Pâturage tournant dynamique

LA DÉMARCHE

Tout a commencé avec un groupe d'une dizaine d'agriculteurs motivés pour travailler sur le pâturage tournant dynamique au début des années 2010. Le démarrage du projet européen LIFE – PTD, porté par la Caveb, en 2013 a permis de lancer une série de formations sur la technique. Dans ce cadre, Stéphane a bénéficié d'un accompagnement qui l'a aidé à mettre en œuvre cette technique sur son exploitation.

LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES

La méthode herby

La méthode « Herby », développée dans le cadre du LIFE, s'appuie principalement sur les critères physiologiques de la plante :

  • Repère d'entrée dans la parcelle : attendre le stade trois feuilles de la plante
  • Temps de présence : 3 jours maximum (sinon il faut redécouper la parcelle ou charger plus)
  • Repère de sortie : ne jamais pâturer la gaine des graminées
  • Temps de repos : à adapter à la vitesse de repousse de l'herbe

 

Pourquoi le stade trois feuilles ?

Car cela permet :

  • D'avoir un indice foliaire optimal qui garantit une photosynthèse maximale
  • De reconstituer les réserves glucidiques de la plante et d'assurer ainsi la pérennité du couvert
  • Un bon développement racinaire qui rend le couvert plus résistant à la sécheresse
  • D'obtenir un bon équilibre glucides solubles/cellulose qui garantit une bonne valeur alimentaire
  • D'être à une hauteur d'herbe qui garantit une ingestion et digestibilité optimale
Le PTD à Charchenay

Stéphane a décidé de mettre en place le PTD sur 18ha pour les mères en lactation et leurs veaux, qui ont les plus gros besoins alimentaires.

Les génisses, les vaches taries et les vaches pleines sont conduites en pâturage tournant « simple » sur les 53ha de prairies naturelles restantes.

Comment constituer les paddocks ?

La délimitation des paddocks s'appuie largement sur les infrastructures agro-écologiques déjà présentes (haies et lisières de bois). Les paddocks sont majoritairement délimités par des clôtures fixes. Au départ, les haies de séparation de deux paddocks ont été doublées d'une clôture de chaque côté. Toutefois, après plusieurs années de pratique, Stéphane a supprimé la clôture d'un des deux côtés en 2019 de manière à laisser l'accès aux vaches qui peuvent plus facilement s'y abriter. De plus, l'accès au pied de la haie permet de faire entretenir la strate herbacée par les vaches, ce qui évite l'embroussaillement (ronces, …).

Comment définir la taille des paddocks ?

« Les paddocks ont été délimités au visuel, à œil d'expert »

L'objectif de la méthode Herby est de faire pâturer lorsque l'herbe atteint le stade trois feuilles et de ne pas dépasser un temps de séjour de 3 jours par paddock. La taille des paddocks a été calculée à l'aide de spécialistes du sujet dans le cadre des formations proposées par la Caveb.

La nature des sols (très hétérogène à Charchenay), la nature de la flore, la productivité en herbe de la parcelle et la présence de haies sont les principaux critères sur lesquels se sont basés Stéphane et ses formateurs pour délimiter les paddocks sur les 18 ha choisis. Le calcul de la surface a donc été fait au visuel, selon l'œil d'expert des formateurs. L'objectif est d'avoir une flore homogène sur les paddocks de manière à limiter les refus.

Des paddocks d'environ 1ha ont été mis en place. Si toute la surface du paddock n'a pas été pâturée en 3 jours maximum, deux possibilités d'ajustement :

  • Le paddock est redécoupé
  • Le chargement du troupeau est augmenté
Comment gérer la rotation ?

 

  • Fin d'hiver : augmentation progressive du chargement

Les vaches et leurs veaux sont sortis pendant 24h sur un paddock test, le plus tôt possible dans l'année (vers le mois de Février). En fonction du résultat de ce pâturage, le chargement est adapté. De février à avril, tant que la pousse de l'herbe reste limitée, le nombre d'animaux sur le parcours de PTD est maintenu assez bas et, dès lors que les beaux jours arrivent, Stéphane augmente progressivement le nombre de bêtes pour atteindre le chargement idéal d'environ 23 vaches et leurs veaux par paddock.

 

  • Printemps : rotation rapide pendant les beaux jours

Quand la croissance de l'herbe est rapide au printemps, le chargement maximal est atteint et les vaches sont quasiment changées de paddock tous les jours. La rotation sur les 18ha se fait entre 18 et 22 jours en moyenne.

 

  • Été : Rotation plus lente en période « séchante » et « garage » des vaches sur la parcelle « parking » si nécessaire

Quand les conditions climatiques ralentissent la croissance de l'herbe en été, les vaches sont changées de paddock environ tous les deux jours. La rotation sur les 18ha se fait en 30 jours en moyenne. En conditions très sèches, quand la pousse de l'herbe est fortement ralentie et plus assez rapide pour respecter la durée de séjour maximale de 3 jours par paddock, les vaches sont sorties du parcours de PTD. Elles sont « garées » sur une prairie de fauche de 75 ares appelée « parking ». Elles sont laissées sur cette parcelle et complémentées en fourrage tout le temps nécessaire à la bonne repousse de l'herbe sur le parcours de PTD.

