Cultiver du colza associé

On sait qu'il est difficile de cultiver du colza en bio à cause notamment des dégâts causés par les altises mais aussi sur le contrôle des adventices et des repousses, et cela est tout aussi vrai en conventionnel si l'on souhaite réduire son IFT.

Philippe Mattez, agriculteur wallon sur une ferme d'une centaine d'hectares dans le Hainau, a tenté l'expérience dans le cadre du projet Interreg Transaé portant sur la transition vers l'agroécologie.

La culture du colza présente des avantages en bio en diversifiant et allongeant la rotation, en valorisant les reliquats azotés. C'est aussi un bon précédent au blé.

Le colza est une huile intéressante pour la consommation humaine et son tourteau peut être valorisé en élevage.

Associer le colza à des plantes compagnes constitue un nouveau levier pour cette culture en bio comme en conventionnel.

Parmi les plantes compagnes retenues : les légumineuses gélives comme la lentille fourragère, féverole, pois fourrager, fenugrec, trèfle d'Alexandrie. En effet ces plantes peuvent fixer l'azote de l'air, point important pour une culture en bio et elles laissent ensuite la place au colza en gelant. Elles contribuent à contrôler les adventices en les étouffant. Elles ont aussi un effet sur les grosses altises.

Colza associé (lin, féverole, lentille, nyger, sarrasin, trèfle d'Alexandrie, trèfle blanc) semé en direct dans un système en AC – ©Transaé

On peut aussi imaginer d'utiliser des plantes non gélives mais moins compétitives comme le trèfle blanc, la luzerne ou le lotier mais aussi le lin ou le sarrasin. Le mieux est d'imaginer et composer son propre mélange adapté à son contexte pédo-climatique. Philippe Mattez utilise un mélange de sarrasin, féverole, lin, lentille fourragère et trèfle blanc. Le sarrasin permet de couvrir rapidement le sol, la féverole fixe l'azote et structure le sol et le lin a des effets sur les altises.

Des essais sont aussi menés pour faire pâturer à l'automne le colza associé par des ovins.  Ce pâturage doit se faire dans de bonnes conditions pour éviter un tassement du sol à l'entrée de l'hiver et détruire les plantes compagnes tout en conservant un colza vigoureux. Les premiers essais ont montré une baisse de rendement de 6% comparativement à un colza non pâturé mais qui peut être compensée par la valorisation comme fourrage du troupeau ovin entre 0,7 et 1,2 T MS/ha.

 

Parcelle de colza bio associé (sarrasin, lin, féverole, trèfle blanc)  – ©Transaé

Les essais menés ont montré :

  • Une corrélation positive entre la biomasse aérienne totale (colza+ plantes compagnes) et le rendement du colza
  • Une stabilisation des rendements voir une augmentation
  • Une baisse de la fertilisation azotée chimique de 30 à 40 unités en conventionnel
  • Une baisse de la pression des grandes altises et des adventices
  • Une augmentation du blé cultivé derrière le colza

Mais il existe aussi des contraintes à cette pratique :

  • Le coût d'implantation lié aux semences même si le semis peut se faire conjointement
  • Un semis plus précoce qui limite la faisabilité de faire des faux semis
  • L'impossibilité de faire des désherbages mécaniques
  • En cas d'hiver doux, la féverole peut arriver à maturité, mais on peut alors envisager de la récolter et de trier le mélange

Les clefs de la réussite :

  • Semer tôt (mi-août)
  • Bien implanter le mélange à l'automne
  • Augmenter la densité du cola de 6 à 8 kg/ha
  • Bien gérer les repousses de céréales du précédent (déchaumage, labour)
  • Surveiller les adventices d'automne comme la matricaire, le mouron, le vulpin, le gaillet ou le géranium
  • Trouver le bon mélange de plantes compagnes poussant vite

Concernant les ravageurs de printemps qui s'attaquent aux bourgeons comme les méligèthes, plusieurs leviers existent :

  • Implanter une variété de colza à floraison très précoce à hauteur de 5 à 10%
  • Mélanger des variétés pour allonger la période de floraison
  • Favoriser les insectes auxiliaires notamment les parasitoïdes comme Tersilochus heterocerus en implantant une bande fleurie autour de la parcelle
     

En cas d'échec total, on peut aussi considérer le colza associé comme une interculture longue, le broyer et semer une culture de printemps comme un maïs ou une avoine de printemps.

 

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