Méthanisation

LA DÉMARCHE

La METHANISATION en quelques mots

La méthanisation (ou encore digestion anaérobie) est une technique basée sur la dégradation par des micro-organismes de la matière organique, en conditions contrôlées et en l'absence d'oxygène.

Cette dégradation aboutit à la production :

  • De biogaz, mélange gazeux saturé en eau et composé d'environ 55 à 65 % de méthane, de 25 à 45 % de dioxyde de carbone et de quelques gaz traces. Cette énergie renouvelable peut être utlisée sous différentes formes : combustion pour la production d'électricité et de chaleur (cogénération), production d'un carburant appelé GNV ou injection dans le réseau de gaz naturel après épuration ;

  • D'un produit humide riche en matière organique appelé digestat. Il est généralement retourné au sol comme fertilisant et ou amendement.

En fonction des matières traitées et des situations, on peut distinguer différents types d'unités de méthanisation. Dans le cas du GAEC des Charmes, on peut définir cette unité comme une unité de méthanisation rurale collective.

Une démarche collective

En 2012, 9 exploitations font plusieurs constats tant au niveau de leurs fermes qu'au niveau du territoire :

  • Plusieurs exploitations signalent leur déficit en fertilisants riches en élements minéraux ;

  • Des conditions de séchages des fourrages insatisfaisantes et donc la nécessité d'avoir un séchoir en grange efficace ;

  • Une forte activité forestière sur le territoire ;

  • Des élevages produisant un fort volume de biomasse valorisable.

Ces réflexions collectives offrent une opportunité économique et territoriale pour ces exploitations de développer un nouvel atelier autour de la méthanisation tout en préservant ceux existants.

C'est donc en 2015 que ces 9 exploitations se regroupent pour former l'association Méthacycle et monter un projet d'unité de méthanisation.

Dans le même temps, le projet est labellisé GIEE « la méthanisation : un outil au service de l'agroécologie et du développement durable ».

Ainsi ces exploitations ont répondu à l'autonomie alimentaire des élevages en implantant un séchoir en grange collectif multiproduits par la valorisation de la chaleur thermique du méthaniseur ; et celle en fertilisants par la production de digestats.

 

Le methaniseur de la SAS Methacycle

« Un long cheminement militant pour produire de l'énergie sur un territoire ! » - Jules Charmoy

Basée sur la ferme du GAEC des Charmes, la construction du méthaniseur s'opère en 2017. Le montage des pièces électriques et l'intégration du système de pompage s'effectue début 2018.

Un projet qui aura demandé 7 ans de délais entre le début de la réflexion en 2012 et la mise en service en mars 2019.

Le méthaniseur peut valoriser l'énergie par un moteur de cogénération de 300 kW permettant d'injecter de l'électricité sur le réseau électrique et de récupérer la chaleur pour les besoins d'un séchoir en grange, de bureaux et maisons individuelles, ainsi que pour les besoins du méthaniseur (digesteur et post digesteur). Le procédé de digestion anaérobie est de type infiniment mélangé. Le type d'agitateur est un paddle 5 en hélice. Le temps de séjour de la matière est de 200 jours dans le méthaniseur.

Digesteur sur le site du GAEC des Charmes

Energie produite :

Le gaz produit dans le moteur de cogénération est transformé en électricité et en chaleur.

En régime de croisière, l'électricité produite représentera 2 400 MWh / an et la chaleur thermique produite quant à elle est de 2 800 MWh.

Depuis sa mise en service le 19 mars 2019 , l'électricité produite représente 2 200 MWh.

La chaleur récupérée est de 1 000 MWh pour les besoins du digesteur et post digesteur. Pour l'instant, il n' y a pas de compteur de chaleur au niveau du séchoir et la chaleur récupérée n'est donc pas encore connue avec précision.

Les ressources du projet :

Le méthaniseur permet donc de valoriser les effluents d'élevage et les matières végétales des 9 exploitations impliquées dans le projet. Sont également valorisés les tontes de pelouses de la communauté de communes Isle-Vern-Salembre, les déchets de silo de céréales de la CORAB et le lactosérum de la fromagerie Le Chêne Vert.

NB : les tontes de pelouses seront abondonnées en raison d'une quantité importantes de plastiques dans les tontes.

La ressource prévue représente un peu moins de 11 000 tonnes qui alimenteront chaque année le méthaniseur. Le stockage des matières est réalisé au moyen d'une plateforme étanche.

2 exploitations apportent en complément des Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE).