A chaque période, la règle qui régie le changement du troupeau d'un paddock à l'autre est le stade de l'herbe et non la hauteur d'herbe. Le stade idéal d'entrée dans un paddock est le stade trois feuilles. A la sortie, la parcelle doit avoir été pâturée de manière la plus homogène possible, sans que les vaches aient consommé la gaine des graminées.

Résultats obtenus
  • Docilité des animaux :

« On avait un troupeau assez vif et, aujourd'hui, on a un troupeau très calme »

Avant la mise en place du PTD, le troupeau était plutôt vif selon Stéphane. Un des objectifs était donc de le rendre plus docile. Avec le pâturage tournant dynamique, Stéphane est plus souvent présent auprès des animaux ce qui permet de créer une relation de confiance, notamment avec les plus jeunes bêtes. Les génisses sont habituées dès leur plus jeune âge au contact des éleveurs sur le parcours de PTD et une complicité se crée. Par la suite, il est plus facile pour Stéphane de gérer les génisses sur un pâturage simple et de conduire les troupeaux sur la route ou d'une parcelle à une autre.

 

  • Arrêt des apports d'azote

« Avec le PTD, on s'est rendu compte qu'avant on mettait trop d'azote sur nos prairies, ce qui empêchait le développement des légumineuses »

Jusqu'à la mise en place du PTD, Stéphane apportait entre 50 et 75 unités d'azote sur les prairies naturelles et temporaires. Avec la mise en place du PTD et une plus grande attention apportée à la diversité de la flore, Stéphane a stoppé les apports d'azote sur les prairies permanentes tout en maintenant un haut niveau de production et de qualité fourragère grâce, notamment, à la présence de légumineuses.

Les analyses de rendement et de qualité fourragère réalisées dans le cadre du LIFE – PTD, montrent de bons résultats pour l'EARL Charchenay . Malgré des conditions climatiques difficiles en 2016 et 2017, le rendement des prairies permanentes sur l'exploitation est, chaque année, supérieur à la référence départementale.

  Rendement moyen des PP dans les Deux-Sèvres (TMS/ha) Rendement des PP sur l'EARL Charchenay (TMS/ha) Niveau de rendement (par rapport au rendement départemental)
2018 3,5 5,1 + 46%
2017 4,9 6,6 + 35%
2016 6,1 7,8 + 28%

Les prairies permanentes de Stéphane ont « tenu le choc » face aux années difficiles de sécheresse car, même si les rendements calculés baissent entre 2016 et 2018, ils restent 1,46 fois supérieurs au rendement départemental en 2018.

 

  • Gain en qualité de fourrage

En termes de qualité, le rendement énergétiques des prairies permanentes sur l'exploitation est supérieur à la référence départementale. Ils sont environ 1,5 fois supérieurs au rendement énergétiques départemental.

 

  Rendement énergétique moyen dans les Deux-Sèvres (UFL/ha) Rendement énergétique moyen sur l'EARL Charchenay (UFL/ha) Niveau de rendement (par rapport au rendement départemental)
2018 3280 4850 + 48%
2017 3810 5850 + 53%

 

 

  • Inconvénients

Pas de points d'eau dans tous les paddocks aujourd'hui et donc obligation d'apporter de l'eau avec une tonne.

INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Réduction des charges d'intrants

  • Réapparition des légumineuses dans les prairies permanentes
  • Gain en qualité fourragère
  • Abandon de la fertilisation azotée

 

 

Avantages

  • Les animaux sont beaucoup plus dociles

Inconvénients

  • Au début « ça a été un flop » car les génisses avaient peur du fil
  • Nécessité d'apporter de l'eau dans chaque paddock

 

Zoom sur l'entretien des haies et des lisières de bois

Les haies et lisières de bois sont de éléments structurants du parcours de PTD. Ces haies sont entretenues avec précaution de manière à préserver leur santé. Selon le diamètre à couper, elles sont entretenues en hiver à l'aide d'un lamier équipé soit de couteaux, soit de scies.

La fréquence d'entretien varie en fonction de l'utilisation des parcelles :

  • Prairies : les haies et lisières bordant les prairies sont entretenues tous les 3 à 4 ans de manière à laisser se développer une végétation qui fournira un abri aux vaches et à leurs veaux. Sur les prairies il n'y a que peu de passages d'engins, la fréquence d'entretien peut donc être allongée par rapport à une parcelle cultivée ou un bord de route.
  • Parcelles cultivées et bords de route : les haies sont aussi présentes le long des champs cultivés, sur lesquels les outils de travail passent, et le long des routes où les véhicules circulent. Un entretien annuel est donc obligatoire sur ces parcelles là de manière à ne pas gêner le passage des véhicules, des tracteurs et des outils de travail.

La CUMA à laquelle Stéphane est adhérent possède un lamier à 5 plateaux qu'il peut équiper soit de disques à 2 couteaux, soit de scies selon la section des branches à couper.

Disques à 2 couteaux :

  • Section des branches à couper : <4cm
  • Débit de chantier : 3000 mL/h
  • Valorisation des résidus de taille : broyés au sol à l'aide d'un broyeur à bras et laissés au champ comme amendement

Scies

  • Section des branches à couper : de 4 à 25 cm
  • Débit de chantier : 500 à 1000 mL/h
  • Valorisation des résidus de taille : débités pour le bois de chauffage
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