Vulnérabilité des exploitations au changement climatique

Quels sont les aléas climatiques rencontrés ?

Description du climat local

Les analyses climatiques portent sur la période 1979 - 2020 (Source : Agri4Cast, JRC)

Les températures annuelles :

La hausse tendancielle des températures annuelles se confirme localement sur la période d'analyse, à l'image de la situation plus générale en France. Cette hausse concerne tous les paramètres (températures moyennes, minimales et maximales) et provoque ici un redémarrage de la pousse de l'herbe plus précoce (voir plus bas). On observe également une hausse des jours chauds (> 25°C) et des jours très chauds (> 30°C).

La sécheresse :

Voici le cumul des précipitations sur la période déclarée de sécheresse par Samuel Bazerque : juillet à septembre, de 1979 à 2020. Ces données climatiques n'appuient pas vraiment le propos de l'agriculteur : la tendance des précipitations est à la hausse sur cette période. Cependant, cela est expliqué par les graphiques ci-dessous, qui isolent les précipitations des mois de juillet et d'août. Ainsi, on remarque que la tendance est à la forte hausse pour le mois de juillet, et à la baisse pour le mois d'août. Les précipitations des mois de septembre sont constantes sur les 40 années. Ainsi, pour cette exploitation et pour la sécheresse, le changement climatique ne s'exprime que sur le mois d'août, qui semble contrebalancé par un mois de juillet plus pluvieux, avec une forte variabilité interannuelle. D'après les déclarations de Samuel Bazerque, la pluie est désormais répartie de manière hétérogène sur la période juillet – septembre : une sécheresse prolongée, avec de fortes pluies intermittentes. Les graphiques de juillet et août semblent appuyer cet état des lieux.

Quelles sont les ressources touchées sur la ferme ?

Pour l'aléa de sécheresse, les prairies de l'exploitation ont une pousse de l'herbe plus limitée durant les périodes sèches, qui peuvent durer plusieurs semaines. Les exploitants ne font pas pâturer les vaches sur les prairies sèches, il y a donc moins de pâturage durant les années sèches. Par conséquent, les exploitants se trouvent obligés d'acheter du foin de luzerne (6 tonnes en 2020).
Fortes températures : Les fortes températures en juillet/août viennent accentuer les impacts de la sécheresse sur le rendement et l'état global des prairies. De plus, la chaleur a un effet sur le bien-être animal : les vaches sont en stress thermique, et leur rendement lait baisse environ de 20%.

Quelles évolutions climatiques à venir localement ?

L'inertie climatique à l'échelle du globe implique une continuité des évolutions climatiques déjà observées localement dans les prochaines décennies. Les Indicateurs Agro-Climatiques suivant sont construits à partir des projections climatiques locales et illustrent les principaux enjeux climatiques pour un système d'élevage bovin lait.

Quatre indicateurs sont présentés en lien avec le système de Samuel Bazerque :
  • Les températures et déficit hydrique annuel :

Voici les projections à l'horizon 2050 pour les températures moyennes et le déficit hydrique annuel. Le déficit hydrique est la différence entre les précipitations et l'évapotranspiration des cultures, donc grossièrement la différence entre les entrées et sorties d'eau. On remarque une franche augmentation des deux facteurs. Ainsi, les aléas de chaleur et de sécheresse semblent globalement avancer dans les 30 années à venir.

  • Le stress hydrique printanier :

Cet indicateur présente le nombre de séquences de cinq jours sans pluie entre Avril et Mai. Cette période risque de connaître de plus en plus de sécheresses, ce qui peut impacter la pousse printanière de l'herbe, donc des prairies sèches l'été (donc moins de pâturage dans le cas de la Ferme du Carregaut). On remarque sur le graphique une augmentation du nombre de séquences de stress hydrique à l'horizon 2050, qui sont presque doublées depuis les années 90. Ainsi, d'après ces projections, la sécheresse s'étendra au printemps dans les 30 années à venir.

  • La date de redémarrage de pousse de l'herbe :

Même si la date de redémarrage de la pousse de l'herbe est assez variable d'année en année, elle semble devenir plus précoce dans un futur proche, tournant autour de fin janvier. Cela est induit par la hausse des températures. Pour ne pas perdre de valeur nutritive, il sera judicieux de sortir les vaches au pâturage plus tôt. Comme la sécheresse estivale réduit les possibilités de pâturage, une sortie plus précoce l'hiver pourrait compenser un manque en été.

  • Le stress thermique des animaux (Indice Température Humidité) :

L'Indice Température Humidité (ITH) évalue le couple température et hygrométrie pour déterminer le niveau de stress thermique des animaux. Sur ce graphique figurent le nombre de jours de stress thermique par an. Ainsi, d'après ces projections, l'évolution du climat local va faire presque doubler le nombre de jours de stress thermique des animaux. D'autant plus de jours où les animaux seront moins productifs en lait et leur croissance ralentie.

 

Quelles sont les pistes d'adaptation au sein de la Ferme du Carregaut ?

Contre la sécheresse, les exploitants n'ont pas encore trouvé de leviers d'adaptation, mis à part racheter du foin de luzerne pour compenser les pertes des prairies.
Contre les fortes températures, une partie du pâturage se fait désormais en forêt et en lisière, pour profiter de l'ombre.

De plus, Samuel Bazerque est soucieux de limiter son impact sur le changement climatique. Il limite notamment les consommations d'énergie, notamment le fioul : le tracteur tourne 1 à 2 h par semaine.

Pour gérer ces pertes de foin en périodes de sécheresse, il serait intéressant de diversifier les espèces et variétés cultivées sur les prairies pour répartir le risque. En choisissant des espèces ayant une meilleure  tolérance à la chaleur et au stress hydrique, le rendement global des prairies de l'exploitation sera meilleur. De plus, ne pas faucher trop bas ou ne pas faire trop pâturer les animaux permet à la plante de garder ses réserves dans les chaumes pour une repousse future. Enfin, il sera intéressant de planifier le pâturage en fonction du stade des plantes, pour ne pas perdre de valeur nutritive. 

 

 

Pour aller plus loin :

Cette approche climatique a été possible grâce aux résultats du projet LIFE+ AgriAdapt : https://agriadapt.eu/objetives/?lang=fr. Ce projet a pour objectif d'évaluer la vulnérabilité des principales productions agricoles face au dérèglement climatique et aussi de proposer des plans d'adaptation durables pour accroitre la résilience des systèmes agricoles.

A l'issue de ce programme européen, une plateforme web (AWA) a été conçu pour valoriser les principaux résultats du suivi des 120 fermes pilotes. Cette plateforme permet donc d'accéder à de nombreux autres indicateurs (observations, projections, indicateurs agro-climatiques) par une entrée cartographique pour différentes localités géographiques en France comme en Europe. Et de proposer des mesures d'adaptation durables envisageables à l'échelle des exploitations agricoles et des systèmes de productions.

 

  • Plateforme AWA :

 https://awa.agriadapt.eu/fr/