Ressources prévues
Intrants Volume en T/an T N total / an KG N/T Digestat brut
Fumier bovin 3460 21 6

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Fumier de volaille 610 15 24

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Fumier équin 900 6 7

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Poussière de céréales 500 5 10

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Purins de bovins, eaux de ruissellement 3200 1 1

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Ensilage d'herbe (prairies de fond - fauche tardive - vieux prés)

1027 4 4

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Tonte de pelouse (retirée du projet car trop chargée en plastique)

100 - -

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Lactosérum 1200 1 1

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

TOTAL 10997 53 53

9000 m3 /an contenant

53 tonnes de N

Le digestat produit (résidu de la méthanisation) représente un tonnage de 9 000 T / an.

Le digestat est valorisé sur les terres des 9 agriculteurs partenaires soit 1000 hectares de SAU.

Le projet permettra d'éviter l'émission de 1 188 tonnes de CO2 par an et de créer 2 emplois directs.

Schématisation du processus de méthanisation de l'association Methacycle, SAS Methacycle - 2018

LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES

« Mes pratiques agronomiques en AB, la diversification des productions (cultures + élevages), la valorisation des produits du territoire, la dimension énergétique, couplés à la méthanisation permettent d'obtenir un cercle vertueux pour acquérir une certaine autonomie à l'échelle de la ferme mais aussi du territoire local ».

La méthanisation collective n'est pas seulement un moyen de produire de l'énergie, elle peut être également un outil agronomique et aussi de développement agricole, qui peut constituer un levier de la transition agroécologique au sein des territoires ruraux.

Maintenir l'élevage au sein d'un territoire :

=> Pour Jules, « la méthanisation est un des moyens de (re)mettre en perspective et en valeur l'élevage à l'échelle d'un territoire ».

Il permet d'associer des éleveurs, des céréaliers mais aussi des coopératives et fromagers et de mettre en place des systèmes d'échanges : paille / fumier – CIVE / digestat – fumier, purin vers le méthaniseur / digestat vers les exploitations.

De plus, le méthaniseur permet d'alimenter en chaleur un séchoir en grange. Ainsi les éleveurs du territoire peuvent relocaliser la production de fourrage et avoir accès à des fourrages de qualité et améliorer la production de la viande bovine locale. Le séchage de fourrages permet également aux exploitations associées de développer la culture de la luzerne (plus difficile à sécher que des graminées), et par voie de conséquence, d'allonger les rotations en introduisant une légumineuse comme tête de rotation et d'améliorer le fonctionnement agronomique des sols.

Autre avantage du séchage, les agriculteurs peuvent s'affranchir des conditions météorologiques lors des récoltes de fourrages qui peuvent être récoltés plus humides.

En plus des fourrages, la plateforme de séchage permet également de sécher plusieurs type de produits : céréales, bois et noix. Cette valorisation facilite le developpement des filières locales céréalières en agriculture biologique en lien avec la CORAB, celle du bois bûche combustible via la Coop Alliance Foret Bois, et celle de la filière noix également.

Bien que plusieurs éleveurs voisins aient arrêté leur activité d'élevage (pour des raisons économiques), le projet de méthanisation a permis de maintenir un peu moins d'une centaine d'hectares de prairies où Jules achète, ou échange l'herbe en contrepartie de l'entretien des prairies.

Etre autonome en fertilisants à l'échelle de l'exploitation : valoriser le digestat

=> Pour Jules, « le méthaniseur fonctionne comme la panse d'une vache ».

Outre la production d'électricité et de chaleur, le digestat produit permet d'éviter l'achat conséquent de fertilisants organiques pour les besoins des plantes en AB et accroitre l'autonomie des fermes partenaires.

Les systèmes en AB ont généralement des rendements faibles en raison de l'absence d'apports d'azote assimilable aux moments clés de la croissance des plantes.

Dans ce cas, la méthanisation offre une réponse intéressante en convertissant une partie de l'azote organique (fumier, purins, etc..) en azote minéral rapidement accessible par les plantes et donc une augmentation potentielle des rendements pour les fermes du projet. Dans le même temps, l'utilisation de digestat permet de répondre au manque initial des agriculteurs partenaires et de réduire leurs charges.

Le projet de méthanisation ne prévoit pas de séparation de phase. Le digestat est considéré brut pouvant être assimilé à un mélange entre la phase solide et liquide, bien adapté aux besoins des agriculteurs notamment en Agriculture Biologique.

