Pâturage tournant
LA DÉMARCHE
Historiquement en pâturage tournant avec un temps de rotation de 5 à 7 jours, Jean Baptiste assiste presque « par hasard » à une formation sur la mise en place du pâturage tournant dynamique (PTD) co-organisée par ELVEA 82 et Innov-Eco2. Séduit dès la 1ère journée, il se lance dans une gestion optimisée de l'herbe et dans l'aménagement de son parcellaire.
« Après 3 ans de recul, je peux dire que le bilan est plus que positif ».
LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES
« Je voulais sortir d'une logique, apports organiques en hiver, sortie des vaches tard sur une herbe à faible valeur puis broyage des refus ».
« Tout mon système est basé sur l'herbe. »
Définition du pâturage tournant dynamique
La technique de PTD vise à optimiser la gestion globale du système de pâturage. En augmentant le nombre de micro parcelles (moins de 1 ha), le PTD permet de modifier la vitesse de rotation des animaux afin de respecter en permanence le stade de développement des plantes et de leur permettre une repousse la plus rapide et la plus abondante possible, sans puiser dans leurs réserves. Ainsi au printemps pendant le pic de pousse, il n'est pas rare d'observer des temps de rotation de l'ordre de 18 à 22 jours, alors qu'à l'automne ils sont compris entre 35 et 40 jours. L'été parfois 60 jours. Les temps de présence des animaux sur les parcelles sont très courts (de 12 h à 3 jours maximum), ce qui maximise l'ingestion d'herbe. En effet, plus le temps de présence sur une parcelle est élevé, plus on observe un écart d'ingestion entre le premier jour et le dernier. Innov-Eco2
Le principe de base pour faire consommer au troupeau de l'herbe à un stade optimum : un chargement instantané élevé sur de petites parcelles (paddocks) et des temps de rotation adapté à la dynamique de pousse de l'herbe.
Mise en place du pâturage tournant dynamique
1 • Aménagement du parcellaire
- Surfaces de base et surfaces complémentaires
Le PTD débute sur des prairies situées à proximité de la ferme : 15,5 ha en prairies naturelles (20 paddocks) et 7 ha en prairies temporaires (8 paddocks) (surfaces de base). Les prairies naturelles sont gérées avec un système en clôtures fixes et les prairies temporaires en clôtures mobiles.
- Points d'abreuvement
Les points d'abreuvement sont pour l'instant limités, chaque paddock ne dispose pas encore de point d'eau. Par conséquent, des couloirs ont été aménagés pour y accéder. Dans quelques années, des points d'eau seront disponibles pour chaque paddock. Aujourd'hui, Jean-Baptiste Carrié n'a ni les moyens financiers ni le temps pour ce projet.
- Dessin des paddocks
La taille des paddocks a été adaptée en fonction de la taille des lots. Le chargement instantané est élevé de 48 à 56 vaches par hectare et le temps de rotation varie de 1 à 3 jours.
Les paddocks dont la taille varie de 0,75 à 0,9 sont dessinés de manière à favoriser une consommation homogène de l'herbe.
Mise en place du PDT sur des surfaces en prairies permanentes et temporaires
Surfaces |
Système de clôtures |
Temps de séjour |
Taille du paddock |
Chargement instantané |
|
---|---|---|---|---|---|
PN |
15,5 |
Fixes |
1 |
0,75 |
56 vaches / ha |
PT |
7 |
mobiles |
2 à 3 |
0,9 |
48 vaches / ha |
- Investissement
« Le PTD nécessite peu d'investissement. Cela équivaut à quelques tonnes d'ammonitrate mais l'investissement est amortissable sur plusieurs années ».
Coût de l'investissement pour les clôtures : 60 € / ha.
2 • Gestion du pâturage
- Généralement, la durée de pâturage s'étend de mi-mars à mi-novembre. En 2014, les vaches sont sorties 15 jours supplémentaires en décembre.
Un premier tour de déprimage très rapide débute tôt pour stimuler la pousse de l'herbe et ainsi faire davantage taller les plantes. Durant les périodes de transition, une faible complémentation en foin est apportée. Le PTD a d'abord lieu sur les surfaces de base (15,5 ha de prairies naturelles et 7 ha de prairies temporaires). En 2015, le 1er tour a duré 30 jours et le second 23 jours. Les parcelles fauchées et ensilées entrent ensuite dans le système de rotation du PTD. Tant que les prairies de fauches ne sont pas intégrées, la gestion est délicate.
Sur les autres surfaces en prairies, un pâturage tournant de 4 à 7-8 jours est mis en place.
- Le temps de repos des parcelles varie de 18 à 19 jours lors du pic de pousse de l'herbe à 60 jours durant l'été. « Grâce à cette gestion optimisée de l'herbe, je réussis à maintenir le pâturage l'été. Aujourd'hui, je fais plus de pâturage, c'est indiscutable. »
- Changement de paddock
Pour entrer sur une parcelle, l'herbe doit être à un stade 3 feuilles adulte. « A 3 feuilles, la plante contient suffisamment de réserve pour être pâturée et repousser rapidement. Cela fonctionne comme une pile. Ainsi, j'anticipe la pousse de l'herbe à 10 jours. »
Pendant une semaine au mois de juin, lorsqu'il fait chaud et que les pluies sont peu importantes, les animaux consomment du foin enrubanné (8 bottes) pour compenser le pâturage.
Au mois de septembre également, les vaches consomment du foin (environ 8 bottes également) en attendant la repousse de l'herbe. Les proportions sont donc 1/3 de pâturage et 2/3 de foin enrubanné.
