En pratique

Choix du type d'enherbement

L'IFV1 déconseille d'enherber les jeunes vignes, de moins de 3 ans, en raison de risque trop élevés de concurrence hydro azotée avec le couvert-végétal. Pour les parcelles non mécanisables, l'enherbement se limitera à la tournière.

Pour les parcelles à sol superficiel ou soumises à des risques de stress hydrique, c'est l'enherbement temporaire qui est privilégié, ou des enherbements permanents mais limité à un inter-rang sur deux ou un inter-rang sur trois.

Sur des écartements entre rangs larges, il est également possible de réduire la largeur de l'enherbement si la concurrence devient trop forte.

 

Choix des espèces

Sur le choix des espèces, les possibilités sont nombreuses et égalent la capacité d'imagination des viticulteurs.

 
L'enherbement spontané

L'enherbement spontané peut se montrer très intéressant (et peu couteux), à condition de rester vigilant sur un envahissement potentiel en espèces indésirables car trop concurrentielles.

Couvert spontané
Couvert spontané M. Gimaret/Solagro
L'enherbement semé

L'enherbement semé peut comporter des graminées ou des légumineuses, seules ou associées. Le choix s'établit selon les critères de durée de vie du couvert, temporaire ou pérenne, et de la gestion des flux d'azote : sur une vigne où l'on souhaite limiter le risque de concurrence azotée, les légumineuses se montrent intéressante au regard de leur fixation de l'azote de l'air et des restitutions au sol. Si la maîtrise de la vigueur de la vigne doit être plus importante, les graminées sont préférées, avec tous les intermédiaires possibles en terme de proportion graminées/légumineuses dans le mélange. Au delà du pouvoir plus ou moins concurrentiel des espèces et de leur durée de vie, les critères de choix doivent également intégrer la nature du sol, plus ou moins bien adapté à certaines espèces, la facilité d'implantation, la capacité à résister à la sécheresse selon les régions.

Pour exemple, la chambre d'agriculture de Rhône-Alpes, dans son guide sur les pratiques alternatives aux produits phytosanitaires2, propose le ray-grass anglais, la fétuque rouge, le pâturin commun comme enherbement permanent des vignes vigoureuses, et le pâturin des prés pour les vignes en sols légers ou situées en flanc de coteau. Les doses sont comprises entre 20 et 50 kg/ha selon les espèces et le nombre d'inter-rangs semés.

L'enherbement temporaire

Concernant les enherbements temporaires, les espèces indiquées sont la vesce, le ray-grass italien, le radis fourrager, le seigle, le sarrasin, l'orge...

Quant aux légumineuses, trèfle blanc et trèfle souterrain sont régulièrement cités.

Du côté des espèces très concurrentielles, une publication de l'Ita3 relatant un essai IFV, plaçaient les fétuques élevées parmi les espèces très concurrentielles (réduction de vigueur supérieure à 30 %).

Vis à vis de la faune auxiliaire, une communication du PSDR Recherches “Pour et sur le développement régional” en Languedoc-Roussillon4, mentionne l'intérêt des composées, des labiacées, des plantaginacées, et des rosacées, plus intéressantes sur ce critère que les graminées et les légumineuses. Plusieurs ennemis naturels des ravageurs de la vigne ont été observés sur ces familles de plantes.

Des travaux ont également été menés de 2004 à 2012 dans le Beaujolais où l'intérêt de mélanges fleuris vis a vis de la faune (oiseaux, petits mammifères, auxiliaires) a été mis en évidence5. Outre l'abri que ces bandes fleuries offrent pour la faune, elles peuvent également fournir de la nourriture et attirer des insectes qui ne se trouveraient pas sinon dans les vignes et enrichir ainsi la biodiversité. Enfin, ces mélanges fleuris présentent un intérêt esthétique.

 

L'effet engrais vert

Comme les types d'enherbements décrits au préalable, un engrais vert a pour vocation d'améliorer la structure du sol, de le protéger vis à vis de l'érosion et d'améliorer l'infiltration de l'eau. Les engrais verts mettent en outre tout particulièrement l'accent sur l'amélioration de la fertilité minérale et de l'activité biologique des sols via l'apport en matière organique et la restitution d'éléments minéraux qu'ils procurent.