La phase liquide contient essentiellement l'azote sous forme ammoniacale et participe à « nourrir la plante » avec les nutriments rapidement assimilables. Quant à la phase solide, elle permet de « nourrir  le sol », car elle contient la matière organique, l'azote organique, le phosphore et le potassium non solubles et biodisponibles.

Jules et ses associés ont préféré garder le digestat sous sa forme brut car les partenaires n'étaient pas équipés pour l'épandage de la phase liquide et solide.

 

Grâce à la CUMA, l'épandage se fait à l'aide d'un épandeur enfouisseur sans tonne pour éviter au maximum la volatilisation.

Cet équipement permet également de modifier l'épandeur avec la possible mise en place de pendillards.

 

De manière générale, Jules considère que le digestat participe à optimiser les performances de valorisation biologique, agronomique et agricole de la matière organique et permet de restaurer les sols avec un retour au sol d'une « matière vivante ». Ce substrat sera continuellement analysé et cela permet de conserver une parfaite traçabilité du digestat.

De plus, le type de sol dominant sur l'exploitation et le territoire permet une bonne valorisation du digestat. En effet, dans les sols à dominante calcaire, où le pH et la teneur en carbonate sont élevés, le phosphore est souvent moins disponible pour les plantes. L'apport de digestat peut couvrir également les besoins en phosphore des cultures dans ce type de sols.

Les ressources entrantes représentent un volume de 10 897 tonnes / an et une quantité d'azote égale à 53 T de N total / an. Le volume de digestat produit quant à lui est de 9 000 T et la quantité d'azote totale est équivalente à celle des ressources entrantes soit 53 T d'azote total / an (Cf. tableau des ressources).

Ces 9 000 T de digestat sont aujourd'hui réparties entre 6 exploitations et épandues sur environ 400 ha de SAU. A terme, l'épandage du digestat sera réalisé sur une plus grande surface comme initialement prévu. Les partenaires se sont accordés pour épandre le digestat dans un rayon maximum de 15 km pour que le coût de l'épandage soit maîtrisé tout en évitant les contraintes logistiques.

En théorie, la capacité de stockage du digestat est de 5 500 T pour une durée de 8 mois. Mais généralement, le remplissage n'est pas total. A l'heure actuelle le stockage réel est de 2 500 à 2 600 T pour une durée de 5 mois.

L'épandage du digestat chez Jules :

Sur les 9 000 T de digestat produit, Jules récupère 3 000 T, soit l'équivalent de 3000 unités d'azote organique (rapport de 1 / 1 000 d'N organique) et 4 500 unités de NH4+ (rapport de 1,55 / 1 000).

Pour la ferme des Charmes, il s'agit d'une économie en fertilisants organiques de 36 000 euros / an.

Le digestat se substituera en intégralité aux produits organiques anciennement utilisés (1500 T de fumier bovins, fientes de volailles et autres complexes).

Aujourd'hui Jules a peu de recul quant à l'épandage du digestat étant donné la mise en service récente de l'unité, mais les tests effectués semblent prometteurs.

Il est à la recherche des bonnes doses à appliquer au bon moment en fonction des cultures.

Il remarque que la fraction organique ne semble pas utilisable la première année en raison des sols qui réagissent lentement.

Sur cultures exigentes (maïs, céréales à paille) la dose épandue est de 40 m3 / ha.

L'épandage sur maïs est effectué autour du 15 – 20 janvier. Des tests sur maïs sont effectués également pour évaluer la meilleur période d'épandage avant labour ou après labour.

Sur céréales à paille, l'épandage se fait avant le semis au mois d'octobre. Des questions sur un éventuel impact lors d'un épandage sur végétation restent en suspens.

Pour les prairies, la dose apportée est de 20 m3 / ha.

L'épandage se fait début février, en été avant la pousse d'automne et après la première coupe pour densifier la 2e coupe.

En 2019, ce fractionnement a permis de produire 8 tMS en 3 coupes

Des pratiques d'élevage équivalentes :

Outre le fait que tout le fumier soit destiné au méthaniseur, les pratiques concernant l'élevage n'ont pas été modifiées. Simplement ajustées pour que le troupeau puisse continuer à pâturer une bonne partie de l'année (6 – 8 mois) et en même temps recueillir la matière nécessaire pour alimenter le méthaniseur. Jules a donc scindé son cheptel en 3 troupeaux qui tournent en stabulation 4 mois par an. Tout le reste du temps, les animaux sont à l'extérieur.

Les naissances se font toujours à l'exterieur. Les contraintes liées au pâturage sont toujours les mêmes (astreinte + gestion des maladies) mais n'ont pas d'impact sur la gestion du troupeau.

