Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Quels sont les aléas rencontrés ?

 

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)

  • Les températures annuelles :

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici un redémarrage de la pousse de l'herbe plus précoce (voir plus bas). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C). Ces hautes températures ne sont pas encore un problème sur l'exploitation, mais au vu de ce réchauffement, pourrait peut-être le devenir dans un futur proche (voir plus bas).

  • La sécheresse :

Voici le cumul des précipitations sur la période déclarée de sécheresse par Jean-Baptiste Carrié : juin à septembre, sur les 40 dernières années. Ces données climatiques n'appuient pas vraiment le propos de l'agriculteur : la tendance des précipitations est à la hausse sur cette période, avec une forte variabilité interannuelle. En isolant les précipitations des mois de juillet, août et septembre, nous obtenons également une hausse du cumul de précipitations. Ainsi, d'après ces graphiques, il semble compliqué de conclure sur une sécheresse estivale. Cependant, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de sécheresse. Celle-ci peut se traduire par une répartition hétérogène de la pluie sur cette période : des périodes (semaines) de sécheresse prolongée, avec de fortes pluies intermittentes (orages). Enfin, on peut noter que les dernières années (depuis 2018) sont moins pluvieuses que les années précédentes, ce qui pourrait expliquer pourquoi l'agriculteur a déclaré une sécheresse.

 

Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?

  • Pour l'aléa de sécheresse, les prairies de l'exploitation ont une pousse de l'herbe plus limitée durant les périodes sèches, qui peuvent durer plusieurs semaines. La croissance de l'herbe est surtout impactée lors de la seconde pousse. Sur l'exploitation, la première pousse des prairies est fauchée pour faire du foin, et la seconde pousse est pâturée. Ainsi, la sécheresse limite le stock d'aliment pour le pâturage des vaches.

 

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système d'élevage bovin viande.

Cinq indicateurs sont présentés en lien avec le système de Jean-Baptiste Carrié :

  • Les températures et déficit hydrique annuel :

Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et le déficit hydrique annuel. Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. On remarque une franche augmentation des deux facteurs. Ainsi, l'aléa de sécheresse semble avancer dans les 30 années à venir. De plus, si l'aléa de fortes températures ne se fait pas encore ressentir sur l'exploitation actuellement, cela pourrait le devenir dans un futur proche avec l'augmentation des températures.

 

  • Le stress hydrique printanier :

Cet indicateur présente le nombre de séquences de cinq jours sans pluie entre Avril et Mai. Cette période risque de connaître de plus en plus de sécheresses, ce qui peut impacter la pousse printanière de l'herbe, donc des prairies sèches l'été (donc moins d'aliments pâturage à disposition des animaux sur le GAEC de la Loubière). On remarque sur le graphique une augmentation du nombre de séquences de stress hydrique à l'horizon 2050, qui sont presque doublées. Ainsi, d'après ces projections, la sécheresse s'étendra au printemps dans les 30 années à venir.

 

  • La date de redémarrage de pousse de l'herbe :

Même si la date de redémarrage de la pousse de l'herbe est assez variable d'année en année, elle semble devenir plus précoce dans un futur proche, tournant autour de fin janvier. Cela est induit par la hausse des températures. Pour ne pas perdre de valeur nutritive, il sera judicieux de sortir les vaches au pâturage plus tôt.

 

  • La date de fauche précoce :

Pour éviter d'avoir une seconde pousse limitée par la sécheresse, et donc moins d'herbe pour le pâturage, il serait judicieux de faucher plus tôt la première pousse d'herbe, pour que la seconde pousse se fasse également plus tôt. Ainsi, cet indicateur présente la date à laquelle est atteint le seuil de 750°DJ (base 0°C et borne 18°C) initialisé au 1e février. A partir de cette date, une fauche précoce peut être réalisée. On observe que cette date deviendra de plus en plus précoce à l'horizon 2050, du fait de la hausse des températures. Ainsi, il sera judicieux de caler les coupes de foin sur le développement de l'herbe.

 

  • Le stress thermique des animaux (Indice Température Humidité) :

L'Indice Température Humidité (ITH) évalue le couple température et hygrométrie pour déterminer le niveau de stress thermique des animaux. Sur ce graphique figurent le nombre de jours de stress thermique par an. Ainsi, même si la chaleur n'est pas encore un problème sur l'exploitation, cela pourrait le devenir car, d'après ces projections, l'évolution du climat local va faire presque tripler le nombre de jours de stress thermique des animaux. D'autant plus de jours où les animaux seront moins productifs en lait et leur croissance ralentie.

 

Quelles sont les pistes d'adaptation au sein du GAEC de la Loubière ?

Contre la sécheresse et au vu des pertes de rendements des prairies, l'exploitation se voit contrainte d'acheter du foin pour nourrir ses animaux : 20 tonnes en 2020. Les couverts végétaux, pour la partie culture, et sur les prairies, gardent l'humidité dans le sol et limite l'évapotranspiration. Enfin, les haies sur les bords de parcelles offrent de l'ombre qui permet un meilleur développement de l'herbe sur les bordures, et un abri pour les animaux.

 

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

  • Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/