Cultiver le riz en Camargue : un défi écologique

La riziculture constitue un élément essentiel de régulation et de durabilité des agroécosystèmes Camarguais. Le rendement moyen du riz Paddy* stagne autour de 5,5 tonnes par ha avec comme principale contrainte le contrôle des adventices. Quatre espèces sont particulièrement impactantes : la panisse (Echinochloa Crus-Galli), le riz « Crodo » (Oryza sativa) et les triangles (Bolboschoenus maritimus, B. mucronatus). Plus la biomasse de ces adventices croit plus le rendement du riz diminue. L'irrigation du riz avec l'eau douce du Rhône permet le lessivage du sel et garantit la fertilité des sols

 

L'Europe compte 450 000 ha de riziculture : 230 000 ha en Italie dans la plaine du Pô, 120 000 ha en Espagne et 15 000 ha pour la France en Camargue en 2016 (180 exploitations). La France importe 300.000 tonnes de riz blanc pour une production nationale de 55.000 tonnes de riz blanc soit une autonomie de 18%.

 

Historiquement le problème des adventices était contrôlé grâce au repiquage manuel qui permettait au riz de concurrencer ces adventices et au désherbage manuel. Depuis 1960, le contrôle se fait à l'aide d'herbicides dont les molécules se sont succédées au fil du temps. Mais aujourd'hui, seuls 6 herbicides sont autorisés en France (contre 18 en Espagne et 21 en Italie !) et les adventices deviennent de plus en plus résistantes à ces matières actives. L'Italie et l'Espagne qui cultivent le riz majoritairement en monoculture utilisent déjà des variétés de riz tolérantes à un herbicide spécifique (variétés Clearfield).

Les recherches menées par l'INRA en partenariat avec les producteurs montrent que des alternatives sont possibles :

  • Le faux semis réalisé entre le 25 mars et le 20 avril peut faire germer les graines des adventices et notamment les graines de panisses et de riz Crodo.
  • La rotation culturale dans les parcelles où la teneur en sel n'est pas trop contraignante, en introduisant la luzerne (sur 3-4 ans), le blé dur et le tournesol notamment.
  • Augmenter la densité de semis et le retarder d'une dizaine de jours pour avoir une levée rapide du fait de conditions climatiques plus favorables.
  • Le désherbage manuel, toujours utilisé par quelques producteurs en bio.
  • Le désherbage mécanique qui nécessite de semer le riz en ligne.
  • L'introduction de canards (canard mulard) est une technique utilisée par un agriculteur en biologique, Bernard Poujol. Cette technique nécessite de semer le riz en ligne pour favoriser la circulation de ceux-ci et de maintenir la rizière constamment en eau. Les canetons sont lâchés au début de la montaison du riz et retirés avant le stade de remplissage du grain. Leur poids atteint alors 3kg. Les canards peuvent être réintroduits dans la rizière remise en eau après la récolte du riz. Un des principaux problèmes rencontrés provient de la prédation des renards. La présence des canards fait baisser de 20 % la biomasse adventice (de 2,5 à 3 t / ha) et augmente le rendement du riz de 24% (de 2,3 à 2,9 t / ha).

La mise en œuvre de pratiques agroécologiques dans les rizières camarguaises constitue un enjeu fort pour cette production dans une zone emblématique pour l'environnement et face à une concurrence exacerbée avec les autres pays producteurs. Cette carte à jouer est déjà une réalité avec plus de 75% de la production sous IGP « riz de Camargue » qui vise une réduction des intrants et 17% sous label bio avec une très forte croissance de 29% en un an.

 

Source : Vous trouverez tous les résultats détaillés des travaux menés dans le livre : « Le riz et la Camargue : des agroécosystèmes durables » Par Jean-Claude Mouret et  Bernadette Leclerc – Educagri éditions – 2018 – 508 pages et Cardère éd : https://cardere.fr/

 

*1 kg de riz paddy  (état brut non décortiqué) donne 750 g de riz complet ou 600 g de riz blanc