Les prairies temporaires : des rendements en augmentation, des PT qui se « sanctuarisent »
Les rendements des prairies temporaires augmentant, Jean-Baptiste Carrié ne souhaite pas les renouveler. Il les caractérise de sanctuaire tout en ayant la volonté de maintenir une part de prairies temporaires sur son exploitation.
Caractéristiques des prairies temporaires :
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Composition des PT |
Observations |
---|---|---|
Au semis |
RGA, dactyle, fétuque. |
Remarque : le TB s'implante naturellement par la suite. |
Proportion actuelle |
TB : 25 % ; dactyle : 60 % et fétuque : 15 % |
Part des légumineuses en augmentation avec le PTD TB : très présent en été, bonne résistance au climat sec PTD : favorable aux espèces à croissance rapide (dactyle) |
En 2017, les rendements des prairies temporaires sont de 9t MS / ha. Ceci s'explique par des basses températures au mois d'avril ainsi que par un surpâturage en automne-hiver 2016. La pousse de l'herbe s'est donc vu diminuée entrainant une baisse des rendements
La gestion des prairies se fait également par « rechargement ». En 2017, deux parcelles d'un total de 2,5 ha de prairies temporaires ont été ressemées suite au gel et au surpâturage.
- Parcelle de 1ha : 10kg/ha
- Parcelle de 1,5 ha : 20kg/ha
En 2016, un mélange de 50% féverole et 50% d'un mélange de pois et de vesce a été utilisé pour ressemer une prairie. Le but de ce mélange est d'accroitre l'autonomie protéique de la ration.
Gestion de la matière organique
Avec un chargement élevé sur une petite surface, le PTD permet une répartition homogène des déjections animales.
A l'automne, 15 t / ha de fumier ont été apportées sur les prairies. L'éleveur souhaite faire l'impasse sur les épandages de fumier pour les années suivantes et a définitivement arrêté les épandages de lisier qu'ils réalisaient avant.
Gestion du stock de fourrage
Les stocks de fourrage sont utilisés pendant les 3,5 mois d'hivernage, lors des périodes de transition et en cas d'été sec (équivalent à un mois d'affouragement).
Des bénéfices multiples
- Sur les prairies :
- des prairies plus denses,
- une flore diversifiée et riche en légumineuses grâce à l'implantation naturelle du trèfle blanc
- des rendements en hausse : 2013 : 5,5 TMS /ha ; 2014 : 6,4 TMS/ha sur des parcelles uniquement pâturées sans apport de fumier ; 9 tMS/ha en 2017.
- Sur l'élevage :
- des vaches en très bon état pendant la saison de pâture,
- une meilleure croissance des veaux grâce à une quantité de lait disponible plus importante,
- une autonomie en fourrage accrue. Avant il manquait l'équivalent de 0,15 à 0,20 ha / UGB.
- Et le temps de travail ?
- Un investissement en temps au lancement du PTD lors de l'aménagement du parcellaire ;
- Au quotidien, le temps de travail n'a pas été impacté et les fonctions de l'agriculteur ont évolué. « C'est plus plaisant d'observer les prairies et la pousse de l'herbe que d'ouvrir et fermer des clôtures ».
« On devient plus libre et plus indépendant. On travaille sur un système où les marges de manœuvres deviennent plus importantes. On retrouve une certaine souplesse. »
Conditions de réussite
« Il faut avoir envie de s'investir dans la technique car c'est plus compliqué que l'ammonitrate. La réussite est basée sur l'acquisition de connaissances théoriques et l'appropriation de la pratique. »
Innov-Eco2 propose une approche en plusieurs étapes :
- une formation théorique de 2 jours,
- un diagnostic appliqué à l'exploitation et le dessin du PTD,
- un appui lors des premières années sur les pratiques.
ZOOM sur l'elevage de limousine
- 100 % en IA
- Achat des génisses de renouvellement à l'extérieur
- Dans une logique de diminution progressive du cheptel, Jean Baptiste Carrié diminue le nombre de génisses achetées pour le renouvellement.
- IVV : 362 jours
- Vêlage répartis sur l'année pour satisfaire les besoins du consommateur.
- Taux de mortalité : 8 à 11 % en moyenne (2014 : année noire 25 %) due à l'arrêt des vaccins et des antibiotiques). En 2017 le taux de mortalité diminue progressivement et atteint 15%.
Difficultés
Pour Jean-Baptiste Carrié, les difficultés sont principalement d'ordre culturel. « Les prairies ne doivent pas être trop rasées et la hauteur de gaine est à respecter. Plus la gaine est courte, plus la hauteur de feuille sera courte, c'est donc une perte de rendement potentiel. En faisant des expériences, on a la preuve que l'herbe repousse plus vite si la prairie n'est pas surpâturée. 2 à 3 semaines peuvent être gagnées en étant prudent. Cette technique implique de changer ses habitudes. Les erreurs sont nécessaires pour comparer deux choix de pratiques. J'ai finalement appris à anticiper la pousse de l'herbe. »
A la question, la pente est-elle une contrainte ? Jean-Baptiste répond qu'il a choisi les pires parcelles pour mettre en place le PTD et que cela fonctionne.
INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR
Economiques |
Agronomiques |
Environnementaux |
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Arrêt des apports de lisiers, impasse sur le fumier |
Social : Pas d'impact sur le temps de travail (sauf aménagement du parcellaire). Travail plus intéressant et valorisation (savoir-faire sur la gestion du pâturage). Image positive pour l'IGP |
Jean-Baptiste Carrié : le pâturage tournant dynamique
- Augmentation de la durée de pâturage,
- Augmentation des rendements,
- Suppression des intrants
- Amélioration de l'état du troupeau et de la qualité du lait...
Pour Jean-Baptiste Carrié, le pâturage tournant dynamique "c'est tout bénéf'"!