De quoi parle-t-on ?

Pâturage tournant, pâturage tournant dynamique, techno-pâturage, pâturage au fil, de nombreux termes existent. Comprenons ensemble les principes fondateurs ainsi que les éléments de distinction.

Un peu d'histoire

La conceptualisation du pâturage tournant est réalisée en France par André Voisin, ingénieur agronome et chercheur, auteur de l'ouvrage « Productivité de l'herbe » publié en 1957. En se basant sur le respect de la croissance de l'herbe, A. Voisin propose un système de rotation qui permet d'améliorer la productivité de l'herbe. Ainsi, le pâturage tournant cherche à optimiser la croissance et l'utilisation de l'herbe en déplaçant les animaux de parcelle en parcelle.  

« Une plante d'herbage est une plante qui est en mesure plusieurs fois, au cours d'une année, d'accumuler dans ses racines et les bases de ses tiges, des réserves suffisantes lui permettant après chaque coupe une nouvelle repousse. » (Voisin, 1957).

André Pochon, agriculteur et agronome breton a poursuivi la mise au point de systèmes basés sur la productivité de l'herbe, via notamment des travaux de recherche sur les prairies à base de trèfle blanc.

Le CEDAPA[1], fondé par ce dernier en 1982, puis le RAD dans les années 90, se sont emparés de ce sujet et ont largement contribué au développement de systèmes herbagers basés sur le pâturage tournant via des travaux de recherche, des publications techniques, des formations et l'accompagnement de groupes d'éleveurs.

Aujourd'hui le pâturage tournant est communément utilisé pour tout type d'élevage et de production (lait, viande, mixte) mais à des degrés d'intensité très variés.

[1] Centre d'étude pour un développement agricole plus autonome

Un principe fondateur : respecter la pousse de l'herbe

Le principe fondateur est de partir de la connaissance de la pousse de l'herbe afin d'adapter la pratique du pâturage, en tenant compte des besoins et des comportements des animaux.

 

Figure 1 Schéma de croissance de la pousse de l'herbe (RAD, CIVAM, 2010)

 

Entre 2 coupes, la croissance de l'herbe varie selon une courbe en S composée de 3 phases de croissance :

  • une première phase lente, pendant laquelle les réserves sont mobilisées,
  • une deuxième phase très rapide, l'augmentation de la surface foliaire étant favorable à la photosynthèse,
  • une troisième phase de ralentissement qui correspond à la constitution de réserves et à la fabrication de fleurs et de graines.

Cette courbe met en évidence la nécessité de pâturer l'herbe au bon stade. Si elle est pâturée trop tôt, la plante puise dans ses réserves et ses capacités de repousse sont affaiblies. Si elle est pâturée trop tard, l'herbe se prépare à épier et baisse en qualité. La digestibilité s'affaiblit et les risques de refus augmentent.

Optimiser son pâturage c'est pâturer au moment opportun une herbe en quantité et qualité.

 

Les principes de base du pâturage tournant sont les suivants :

  • Assurer un temps de repos minimum de la prairie pour lui permettre de reconstituer ses réserves et reprendre sa croissance
  • Ne pas dépasser un temps de présence maximum sur une même parcelle afin d'éviter le pâturage des repousses (surpâturage), et de mettre en danger la reprise d'une phase de croissance
  • Adapter le pâturage aux besoins des animaux (différents selon l'âge, l'espèce, la physiologie…)
  • Plus un animal pâture une même parcelle longtemps moins il a de nourriture en quantité et en qualité, et plus ses performances baissent
Des définitions communes
  • Surpâturage = l'herbe est trop pâturée, il ne reste pas suffisamment de surface de feuilles pour réaliser la photosynthèse nécessaire à une reprise de croissance rapide de l'herbe
  • Sous-pâturage = l'herbe n'a pas été suffisamment pâturée, elle atteint un stade d'épiaison qui la rend plus ligneuse, et de ce fait moins digestible par les animaux ; le risque du sous-pâturage est également que, seules les plantes les plus appétantes ayant été pâturées, les refus sont plus importants et plus difficiles à maîtriser
  • Paddock = subdivision de parcelle de prairie destinée à un pâturage tournant.
  • Repère d'entrée / de sortie : éléments visuels de la graminée qui indiquent lorsqu'il est temps de faire entrer / faire sortir les animaux de la parcelle.
Deux grandes approches différentes selon l'intensification

Ce qui diffère entre les pratiques est essentiellement lié à l'intensification de la production, pour une productivité optimale :

 

1) Le pâturage tournant

C'est la pratique vulgarisée par André Pochon afin de désigner un système de rotation basé sur le respect de la pousse de l'herbe et l'optimisation de sa productivité. Le système comporte une surface de base, pâturée en premier, complété par une surface complémentaire qui est en premier lieu fauchée. Les animaux restent sur une même parcelle entre 3 et 7 jours.

 

2) Le pâturage tournant dynamique (PTD), ou pâturage de précision, pâturage cellulaire, techno-pâturage

Dernier-né des concepts de pâturage, le pâturage tournant dynamique, vulgarisé actuellement par plusieurs organismes en France (Innov'Eco, PatureSens, ELVEA etc.), repose sur la division des prairies en parcelles de petites tailles, des paddocks ; un chargement instantané élevé et un temps de séjour des animaux court (entre 0,5 et 3 jours). L'objectif est de permettre une production d'herbe en quantité et en qualité, sur la plus grande période possible. Les stocks sont limités au maximum.

Selon les concepts, le repère d'entrée est lié au stade physiologique des graminées (3-4 feuilles) ou à la hauteur de l'herbe (évalué via un herbomètre). Il s'agit du stade optimal car correspond au stade végétatif où le niveau des réserves glucidiques des graminées - réserves localisées dans la gaine et les racines – est considéré comme élevé et où les racines ont été renouvelées en partie.  

Le temps maximal de pâturage d'un paddock est 3 jours. A partir du 4ème jour, les repousses ont atteint une hauteur suffisante pour être de nouveau pâturées et risqueraient d'être consommées en priorité, compromettant la reconstitution des réserves des plantes.

Le temps de repos, dépend des conditions climatiques et les espèces végétales présentes, et est adapté à la vitesse de repousse de l'herbe. Il varie généralement entre 20 et 40 jours.

Le pâturage tournant dynamique se distingue du pâturage tournant par la précision qu'elle permet d'atteindre sur la gestion globale du système de pâturage.

Le techno-pâturage est une variante du pâturage tournant dynamique qui associe le PTD à une conduite du pâturage en fil avant / fil arrière avec un système de clôture spécifique permettant de gagner du temps.

La technique du pâturage au fil peut être mobilisée de façon associée ou indissociée du pâturage tournant ou PTD. Cette technique permet d'offrir une herbe nouvelle tous les jours grâce à un fil que l'on avance dans la parcelle. Un fil arrière peut aussi être installé afin d'éviter que les animaux ne consomment la repousse de l'herbe.

Le PTD Herby développée dans le cadre du projet LIFE PDT est une méthode de pâturage qui respecte la pousse de l'herbe et repose sur 4 principes : (1) pâturer au stade 3 feuilles (2) ne pas pâturer la gaine, (3) pâturer un paddock maximum 3 jours et (4) adapter le temps de retour au temps de repousse.

(2)Leray et al, 2017. Présentation des différentes techniques de pâturage selon les espèces herbivores utilisatrices.

 

Aucun commentaire Ajouter un commentaire