Protéger les pollinisateurs sauvages et les abeilles domestiques pour accroitre le rendement du colza

Le colza est une des plantes cultivées dont la pollinisation est largement dépendante des insectes. Les chercheurs du CNRS et de l'INRAE du Centre d'Études Biologiques de Chizé, emmenés par Vincent Bretagnolle et Sabrina Gaba, ont mené durant 4 ans une étude dans le sud des Deux-Sèvres pour quantifier l'impact de la pollinisation entomophile sur le rendement du colza tant au niveau des plantes que de la parcelle. Ils ont pour cela installé des cages d'exclusion différenciant les gros insectes pollinisateurs et les petits, rendant impossible la venue des abeilles (domestiques et sauvages) ou des petits pollinisateurs comme les syrphes et ont pu ainsi comparer le rendement avec une plante accessible aux pollinisateurs.

Malgré les recherches pour produire des variétés de colza autofertiles, cette plante reste encore dépendante des insectes pour sa mise à fruit, un dépendance estimée entre 10 et 40%. La pollinisation anémophile est en effet très limitée pour le colza.

L'étude s'est déroulée entre 2013 et 2016 et a porté sur 151 champs de colza dont une partie étaient munies des cages d'exclusion. Le rendement moyen a été de 31,4 qx/ha. Il a été noté que le niveau de fertilisation azotée et l'usage des pesticides étaient peu corrélés au rendement contrairement à l'apport de phosphore. Les abeilles domestiques et sauvages, les bourdons et les syrphes ont aussi été inventoriés durant la période de floraison du colza. 23 744 spécimens ont ainsi été capturés. Les pollinisateurs inventoriés ont été par ordre décroissant : les abeilles sauvages (81.3%), suivies des syrphes (14.4%), des abeilles domestiques (3.2%) et des bourdons (1.1%). Les abeilles sauvages appartenaient au genre Lasioglossum (62.9%), Halictus (9.2%) and Andrena (7.8%). Au total 19 espèces d'abeilles sauvages ont été identifiées et 23 espèces de syrphes.  

Les résultats de cette étude montrent que la pollinisation augmente en moyenne le rendement de 37,5% (soit 10 qx /ha) quand la diversité des espèces d'abeilles passe de 1 à 10 au niveau des parcelles. Il a été estimé qu'en moyenne la pollinisation par les insectes augmentait le rendement de 30%. Cette diversité d'espèces a plus d'effet que l'abondance d'abeilles.

Les pollinisateurs agissent sur le rendement en accroissant le succès de mise à fruit et donc au final le poids des graines récoltées, au détriment de la biomasse de la plante. Ce sont les abeilles domestiques qui auraient le plus d'effet, devant les abeilles sauvages du genre Lasioglossum.

Cette étude confirme donc tout l'intérêt de maintenir des conditions favorables à la survie des abeilles domestiques mais aussi sauvages, en maintenant notamment suffisamment d'habitats naturels dans l'espace agricole et en réduisant l'usage des insecticides et des herbicides. Elle montre aussi l'intérêt économique pour l'agriculteurs de développer des pratiques agroécologiques comme implanter des bandes fleuries, le coût de ces implantations pouvant être compensé par une augmentation du rendement. D'ailleurs, une autre étude évalue le gain économique de la pollinisation par les insectes et confronte ce gain à celui obtenu par les intrants chimiques.

 

Source : Thomas Perrot et Al.  2018. Bees increase oilseed rape yield under real field conditions. Agriculture, Ecosystems and Environment.

 

https://www.researchgate.net/publication/326928446_Bees_increase_oilseed_rape_yield_under_real_field_conditions