Les couverts semés sont plus faciles à orienter en vue de cet objectif. L'IFV Sud-Ouest et l'Itab6 préconisent d'associer des espèces qui apportent du carbone « lent », du carbone « rapide », et de l'azote.

Le premier, le carbone “lent”, est apporté par des espèces riches en cellulose et en lignine comme les céréales à paille. Le carbone “rapide” est amené par  des espèces riches en sucres facilement dégradables comme par exemple les graminées prairiales et les crucifères. L'azote quant à lui permet de réduire le risque de « faim d'azote » lors de la dégradation des matières par les microorganismes. Ce dernier peut provenir des légumineuses qui complètent le mélange.

La lutte contre les nématodes Meloïdogyne et Pratylenchus peut aussi être expérimentée avec des espèces comme la tagète des parfumeurs, l'avoine ou certaines crotalaires (famille des légumineuses).

 

Semis : vignes larges ou étroites ?

Le semis est réalisé soit avant les vendanges, si un semis direct est possible grâce à la présence de matériel spécifique (Cf. les témoignages de Francis Marre et Pascal Pélissou), soit le plus rapidement possible après les vendanges, sur un sol préalablement griffé. Les semis de printemps montrent une réussite d'implantation plus aléatoire.

Semoir direct

Semoir direct – C.Milou/Solagro

Dans son « Guide de l'enherbement », le Comité de développement du Beaujolais décrit différents modes de semis7 selon les largeurs de vigne :

Vignes larges

Ce cas de figure offre le plus de choix. Il est ainsi possible d'utiliser un distributeur d'engrais centrifuge ou pendulaire déjà présent sur l'exploitation : sa largeur de travail est alors réduite en ajoutant des caches.

Vient également l'option des outils combinés travail du sol + semoir, en mettant en œuvre  des outils rotatifs à axe vertical (type herse), à axe horizontal (rotavator), ou alternatifs (herse alternative) qui peuvent s'utiliser en installation ou en regarnissage. Pour ces outils combinés, les auteurs du guide mettent toutefois en garde contre les contraintes mécaniques qui s'exercent sur ces matériels en terrains viticoles (longévité des matériels diminuée).

Les semoirs seuls, utilisés après griffage superficiel représentent une autre option, ou encore les semoir de type Delimbe.

Vignes étroites

C'est un semis à la volée qui est réalisé, ou un semis avec un semoir poussé, utilisé pour les espaces verts. Un roulage est ensuite préconisé pour obtenir un bon contact sol-graine.

Entretien de l'enherbement

L'IFV conseille 3 à 5 tontes annuelles1 selon la dynamique de développement du couvert en lien avec son effet concurrentiel sur la vigne.

Le Comité de développement du Beaujolais donne plusieurs indications sur le matériel de tonte dans son guide de l'enherbement7 :

En premier lieu, le choix de la tondeuse sera établi en fonction de la largeur à tondre, car les patins ou les roues doivent passer à l'extérieur de la zone enherbée.

Chaque type de tondeuse (axe vertical ou horizontal), comporte certains inconvénients ou restrictions d'emploi : les tondeuses à axe vertical nécessitent une surface de sol très plane et des passages réguliers sur une herbe pas trop haute pour éviter les phénomènes de bourrage.

Les tondeuses à axe horizontal autorisent le fauchage d'une herbe plus haute, mais la répartition de la coupe n'est pas homogène.

Le couvert peut sinon être roulé avec un rouleau Faca. Ce dernier a été testé à l'occasion d'une journée technique organisée par l'association technique viticole du Maine-et-Loire8, qui préconise de rouler les couverts lorsque ses tiges ont lignifié, après floraison.

