Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Quels sont les aléas climatiques rencontrés ?

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)

  • Les températures annuelles :

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici un redémarrage de la pousse de l'herbe plus précoce (voir plus bas). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C).

  • La sécheresse :

Ce graphique présente le cumul des précipitations entre 1979 et 2020 sur la période déclarée de sécheresse par Jonathan Kirchner : juillet à octobre. On observe que la tendance des précipitations sur les 40 dernières années est à la baisse, et la variabilité interannuelle semble diminuer. Ainsi, la sécheresse observée par l'éleveur se prolongera sûrement dans les années à venir (voir plus bas).

 

  • L'excès d'eau :

Voici le cumul des précipitations sur la période déclarée comme excédante en eau par Jonathan Kirchner. On remarque une petite augmentation, qui reste assez modérée sur les 40 dernières années. Le graphique ci-dessous présente le nombre de fortes pluies annuelles (>25 mm par jour), qui ne semble pas augmenter. On remarque sur les deux graphiques que l'année 2019, qui avait été citée par l'éleveur comme critique, a été effectivement sujette à de fortes pluies. Ainsi, l'aléa d'excès d'eau tend à augmenter de façon modérée.

Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?

  • Pour l'aléa de sécheresse, les prairies de l'exploitation ont une pousse de l'herbe plus limitée durant les périodes sèches, qui peuvent durer plusieurs semaines. L'herbe sèche également. Cette sécheresse baisse le rendement des prairies, et la qualité de l'aliment. En effet, il y a moins de tallage, la montaison est plus rapide (donc la qualité nutritionnelle est moins bonne). Ainsi, les éleveurs peuvent réaliser moins de fauches. Aussi, les arbres des parcelles agroforestières voient leur croissance ralentie.
  • Fortes températures : Les fortes températures et le vent viennent accentuer les impacts de la sécheresse sur le rendement et l'état global des prairies.
  • Excès d'eau : Les excès d'eau ont un impact sur les méteils cultivés sur l'exploitation. Le plus gros problème est le décalage de date de semis. Si les exploitants n'ont pas réussi à semer avant les périodes de pluie, les semis peuvent se retrouver décalés à janvier. Il est parfois possible de complètement rater la date de semis. Dans ce cas-là, les éleveurs se retrouvent forcés à mettre en place une culture de printemps et donc d'attendre cette période pour semer. Les espèces du méteil sont donc différentes (en 2021, ce sont du pois et de l'orge qui sont semés en culture de printemps). Avec le piétinement des brebis, les sols humides s'abîment sur certaines parcelles. Pour contrer ceci, l'éleveur les rentrent plus régulièrement en bergerie, le temps de pâturage est donc réduit.

 

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système d'élevage ovin viande.

Cinq indicateurs sont présentés en lien avec le système de Jonathan Kirchner :

  • Les températures et déficit hydrique annuel :

Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et le déficit hydrique annuel. Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. C'est un bon indicateur pour caractériser la sécheresse. On remarque une franche augmentation des deux paramètres. Ainsi, les aléas de chaleur et de sécheresse semblent globalement avancer dans les 30 années à venir.

 

  • Le stress hydrique printanier :

Cet indicateur présente le nombre de séquences de cinq jours sans pluie entre Avril et Mai. Cette période risque de connaître de plus en plus de sécheresses, ce qui peut impacter la pousse printanière de l'herbe, donc des prairies sèches durant l'été. On remarque sur le graphique une augmentation du nombre de séquences de stress hydrique à l'horizon 2050. Ainsi, d'après ces projections, la sécheresse s'étendra au printemps dans les 30 années à venir.

 

  • La date de redémarrage de pousse de l'herbe :

Même si la date de redémarrage de la pousse de l'herbe est assez variable d'année en année, elle semble devenir plus précoce dans un futur proche, tournant autour de mi janvier. Cela est induit par la hausse des températures. Actuellement, les brebis sont en bergerie sur la période janvier-février. Il sera intéressant, pour ne pas perdre de valeur nutritive, de décaler ces agnelages pour sortir les brebis durant cette période. 

 

  • L'excès d'eau après semis :

Cet indicateur présente le cumul des précipitations durant le mois de Novembre, qui évalue donc le risque d'excès d'eau après le semis des méteils. Une quantité d'eau stagnante entraîne un déficit d'oxygène pour la plante : or les premières étapes du cycle de développement des céréales d'hiver (germination – levée) sont très sensibles à l'hypoxie. Plus ce phénomène continu perdure, plus les impacts seront importants, du retard de développement jusqu'à la destruction des pieds au-delà de 10 jours consécutifs. À l'horizon 2050 et d'après les projections, ces précipitations deviennent plus irrégulières et variables, avec une tendance à l'augmentation. Ainsi, les problématiques d'excès d'eau et de décalage de dates de semis poseront de plus en plus problème d'après ces projections.

 

  • Le stress thermique des animaux (Indice Température Humidité) :

L'Indice Température Humidité (ITH) évalue le couple température et hygrométrie pour déterminer le niveau de stress thermique des animaux. Sur ce graphique figurent le nombre de jours de stress thermique par an. Ainsi, d'après ces projections, l'évolution du climat local va faire augmenter le nombre de jours de stress thermique des animaux. Actuellement, cela ne semble pas être un problème sur l'exploitation (d'après les déclarations de Jonathan Kirchner), mais cela pourrait le devenir avec cette augmentation. Ce sont des jours où les animaux seront moins productifs en lait, et la croissance des agneaux ralentie.

 

Quelles sont les pistes d'adaptation au sein de la ferme du Garousset ?

  • Contre la sécheresse, Jonathan Kirchner sème des prairies et des méteils diversifiés. Un large panel d'espèces et de variétés est employé, ce qui permet de répartir le risque de pertes de rendement, car certaines plantes sont plus tolérantes aux conditions de chaleur et de sécheresse que d'autres. Les techniques culturales simplifiées et la couverture du sol permettent de garder l'humidité dans le sol et d'éviter l'évaporation. Enfin, l'agroforesterie permet un meilleur approvisionnement en eau.
  • Contre les fortes températures, le troupeau de l'exploitation profite de l'ombre apportée par les haies et l'agroforesterie.
  • Contre les excès d'eau, qui décale les dates de semis des méteils d'hiver, une solution de rattrapage adoptée par Jonathan Kirchner est de semer de cultures de printemps. En 2021, ce sont du pois et de l'orge qui ont été semés. Malheureusement, cela a un coût : 2000€ de semences. 

 

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

  • Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/