Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Quels sont les aléas rencontrés ?

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)

  • Les températures annuelles :

Bien que cela ne semble pas poser de problème à Philippe Guichard, la hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C).

  • L'excès d'eau :

Voici deux graphiques illustrant le cumul des précipitations sur les périodes déclarées comme excédantes en eau par Philippe Guichard. Pour les deux périodes, on note une forte variabilité interannuelle, et une augmentation tendancielle des précipitations sur les 40 dernières années.

 

Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?

Pour cet aléa d'excès d'eau, ce sont les cultures d'hiver de l'exploitation qui sont touchées. En effet, durant les périodes automnales, hivernales ou printanières excédantes en eau, certaines parcelles sont inondées. Les pieds des cultures pourrissent donc le rendement est fortement impacté. Il est déjà arrivé que les parcelles de blé tendre d'hiver restent une dizaine de jours sous l'eau au tallage. Cela a résulté à une récolte de 2 tonnes de blé en 2019, pour une potentialité de 10 tonnes (donc 80% de pertes de rendement). En 2020, toutes les parcelles de féverole (5,32 ha) ont pourri, réduisant la récolte à 0.

 

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système grandes cultures.

Quatre indicateurs sont présentés en lien avec le système de Philippe Guichard :

  • L'excès d'eau après semis :

Cet indicateur présente le cumul des précipitations durant le mois de Novembre, qui évalue donc le risque d'excès d'eau après le semis de blé. Une quantité d'eau stagnante entraîne un déficit d'oxygène pour la plante : or les premières étapes du cycle de développement (germination – levée) sont très sensibles à l'hypoxie. Plus ce phénomène d'ennoiement continu perdure, plus les impacts seront importants, du retard de développement jusqu'à la destruction des pieds au-delà de 10 jours consécutifs, notamment pour le blé. C'est donc un aléa critique pour le blé tendre d'hiver de l'exploitation. À l'horizon 2050 et d'après les projections, ces excès d'eau ne semblent pas évoluer par rapport à aujourd'hui.

 

  • Les températures et précipitations annuelles :

Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et les précipitations annuelles. On remarque une franche augmentation de la température, et une baisse des précipitations. Ainsi, si la sécheresse et la chaleur ne se font pas remarquer pour l'instant, les augmentations à l'horizon 2050 pourront peut-être poser problème.

 

  • L'indice de stress thermique du 15 mai au 15 juillet :

Cet indice est un dénombrement des jours avec des températures maximales strictement supérieures à 25°C de mi-mai à mi-juillet. Cette période englobe l'épiaison et la floraison des cultures céréalières, pendant lesquelles elles sont particulièrement sensibles au phénomène d'échaudage thermique, accident de croissance des grains. On remarque donc une nette augmentation de ce nombre de jours à l'horizon 2050, ce qui pourrait causer des pertes de rendement supplémentaires sur le blé de l'exploitation par échaudage, mais aussi des dégâts sur les cultures de printemps (soja, lentilles par exemple), sensibles aux coups de soleil en plein été.

 

  • Le déficit hydrique printanier :

Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. Ici, le graphique présente le déficit hydrique de la période printanière. Cela correspond également aux étapes de montaison puis de remplissage de l'épi de céréale, et de floraison pour le soja et la lentille, donc une période clé pour le rendement. Les légumineuses ont une forte sensibilité au stress hydrique durant cette période. On remarque que la tendance est à la baisse à l'horizon 2050, la sécheresse sera donc accrue, et de plus en plus tôt dans l'année. Aujourd'hui non ressenti par Philippe Guichard, cet aléa de sécheresse se fera donc sûrement de plus en plus problématique et il sera compliqué de mener certaines cultures sur l'exploitation.

 

Quelles sont les pistes d'adaptation au sein de la Ferme du Couderc Bas ?

Contre l'aléa d'excès d'eau, Philippe Guichard a tout d'abord arrêté l'irrigation de toutes ces cultures, même durant la période estivale. Après des périodes excédantes en eau, il s'autorise un labour la veille du semis, pour reprendre le sol et préparer un lit de semences correct. Comme mesure de rattrapage, Philippe Guichard a semé du pois chiche au printemps 2021, pour rattraper les parcelles inondées durant l'hiver 2021 (notamment sur les parcelles de féverole). Enfin, la diversification des cultures et des variétés sur l'exploitation permet de répartir le risque et de sécuriser un revenu (cela vaut pour cet aléa mais aussi de manière générale : sécheresse, chaleur…). Le blé à paille haute utilisé sur l'exploitation peut être un atout quand les excès d'eau sont tardifs.

 

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

  • Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/