Couvert qui a été roulé par un rouleau type Faca – C.Milou/Solagro

Couvert qui a été roulé par un rouleau type Faca – C.Milou/Solagro
L'enherbement total de la vigne vise à s'affranchir du désherbage chimique ou mécanique sous le rang en s'appuyant sur le couvert végétal pour concurrencer les adventices indésirables.
Outre le gain de temps permis par cette technique grâce à l'arrêt des interventions de désherbage, elle présente des effets agronomiques et œnologiques similaires à ceux procurés par l'enherbement inter-rang. Les effets de réduction de vigueur sont amplifiés, particulièrement sur les vignes à fort développement végétatif9.

Une attention particulière doit être portée sur les risques de concurrence accrus sur le plan azoté. Aussi, le choix des espèces, lorsqu'elles sont semées, peut s'orienter vers l'association de légumineuses et de graminées pérennes faiblement concurrentielles. Pour ces dernières, l'IFV Sud-Ouest a notamment testé la fétuque rouge, la fétuque ovine, la kœlerie, le dactyle, le pâturin des prés. Les Chambres d'Agriculture du Vaucluse, des Bouches-du- Rhône, du Var et le GRAB ont également testé l'épervière piloselle, le brome des toits (précoce et tardif) et l'orge des rats, (ces espèces présenteraient également des propriétés allélopathiques). Parmi les légumineuses  à développement limité, c'est le trèfle nain blanc qui a aussi été expérimenté9.

Depuis 2010, l'IFV expérimente également des paillages réalisés sous le rang avec de la paille de céréales compressée, de la paille de chènevotte (chanvre), et des écorces de châtaignier10. En viticulture conventionnelle, l'un des points de vigilance concerne le coût de ces paillages au regard de leur vitesse de dégradation.

 


 
[1] L'enherbement permanent de la vigne, Laure Gontier, Christophe Gaviglio, Xavier Delpuech,
Jean-Yves Cahurel
[2] Guide sur les pratiques alternatives aux produits phytosanitaires 2013, Chambre d'agriculture de Rhône-Alpes - http://viticulture.ecophytopic.fr/sites/default/files/actualites_doc/Guide_AgriAlter_viti.pdf
[3] L'enherbement de la vigne, Techn'Itab viticulture, octobre 2003 - http://www.itab.asso.fr/downloads/Fiches-techniques_viti/viti enherbement.pdf
[4] Une stratégie de protection des sols aux effets complexes : l'enherbement, colloque régional du 21 juin 2006, Campus Inra-Agro Montpellier
[5] Guide pratique des bandes fleuries en viticulture, synthèse des travaux en Beaujolais, 2004-2012, S. Varray (ONCFS), C. Le Roux (Chambre d'Agriculture du Rhône)  - http://www.oncfs.gouv.fr/IMG/pdf/guide_bandes_fleuries_viticulture.pdf
[6] Les engrais verts en viticulture, IFV Sud-Ouest -  https://www.vignevin-occitanie.com/wp-content/uploads/2018/10/8-engrais-vert-viticulture.pdf
[7] Guide de l'enherbement des vignes, Comité de développement du Beaujolais, chambre d'agriculture Rhône
http://rhone-alpes.synagri.com/synagri/pj.nsf/TECHPJPARCLEF/01642/$File/Guide%20enherbement.pdf?OpenElement
[8] ½ journée technique couverts végétaux organisée par l'Association Technique Viticole du Maine et Loire, en partenariat avec L'Union des CUMA Section 49 et le SAGE Layon-Aubance, 2012 - http://www.techniloire.com/documents/124963587/synth%C3%A8se%20des%20mat%C3%A9riels%20test%C3%A9s.pdf
[9] Entretien du sol sous le rang de vigne : innovations et perspectives - Xavier Delpuech, Pauline Garin, Eric L'Helgoualch - Journées Techniques Légumes et Cultures Pérennes Biologiques – 11 - 13 décembre 2012 – Avignon
[10] Mise en œuvre de paillages sous le rang comme solution de lutte contre les adventices en viticulture, Laure Gontier et Christophe Gaviglio, 2013 - https://www.vignevin-occitanie.com/wp-content/uploads/2018/10/14-paillage-sous-rang.pdf
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