Les velages sont également groupés par lot ce qui permet de conforter la récupération de matière toute l'année. Les curages se font toutes les 3,5 semaines (télescopique + benne déposée directement sur la plateforme de stockage) alors qu'ils étaient de 6 à 7 semaines avant la projet de méthanisation.

Le rythme de curage début mai permet de récupérer 12 T / j de fumier bovin.

Pour Jules le confort des animaux est sans pareil avec un taux de paillage très élevé : 11 kg de paille / j / UGB. Aucune maladie n'est constatée depuis ces modifications.

Stabulation et aire paillée

Aire de stockage du fumier

Une ferme à énergie positive ?

Les besoins de la ferme en énergie sont réparties entre :

  • le GNV et autres carburants soit l'équivalent de 39 000 L ;

  • l'électricité pour les bâtiments = ? kWh

  • l'électricité et la chaleur pour la méthanisation = 227 MWh électricité et 542 MWh pour la chaleur ;

  • l'électricité et la chaleur pour le séchoir en grange = ?

La ferme aujourd'hui produit :

  • 2 200 MWh d'électricité

  • 1 000 MWh de chaleur

Aujourd'hui, le projet compte environ 290 UGB entre l'ensemble des partenaires dont les effluents sont utlisés pour les besoins de la méthanisation. En fonction de l'énergie total produite, il est possible de considérer qu'un UGB produit 10 000 kWh.

En définitive, le projet de méthanisation porté par la SAS Méthacycle s'inscrit dans une recherche d'autonomie au niveau de la ferme mais également à l'échelle locale. L'objectif est de moins dépendre des intrants extérieurs, et de créer de la valeur ajoutée tout en ayant une approche environnementale axée sur l'autonomie énergétique.

Le projet créé donc des externalités positives et participe à renforcer un modèle de croissance positive et d'économie circulaire.

ZOOM sur le séchoir en grange :

C'est bien grâce au projet de méthanisation que le séchoir en grange a pu être imaginé. Il constitue une vrai opportunité pour les agricutleurs du projet mais également du territoire.

Il dispose de 6 cellules à plat.

1 ventilateur d'une puissance de 37 kW permet le séchage avec variateur de fréquence.

Le séchoir est doté de capteurs solaires thermiques mais ne suffit pas pour sécher les volumes ainsi la chaleur produite par le méthaniseur est également valorisée.

Il permettra donc de sécher 800 tonnes de MS de fourrages (essentiellement luzerne), 1200 tonnes de céréales, et 2000 tonnes de bois.

Le séchoir aura donc une grande utilité pour les agriculteurs partenaires du projet méthanisation mais aussi pour ceux qui souhaiteraient également faire sécher leurs fourrages.

Pour les fourrages : il permet d'améliorer la qualité due à la réduction du temps de séchage au sol, ce qui limite la dégradation du foin par les UV.

Pour les céréales : il permet de limiter le développement des moisissures et mycotoxines. Le séchage améliore la conservation notamment pour des céréales avec un taux de MS élevé à la récolte. Le séchage concerne les céréales auto consommées de plusieurs agriculteurs voisins et des céréales destinés à la CORAB. Ce séchage offre un service aux paysans bio locaux.

Pour le bois : le séchoir est généralement peu utilisé en hiver. Il permet donc d'être valorisé en étant disponible pour sécher du bois. De plus, pour du bois de chauffage, le séchage améliore le PCI. Le séchage peut être également une alternative aux traitements chimiques de conservation du bois.

INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Réduction des achats d'engrais

  • Mise en place d'une économie circulaire
  • Amélioration de la valeur ajoutée des différentes productions
  • Investissement conséquent
  • Risques bancaires
  • Retard de paiement lié à la production d'électricité
  • Maintien de l'élevage et des pratiques de pâturage
  • Maintien des prairies
  • Retour au sol du digestats et amélioration de la dynamique des sols
  • Volume de biomasse valorisé
  • Autonomie en fourrage de qualité
  • Allongement des rotations
  • Introduction de légumineuses dans l'assolement
  • Couverture des sols (couverts végétaux)
  • Recyclage de matière organique (lactosérum, poussière de céréale etc.)
  • Autonomie énergétique
  • Des émissions de GES évitées par le projet de méthanisation
  • Meilleure gstion de la fertilisation azotée
  • Ferme à énergie positive

Social :

Acceptabilité du projet de méthanisation

Blocage administratif

Répartition des rôles dans le collectif

Aspect médiatique

Approche territoriale

Echanges entre les acteurs du territoire

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