Le tri des grains bruchés
La bruche est un problème omniprésent pour les légumineuses à graines, notamment celles à destination de l'alimentation humaine.
Il existe très peu de moyens pour lutter contre les bruches : actuellement, on élimine ces bioagresseurs avec des moyens de lutte post-récolte en jouant sur le tri des grains bruchés et les conditions de stockage. Le principe général consiste à trier une première fois le lot de graines pour enlever les grains piqués et rabougris par les bruches. Ensuite, on stocke le lot de manière à faire sortir les bruches encore présentes dans les graines, puis on trie à nouveau afin d'éliminer les insectes morts et les graines abimées.
Il faut savoir qu'en France, une fois sortie de la graine, la bruche adulte ne repique pas d'autre graine. Ainsi, lorsque les adultes volent près de la récolte stockée, il ne faut pas craindre de nouvelle contamination, ni de dégâts supplémentaires : les dégâts sont majoritairement causés par les larves à l'intérieur de la graine !
Photo 8 : Déchets issus du tri d'un nettoyeur-séparateur à grilles superposées (10/2016) © L. Zaccagnini
Comme écrit précédemment, un tri préalable des stocks est conseillé mais non obligatoire. Il est tout à fait possible de stocker directement les graines pour faire sortir les bruches. Cependant, le lot sera plus difficile à trier car il faudra distinguer les grains bruchés, les bons grains, les impuretés et/ou les graines d'une autre espèce végétale. Généralement, ce premier tri peut s'effectuer avec un nettoyeur-séparateur classique. Vous pouvez-voir ci-contre les grains bruchés et autres impuretés éliminées du lot grâce à un nettoyeur-séparateur de type Schneider, à deux grilles superposées de calibres différents. Les bruches adultes sorties des graines volent autour.
Le stockage des graines est essentiel et très technique : il faut contrôler le milieu afin d'éliminer les ravageurs tout en préservant la qualité du grain. Plusieurs méthodes sont employées :
- Il est possible de placer la récolte sous vide ou dans un endroit hermétique, et de, soit faire descendre le taux d'oxygène à un niveau létal pour les bruches, soit saturer l'air en dioxyde de carbone. Les bruches mourront après un certains temps par manque d'oxygène. Cette technique a l'avantage de ne pas dégrader la qualité des graines contrairement à des traitements chimiques ou thermiques. Cependant, elle nécessite un appareil spécifique pour mettre sous vide avec une étanchéité absolue. En effet, les bruches sont des insectes très résistants et la moindre fuite d'air leur permettrait de survivre. De plus, elle implique un temps de travail supplémentaire important (un traitement dure plusieurs semaines) ce qui la rend peu envisageable pour des organismes stockeurs qui gèrent de gros volumes.
- On peut aussi lutter contre la bruche en plaçant les récoltes alternativement au chaud puis au froid, ou dans des conditions extrêmes de températures. Pour que cela soit efficace, il faut conserver le stock dans ces conditions pendant au minimum un mois afin d'éliminer toutes les bruches au stade larvaire. Il faut faire attention à bien contrôler la température car s'il ne fait que légèrement froid, les bruches vont rester au chaud, à l'abri dans les graines, et sortiront bien plus tard. La ventilation est essentielle mais nécessite des précautions (assèchement de la récolte et risque de grains cassants pour les légumes secs). Cette technique est très utilisée chez les agriculteurs, notamment ceux qui investissent dans un congélateur pour stocker leurs graines. Par contre, elle ne reste pas très rentable à plus grande échelle (coopérative ou volume de stock très important) car elle nécessite l'aménagement entier de hangars de stockage à tempérer et ventiler.
- Enfin, agiter fréquemment les lots de graines permet de faire sortir la majorité des bruches.
Le tri des graines bruchées peut se faire grâce à différentes machines.
- Les grains bruchés qui abritent encore une bruche adulte sont plus lourds que les autres. Il est donc possible de les trier avec une table densimétrique, séparant les mauvais grains (qui sortiront en haut) des bons (qui sortiront en bas). Cependant, cette technique n'est pas la plus utilisée car elle ne permet pas d'éliminer toutes les bruches : le poids des larves est tellement faible qu'on ne peut pas dissocier une graine piquée par une larve, d'une autre.
- Le trieur optique permet d'éliminer les grains bruchés lorsque les bruches sont sorties. Une différence de couleur au niveau de la cavité peut être identifiée par le trieur optique. Par contre, cette machine est coûteuse et très technique.
- Enfin, il est plus commun à la ferme de repasser le lot de graines dans un nettoyeur-séparateur ou un toboggan, afin d'affiner le triage.
On constate que, dans tous les cas de figure, la lutte efficace contre les bruches nécessite de trier plusieurs fois le même lot. Le tri est très utilisé pour nettoyer les lots mais n'est pas totalement efficace.
L'avis de Loïc Viguier qui réalise une thèse sous la tutelle de Qualisol et l'INRA.
« J'ai l'impression qu'il n'y a que des problèmes avec les bruches. »
Premièrement, au niveau du tri, il est très difficile de reconnaître un grain avec une larve de bruche d'un autre. Certaines techniques en laboratoire y parviennent mais ça reste fastidieux et impossible à faire à l'échelle d'une coopérative. Pour l'instant, on n'arrive pas à trier à 100 % les bruches. Bien qu'il n'y ai aucun risque sanitaire, il est possible que des bruches soient encore présentes dans le produit final commercialisé. C'est un important verrou agronomique pour la coopérative qui veut se lancer dans le sans gluten.
Ensuite, le problème qui prend de plus en plus d'ampleur est le fait qu'en agriculture biologique, on ne détruit pas la bruche dans le lieu de stockage. Ainsi, les adultes peuvent y hiberner et envahir les champs avoisinants l'année suivante. De même, certaines larves de bruches peuvent rester dans la graines pendant un voire deux ans !