Jean Suau Agriculteur sur la commune de Montaut dans l’Ariège
Jean Suau est agriculteur sur la commune de Montaut dans l'Ariège sur une exploitation « mixte » sur laquelle il cultive 7 ha de vergers (pommiers, pêchers, abricotiers), 8 ha de grandes cultures (céréales, tournesol, colza et parfois du trèfle). Il témoigne sur son expérience suite à l'introduction des oies dans les vergers depuis sa conversion en AB en 2005-2006.
La démarche
Ayant repris le verger de ses parents en 1997, Jean a progressivement arrêté la vente de la production à la coopérative pour se lancer dans la vente directe, et a songé à partir de 2004-2005 à convertir le verger en AB. Il s'est pour cela formé aux techniques de l'AB en intégrant notamment un réseau de producteurs et technicien, qui lui a permis d'avoir un cadre professionnel positif et stimulant qui via les échanges lors des rencontres « bouts de champ » lui ont permis de progresser techniquement et économiquement parlant. Il poursuit ses rencontres une fois par mois avec un groupe d'arboriculteurs en AB et conventionnel avec l'appui technique de Jean-François Larrieu (CA82).
Jean était notamment à la recherche de méthodes alternatives en matière de gestion de l'enherbement sur l'inter-rang, qui lui paraissait toutefois facilement maîtrisable, mais plutôt sur le rang vis-à-vis des problèmes de concurrence importants en terme de nutrition azotée et d'alimentation hydrique vis-à-vis des arbres fruitiers. Les solutions proposées que ce soit en terme de paillage, de travail du sol ou encore d'implantation de couvert sur le rang, étaient trop onéreuses et donc pas envisageable à cette époque. En revanche, après avoir vu chez un agriculteur du Tarn et Garonne, cette possibilité d'introduire des oies dans les vergers comme « tondeuses animales », Jean choisit de les mettre en place sur son exploitation, le coût étant modeste (8 €/oie), avec au départ une densité de 35 oies/ha. Les oies ont accès à 3,7 ha de pommiers et 30 ares de pêchers. Actuellement, il n'a plus qu'une quinzaine d'oies par hectare.
Les résultats
Jean estime que les oies si elles permettent de maîtriser la pousse de l'herbe sur l'inter-rang, n'ont pas montré de résultat significatif en terme de maîtrise de l'herbe sur le rang, et donc de limiter la concurrence, objectif pour lui prioritaire.
Le constat est le même que le verger soit palissé et irrigué au goutte-à-goutte (pommiers) ou conduit en gobelet et irrigué par aspersion (fruits à noyaux). Ainsi petit à petit, Jean s'est équipé en outil de travail du sol (cavaillonneuse/décavaillonneuse) pour travailler le rang. Il a également un rouleau facca qui lui permet de coucher l'herbe sur l'inter-rang lorsque celle-ci est trop haute.
En revanche, les oies peuvent aider par rapport à la régulation naturelle et notamment en terme de prophylaxie dans les vergers à noyaux. En mangeant les fruits moniliés tombés au sol, elles permettent de limiter les dégâts. « Toutefois, lorsque l'on commence à avoir des fruits moniliés au verger, on est déjà en situation de semi-échec. »
Jean souligne la « poésie » qui est toutefois associée à cette pratique et son importance concernant la communication et la médiatisation autour d'elle. « Les visiteurs sont davantage intéressés par les oies que par les vergers ».
Ainsi, Jean a un avis mitigé sur cette pratique. Cependant, il conserve ses oies dans ses vergers mais « c'est personnel ! ». Il y associe une notion de « plaisir » notamment dans la collecte des œufs pour sa consommation personnelle et le renouvellement de 5 petites oies par an au début du printemps afin de les habituer très tôt. Les oies circulent librement dans les vergers toute l'année. Jean leur apporte une alimentation uniquement en hiver lorsqu'il neige.
Choix de l'espèce animale et végétale
Jean a choisi les oies parce qu'elles sont herbivores, très faciles à conduire et sont très ritualisées. Il suffit qu'elles aient de l'eau sur la parcelle, et elles ne cherchent pas à s'échapper. Le seul problème est celui du renard, d'où la présence d'un chien qui dort avec elles dans les parcelles.
Il a réalisé un essai avec des brebis manech à tête noire, qui ne montent pas aux arbres, dans les vergers palissés. L'essai n'a duré qu'une semaine et n'a pas été concluant car les animaux se sont avérés peureux lorsque les engins entraient sur la parcelle et ont abîmé une partie du matériel d'irrigation (système en goutte-à-goutte) et du palissage.
Difficultés techniques
Jean évoque ouvertement le manque de références, d'expérimentations et d'expériences concernant cette pratique (quelle densité optimale d'animaux ? quel type d'enherbement ? à quel rythme doivent s'opérer les rotations ?...). Il souhaiterait davantage d'évaluations chiffrées sur les effets bénéfiques réellement observés. « Ce n'est pas à nous de tester, ce n'est pas notre métier ! ». Le fait de ne pas avoir ces références nous fait perdre du temps et en efficacité. « Je n'ai par exemple pas de données sur la fumure des parcelles par les déjections animales » Une meilleure coordination et articulation entre recherche et développement, serait profitable.
Il évoque notamment son questionnement sur l'équilibre difficile à trouver entre un chargement plus important sur la parcelle d'intérêt (qui peut être de l'ordre d'une centaine d'oies par hectare en fonction du contexte local), dans un objectif affiché de diversification de gammes pour produire de la viande chaque année, mais qui peut entraîner l'apparition de zones de refus dans le verger et entraîner une modification de la flore dans le verger et à terme une diminution de la diversité floristique. « J'ai pu constaté une diminution de la pression en pissenlit dans mes parcelles, donc si une réduction de la diversité floristique est avérée, cela n'est pas satisfaisant en terme de durabilité du système ».
Enfin, Jean évoque les difficultés rencontrées lors de son passage en AB, sur le manque de diversité de matériel végétal disponible notamment en ce qui concerne les fruits à noyaux et notamment les pêchers, pour lesquels il est reparti sur des variétés anciennes qui ne répondent pas forcément aux critères de consommation actuelle. Il évoque aussi les difficultés à trouver du matériel de travail du sol localement, puisqu'il a acheté son matériel spécifique en Italie.