Séchage solaire du fourrage en grange

LA DÉMARCHE

Le projet de séchoir solaire est un rêve né il y a 40 ans qui s'est concrétisé sous l'impulsion de Yannick, le fils de Pierre et Danielle. Une réflexion commune avait été engagée en intégrant d'une part le souhait de Yannick d'investir dans du photovoltaïque et d'autre part la recherche constante d'autonomie fourragère sur l'exploitation parfois mise à mal par les aléas météorologiques. Aucun des bâtiments existants n'étant adéquat à un placement optimal des panneaux solaires, il a été décidé de concilier l'ensemble des attentes avec la réalisation d'un séchoir solaire de fourrage. Sa mise en fonctionnement a débuté en avril 2011.

Le nouveau bâtiment et sa toiture de panneaux photovolatïques. Photo JL. Bochu / Solagro

 

LES SAVOIRS AGROÉCOLOGIQUES

Une nouvelle organisation du travail

Le bâtiment, d'une surface de 1575 m2, a été conçu avec une toiture constituée de 1300 m2 de panneaux photovoltaïques orientés plein Sud (pente de 26%).

Les cellules de séchage, au nombre de deux, présentent une dimension de 15 m x 8,5 m chacune sur 7 à 8 mètres de hauteur, soit environ 900 m3. Un troisième espace est dédié au stockage du foin sec, des concentrés...

Auparavant répartis dans plusieurs vieux bâtiments distincts, la bergerie, la salle de traite et l'espace de stockage sont ainsi désormais contigus, ce qui facilite le travail au quotidien (moins de pénibilité) et procure un gain de temps significatif : avec l'ergonomie gagnée grâce au nouveau bâtiment et l'absence de balles à manipuler, Pierre et Danielle ont noté un gain de temps d'une demi heure par jour pour la distribution du fourrage.

Quant au chantier de fenaison, il s'étale désormais sur 2 à 3 jours maxi au lieu de 4 à 5 auparavant.

 

 

Plus d'autonomie fourragère et des fourrages plus qualitatifs

La première fauche intervient début mai, et le foin peut être rentré dès le lendemain de son andainage. Les plantes sont bien vertes et de nombreuses fleurs sont retrouvées dans le foin, dont la qualité s'est améliorée. Deux coupes supplémentaires interviennent chacune à une quarantaine de jours d'intervalle.

Les plantes sont bien vertes et de nombreuses fleurs sont retrouvées dans le foin, dont la qualité s'est améliorée - Photo C. Milou/Solagro

Pierre Jauzion privilégie une récolte de la luzerne lorsqu'elle est bien mûre, après le stade bouton (lorsqu'elle est fleurie au deux tiers), ce qui augmente la durée d'exploitation des parcelles de luzerne.

Les achats de foin à l'extérieur sont en forte baisse (un seul achat de 3 tonnes de pulpe de betterave en 2014). Les compléments azotés sont également en baisse. Quant aux céréales (maïs, avoine, orge), leur quantité est en augmentation pour accompagner la hausse de production laitière (elles assurent la part d'énergie nécessaire dans la ration).

Quantité d'aliments achetés (kg) par brebis présente
Quantité d'aliments achetés (kg) pour 1000 litres de lait
L'autonomie fourragère est quasiment atteinte.

Le choix des associations d'espèces dans les prairies temporaires fauchées est réalisé pour répondre à cette nouvelle organisation : une cellule est en effet consacrée à la luzerne, qui constitue les deux tiers de la ration (2 kg/j), et une autre cellule aux associations graminée + légumineuse. L'un des objectifs des associations est de pouvoir compter sur une ration homogène tout au long de l'année, malgré la superposition des couches dans la cellule.

De plus, la luzerne, riche en azote, est ainsi complétée par des espèces plus riches en énergie, qui équilibrent la ration sur le plan énergétique.

Sur le plan de la qualité des fourrages, Pierre Jauzion a relevé au travers des analyses de fourrages de luzerne, un gain de 5 à 6 points de matières azotées totales (MAT) depuis la mise en route du séchoir.

Depuis la mise en route du séchoir, les éleveurs ont relevé une augmentation de la production de lait de plus de 10 %, un gain attribué à la qualité du foin et à la meilleure ambiance au sein de la bergerie.

Nombre de litres de lait produits par brebis présente
Depuis la mise en route du séchoir en 2011, la production de lait a augmenté en moyenne de 10 %.
 
Difficultés

Gérer les années humides
Lors des années très humides, le débit de chantier est limité par la capacité de séchage, assurée par un seul ventilateur. Mais les éleveurs envisagent l'achat d'un second ventilateur, soit un par cellule.

Le trèfle violet est également mélangé à une autre espèce, car il se montre sinon trop compact et dense pour sécher convenablement (passage de l'air difficile).

Ajuster la ration
La hausse de la production laitière s'est accompagnée d'une petite baisse du taux de matière sèche utile (MSU) du lait.

Les éleveurs attribuent cette diminution à une ration trop riche en azote. Ils cherchent ainsi à rééquilibrer la ration en la renforçant en matières grasses protégées (lin).

Évolution du taux de matière sèche utile (MSU) du lait
Depuis la mise en route du séchoir en 2011, le taux de matière sèche utile (MSU) du lait a subi quelques variations que les éleveurs travaillent à corriger en réajustant la ration.
Un bilan financier positif

L'investissement pour le bâtiment s'élève à 400 000 euros. La réalisation au préalable d'un diagnostic énergétique a permis l'accès aux aides du plan de performance énergétique (PPE).

S'y ajoute le toit de panneaux photovoltaïque facturé 700 000 euros et subventionné à 18 %.

Côté dépenses, la consommation d'électricité a augmenté (elle est passée de 10 000 à 25 000 kWh/an), du fait des nouveaux équipements (ventilateur et griffe pour le séchage, ventilation mécanique de la bergerie notamment). Toutefois ces dépenses sont largement compensées par la production des panneaux photovoltaïques, comprise entre 203 000 et 220 000 kWh selon les années. Avec un rachat de 0,57euro /kWh (contrat de 20 ans), l'amortissement du bâtiment est prévu pour 9 à 10 ans.

Intérieur du bâtiment. Photo C. Milou / Solagro

 

INTÉRÊTS DU POINT DE VUE DE L'AGRICULTEUR

Economiques

Agronomiques

Environnementaux

  • Achats de concentrés (de 25 t/an en moyenne à 18 t).
  • Autonomie fourragère confortée
  • Production de lait
  • Ratio énergie produite/consommée
  • Valorisation des associations d'espèces
  • Foin de meilleure qualité
  • Meilleure valorisation de l'énergie sur l'exploitation

Social : Diminution de la charge de travail et de la pénibilité

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