Les systèmes pâturants : plus résilients face aux crises énergétiques

Les élevages laitiers « pâturants » sont plus économes, plus résilients face à la crise énergétique et dégagent plus de revenu pour les éleveurs. 

C'est la conclusion des données 2020 de l'Observatoire technico-économique du Réseau CIVAM qui compare chaque année les performances des fermes engagées en agriculture durable, avec celles des exploitations laitières moyennes du Grand Ouest observées par le RICA (Réseau d'Information Comptable Agricole).

Un système pâturant de l'étude valorise au maximum l'herbe pâturée avec une surface de maïs ensilage < 20% dans la surface fourragère et 191 jours en moyenne de ration 100% pâturage.

L'échantillon RICA (représentatif des élevages laitiers du Grand Ouest) comprend 255 fermes et le réseau CIVAM 168 fermes dont 134 en bio. Dans la suite, on comparera uniquement les fermes CIVAM non bio et celles du RICA. Les fermes bio ont des performances toujours plus élevées avec un prix du lait payé en 2020 28% supérieur au conventionnel (479€/1000 litre versus 375€).

Les deux types de fermes sont assez proches par leur taille : 99 ha de SAU, 75 vaches laitières et 2 UTH pour les fermes du RICA versus  90 ha, 68 vaches et 1,9 UTH pour les fermes pâturantes.

En conclusion, ce n'est pas la production ni le nombre de litres par vache qui fait le revenu.

En effet si les fermes du RICA ont un chiffre d'affaire supérieur de 56 917€ (+20%), leurs charges le sont bien plus  +71 342€ (+28%). Il s'en suit un résultat courant par UTH supérieur de 45% pour les fermes pâturantes : 25 773€ versus 17 728€.

Et oui le revenu n'est pas toujours corrélé au chiffre d'affaire.

L'explication : un système basé sur l'herbe et le pâturage, et plus autonome : la surface en herbe des fermes pâturantes occupe 66 ha versus 52 ha tandis que la part du maïs ensilage dans la surface fourragère principale (SFP) est de 11% versus 33%. Si la production de lait par vache baisse de 11% (5000 l versus 6700l), la consommation de concentrés aussi : -49% /UGB avec une augmentation de l'autonomie (+46%) – moins de concentrés achetés/concentrés consommés. Les coûts vétérinaires et de mécanisation baissent de 29%. La surface en légumineuses augmente de 44% entrainant une baisse des achats d'engrais chimiques.

Ce qu'a montré cette étude c'est aussi la plus grande résilience de ces fermes notamment face à l'envolée des prix de l'énergie que nous observons en ce moment. Il faut avoir en tête qu'en 2 ans (2020-2022) le prix du GNR (gasoil non routier) a bondi de 216%, le prix des engrais de 113% et celui des concentrés de 44%. Une simple simulation intégrant cette inflation aurait pour effet de fait passer le résultat courant des fermes du RICA en négatif (-29 868€) et celles pâturantes à 15 073€ (soit une baisse quand même de 64%).

On en est encore à se demander pourquoi toutes les fermes laitières n'ont pas évolué vers des systèmes autonomes et pâturants ? En effet tout est amélioré : le revenu des éleveurs, l'emploi sur le territoire, la qualité de l'eau (moins d'herbicides du maïs). Il ne suffit pas d'augmenter le prix du lait pour maintenir les éleveurs comme l'affirment certaines marques, il faut aussi faire évoluer le système de production pour que la société en tire également des bénéfices (emplois, qualité de l'eau, …)

 

Cet observatoire des CIVAM montre aussi la plus grande performance des systèmes bio.

Voir aussi la ferme des Monnier

 

L'Observatoire technico-économique du Réseau CIVAM, compare chaque année les performances des fermes engagées en agriculture durable, avec celles des exploitations laitières moyennes du Grand Ouest. La nouvelle édition 2022 vient de paraître, et démontre que les systèmes pâturants* sont plus résilients en cas de crise énergétique.

À l'échelle du Grand Ouest, l'analyse comparative des résultats économiques 2020 des fermes herbagères CIVAM et la moyenne des fermes laitières RICA (Réseau d'Information Comptable Agricole) met en évidence deux stratégies économiques différentes : produire de la richesse pour rémunérer du travail ou produire du volume et capitaliser. Dans le contexte de tensions énergétiques qui ne feront qu'augmenter, ces deux stratégies offrent des réponses différenciées voire contraires.

 

Les fermes Civam, plus autonomes face à la crise énergétique 

2022 est marquée par une crise énergétique mondiale posant la problématique de l'augmentation des coûts mais aussi de la disponibilité de la ressource. Les fermes CIVAM sont plus autonomes en énergie que les fermes du RICA. En moyenne sur 10 ans, leurs charges d'énergies directes (électricité, carburant et lubrifiants) sont plus faibles de 42% par rapport  la moyenne RICA. Les charges d'énergies indirectes (énergies utilisées par la production et le transport des intrants) consommées par les fermes CIVAM représentent 10% des charges totales contre 20% pour les fermes du RICA. En appliquant les coûts énergétiques 2022 aux résultats étudiés, le résultat courant baisse de 60 % dans les fermes Civam et de 200 % au RICA. Le résultat courant moyen du RICA serait alors négatif. Les fermes CIVAM sembleraient donc plus résilientes que les fermes du RICA.

 
Stratégie « volume » des fermes RICA : une stratégie d'investissement qui repose sur le cours du prix du lait   

La dynamique globale des fermes laitières représentées par le RICA se caractérise par une production laitière élevée au prix de consommations d'intrants importantes. Les coûts de production sont alors plus importants que ceux des fermes pâturantes, avec notamment un coût alimentaire moyen supérieur de 57 €/1000L de lait produit. Les fermes adoptant cette stratégie « volume » réduisent leurs charges en cas de baisse du prix du lait. Mais, dès que le prix du lait augmente, les charges repartent à la hausse. Cette stratégie, qui caractérise la ferme laitière moyenne du Grand Ouest, reposent sur des investissements importants en matériel et bâtiments pour produire. Cette capitalisation spécialise les fermes et pose une forte problématique sur leur transmission. 

 

Stratégie « valeur ajoutée » des fermes Civam : une alternative créatrice de richesse et d'emplois

À l'inverse, les systèmes laitiers autonomes et économes reposent sur une stratégie « valeur ajoutée » : ils créent plus de richesse en utilisant moins d'intrants** et de moyens de production. Avec une quantité de lait vendue plus réduite, une ferme CIVAM non bio dégage en moyenne 25 773 € de Résultat Courant par actif, soit 8 045 € de plus que la moyenne RICA (+45%). Ce sont également des fermes plus rémunératrices que les fermes du RICA avec 237 € de Résultat Social*** en plus par hectare et qui participent à la dynamique de leur territoire avec 3 actifs agricoles en plus pour 10 km².
 

« Nous entrons dans une nouvelle ère, où nous devrons nous adapter très rapidement à une déplétion des énergies fossiles et à un renchérissement des coûts des matières premières qui sont à la base de nos activités agricoles, à l'amont sur nos fermes, comme à l'aval jusqu'à la commercialisation des denrées alimentaires de toutes formes. Nous devons poursuivre l'impérieuse injonction de produire mieux avec moins, pour ne pas surcharger plus encore les limites planétaires. Les « paysans-chercheurs » du Réseau Civam, expérimentent des voies de mutations inspirantes et connectées au réel qui méritent lecture, réflexion et partage. »

 Mickaël LEPAGE, 
Éleveur en Mayenne (53), membre du Réseau Civam