accès à celle-ci (par forages, réserves d'eau…). Enfin, Christophe Bousquet pratique l'enherbement du rang et de l'inter rang, technique qui lui permet de limiter l'évaporation de l'eau du sol, de garder l'humidité et de stocker plus d'eau durant l'hiver. L'été, cela ne représente pas une concurrence pour les vignes car l'enherbement sèche.

Pour les problèmes de mildiou, il serait peut-être intéressant de se tourner vers des hybrides résistants. Il sera peut-être nécessaire de changer les variétés rentrant dans le cahier des charges AOC La Clape, pour permettre d'introduire des cépages plus tolérants à la chaleur et la sécheresse.

Des techniques peuvent être adoptées pour éviter des dégâts sur les fruits : laisser plus de feuilles sur les vignes pour garder plus d'ombre, moins d'éclaircissage des grappes pour ne pas avoir des raisins saturés en sucre… Il serait intéressant d'implanter plus de haies sur l'exploitation, pour avoir de l'ombre et un effet coupe-vent (qui accentue la sécheresse).

 

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

  • Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/

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Christophe BOUSQUET

Château Pech Redon
11100 Narbonne
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